Forfaits fiscaux : déjà cinq cantons les ont abolis : Et de six le 30 novembre ?


   

Cinq cantons (Zurich, les deux Bâle, Schaffhouse, Appenzell Rhodes extérieures) ont déjà aboli les « forfaits fiscaux » (l'imposition sur la dépense). Un sixième les rejoindra-t-ils le dimanche 30 novembre ? Genève se prononcera alors sur une initiative socialiste proposant leur abolition. Et le même jour, toute la Suisse en fera autant, sur une initiative fédérale de La Gauche, exprimant la même revendication. A l'inverse, huit cantons (Berne, Lucerne, Nidwald, Schwatz, Glaris, Saint-Gall, Thurgovie et Appenzell Rhodes intérieures) ont décidé de maintenir ce privilège fiscal réservé aux riches étrangers résidant en Suisse sans y avoir (du moins officiellement et légalement) d'activité professionnelle -mais pour prix de ce maintien, ces cantons ont, sous pression d'une initiative populaire, alourdi les conditions d'accès à ce privilège. Ce que la Confédération elle-même a également décidé de faire. On lâche donc du lest -mais un peu, juste ce qui est nécessaire pour permettre aux aérostiers fiscaux de continuer à survoler l'imposition normale sans s'y confronter...

«  si vous me taxez selon mes ressources, je pars en Suisse me faire taxer seulement sur mes dépenses...»


La nouvelle loi fédérale, adoptée pour réduire les risques d'une acceptation de l'initiative de La Gauche, hausse le niveau des indicateurs déterminant la dépense imposable (et, au passage, prive les Suisses de l'étranger rentrant au pays après au moins dix ans d'absence, de la possibilité de bénéficier du « forfait fiscal »). Le loyer ou la valeur locative du logement sera multiplié par sept au lieu de cinq pour produire le premier indicateur et une « assiette fiscale » minimale de 400'000 francs sera introduite au niveau fédéral. Les cantons ont deux ans pour s'y adapter. L'Argovie, le Tessin, Soleurs et Glaris vont adopter ce seuil de 400'000 francs, Lucerne, Saint-Gall et Schwytz l'ont haussé à 600'000 francs, niveau également proposé par le contre-projet du gouvernement et du parlement genevois. Fribourg passe à 250'000 francs et le Valais à 280'000 francs. C'est, pour les partisans du maintien des « forfaits fiscaux », le prix à faire payer à leurs bénéficiaires pour faire échouer l'initiative de La Gauche : pour ne pas abolir l'imposition sur la dépense, la Confédération réduit le champ de ses bénéficiaires potentiels et augmente sa rentabilité (elle en avait d'ailleurs besoin, pour autant qu'on admette la légitimité de ce type d'imposition, inefficace en sus d'être discriminatoire).

La question centrale reste cependant posée : si La Gauche et le PS proposent de supprimer le privilège fiscal que matérialise l'imposition sur la dépense, c'est d'abord pour la raison qu'elle est contraire au principe constitutionnel de l'égalité devant l'impôt, puisqu'elle permet à certains contribuables définis de manière par leur seule nationalité (les Suisses de l'étranger revenant au pays ne pourront plus bénéficier de ce privilège) d'échapper à une imposition fondée sur leur capacité économique réelle, c'est-à-dire sur leurs revenus et leurs fortunes réels, et de bénéficier d'une imposition négociée avec l'administration fiscale, sur la base des renseignements qu'eux-mêmes lui auront fournis -en sélectionnant évidemment ceux qui leur sont profitables.

Enfin, il y a l'effet à l'étranger de ce cadeau fiscal offert par la Suisse à ses riches résidents étrangers : non seulement il est de nature à renforcer l'aimable chantage auquel se livrent les gros contribuables étrangers (« si vous me taxez selon les revenus et ma fortune réels, je pars en Suisse me faire taxer seulement sur ce que j'en dépense...»), mais il est aussi, et de ce fait même, de nature à légitimer le dumping fiscal auquel se livrent les Etats entre eux (sauf ceux qui s'y refusent, et ils le paient cher). Qui tire profit de cet exercice malsain ? certainement pas les finances publiques suisses (l'abolition des forfaits fiscaux à Zurich n'a rien fait perdre aux caisses cantonales et municipales), pas même celle des cantons romands dont les « grands argentiers » désargentés clament à tout vent que le projet de La Gauche au plan suisse, du PS au plan genevois, va leur faire perdre le lard du chat, mais seulement les riches exilés fiscaux étrangers en Suisse -et encore : d'entre eux, seuls ceux qui sont venus chez nous pour d'uniques raisons financières.
Au respect de l'égalité devant l'impôt s'ajoute donc le respect d'un minimum de solidarité fiscale avec les collectivités publiques étrangères, et en particulier celles que la dernière crise financière a ravagées, comme raison de principe de soutenir le 30 novembre les deux initiatives, la cantonale et la fédérale, pour l'abolition de forfaits fiscaux dont le mauvais esprit qui, parfois nous anime voit dans leur substantif même la confirmation qu'ils sont condamnable.
Car il y a peu du forfait à la forfaiture.

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