Ecopop et les lemmings : fable malthusienne


Le premier sondage sur les intentions de vote à propos de l'initiative éco-xénophobe "Ecopop", soumise au bon peuple le 30 novembre prochain, semble ne lui laisser guère de chances d'être adoptée -mais quelques navrantes expériences récentes nous incitent tout de même à une certaine prudence : Un mois avant le vote, 58 % des sondés disaient vouloir voter "non" à Ecopop ? Un mois avant le vote de l'initiative udéciste sur l'"immigration de masse", 55 % des sondés disaient aussi vouloir la refuser. On sait ce qu'il en advint. Et ce qu'il advint de l'initiative "antiminarets", que seuls 34 % des sondés soutenaient au départ...


Samedi, à 14 heures 30 sur la Place Fédérale (à Berne, donc) une manifestation nationale "pour une Suisse solidaire" dira "NON à Ecopop"...  On sera sans doute moins nombreux que celles et ceux qui voteront "oui" à Ecopop, mais nous, au moins, on pense qu'il y a assez de place dans ce pays pour toutes celles et tous ceux qui veulent y vivre... Y compris les partisans d'Ecopop) 

Ecopop et les lemmings : fable malthusienne

Les humeurs politiques ont des raisons que la raison est parfois impuissante à réfréner, et un pays qui a pu successivement adopter trois initiatives inapplicables (sur les minarets, sur les "criminels étrangers" et sur l'"immigration de masse")  pour la seule déraison qu'elles le caressaient dans le sens du poil tribal et du vent xénophobe pourrait fort bien se laisser aller à en ingurgiter une quatrième, puisque cette potion lui convient. Parce que le coup de "la barque est pleine", ça marche toujours. Quand on est dans la barque et qu'on a les rames en main pour repousser les naufragés.
Des écolo fondamentaliste comme Philippe Roch, des féministes historiques comme Anne-Marie Rey sont "blessés" quand on qualifie "Ecopop" de texte xénophobe. L'ont-t-il lue, cette initiative, avant de la soutenir au seul motif qu'elle « lance le débat sur la démographie » ? Ni Philippe Roch ni Anne-Marie Rey ne sont xénophobes. Mais "Ecopop" l'est, sans conteste possible. S'avançant sous le masque de l'écologie, l'initiative ne s'en prend pas à la consommation individuelle des ressources (et des espaces) par la population résidente, ni au gaspillage de ces ressources et de ces espaces par les Suisses eux-mêmes -elle s'en prend à l'immigration.
Parce que, c'est évident, on pollue beaucoup moins quand est du côté Moillesulaz de la frontière que quand on est du côté Chêne-Bourg. Et que la pollution, elle fait comme le nuage de Tchernobyl : elle s'arrête à la douane. Prétendant "mettre la démographie au coeur du débat politique", Ecopop ne tient aucun compte du vieillissement de la population résidente (un vieillissement lui-même fauteur d'immigration) mais est obsédée par la natalité dans les pays bénéficiaire de l'aide suisse au développement... Elle ne « lance pas le débat » sur la démographie, elle le rabaisse au niveau d'un seul et unique prédicat : la dégradation de l'environnement, le bétonnage, le gaspillage, « c'est la faute des autres ». La faute des immigrants, la faute des pauvres du Sud. Vieil air connu :  "qu'est-ce qu'on serait bien chez nous, entre nous seuls", sans ces métèques importuns et prolifiques, avec seulement les quelques immigrants nécessaires pour nous torcher dans nos EMS quand le temps sera venu d'y finir nos jours. Entre indigènes cacochymes protégés par leur frontière.
L'llusion sur le « bon vieux temps », le fantasme sur la possibilité d'y revenir, l'aveuglement sur ce qu'il signifiait pour l'écrasante majorité de la population qui le vivait, tout cela est la marque d'une « écologie » fondamentalement réactionnaire et profondément anti-humaniste. Mais il s'y ajoute encore l'ethnocentrisme,  et le projet de monopolisation de l'espace de vie des humains par ceux d'entre eux qui, les plus riches, les plus gaspilleurs,  les plus pollueurs -mais les moins nombreux, et les plus vieux- disposent déjà du pouvoir économique, culturel, social... et politique.
En faisant de l'écologie le cache-sexe de la xénophobie et du planning familial celui de l'ethnocentrisme, Ecopop n'exprime que cet égoïsme forcené par la proposition de tout faire pour réduire le taux de natalité dans les pays les plus pauvres, en oubliant volontairement (parce que ça gène la démonstration) que ce qui permet la réduction du taux de natalité et sa maîtrise par les femmes, ce qui leur permet, à elles d'abord, de décider d'avoir ou non des enfants et combien en avoir, ce ne sont pas des campagnes de "planning familial" parachutées dans des pays où elles sont en situation de sujétion sociale mais, préalablement à tout le reste, la fin de cette sujétion -par l'extension des droits démocratiques et sociaux, par l'éducation, par l'amélioration des conditions matérielles d'existence. Sauf, évidemment, à s'en remettre à des politiques du genre de celle de l'"enfant unique" en Chine maoïste ou de la stérilisation forcée des femmes indigènes péruviennes par le régime Fujimori.

Le 30 novembre prochain, un million de Suisses et de Suissesses (ou un peu moins, ou un peu plus, et c'est cette surpopulation là qui devrait nous inquiéter)  auront, en votant "oui" à l'initiative "Ecopop", dit qu'à leur avis, il y a un million de personnes humaines en trop dans ce pays. Des lemmings, au moins, en tireraient la conclusion qui s'impose.


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