Catalogne : Simulacre de référendum ou référendum sur le référendum ?


Illégal ? Légitime !

 En Catalogne, lors de ce que ses adversaires considéraient comme un « simulacre de référendum » et qui s'avère avoir été une sorte de « référendum sur le référendum », les votants ont massivement répondu « oui » aux questions « La Catalogne doit-elle être un Etat ? » et  « cet Etat doit-il être indépendant ? » (de l'Espagne). La consultation catalane succède à une consultation écossaise portant sur la même revendication indépendantiste, mais légitimée, elle, par le gouvernement britannique -qui y risquait pourtant gros, et sentit passer le vent du boulet.. Récusée par le gouvernement central et la Cour constitutionnelle espagnols, maintenue sous une forme ambiguë (sans portée juridique, mais avec une lourde portée politique) la consultation catalane n'était peut-être pas légale, mais elle était légitime, Une légitimité confirmée par la participation de deux millions de personnes, sans lesquelles ce « référendum sur le référendum »  n'aurait été qu'une mise en scène.

Car il y a des «  oui » qui disent « non » : à l'ordre des choses...

Le gouvernement espagnol n'a pas donc eu face au référendum catalan le courage du gouvernement britannique face au référendum, écossais, celui d'assumer le risque d'un « véritable » référendum d'autodétermination. Cette pusillanimité du gouvernement espagnol le laisse face au même enjeu qu'avant le « simulacre de référendum » finalement tenu -et gagné par ses organisateurs. Un enjeu qui n'est pas que catalan (il est tout autant basque), ni même qu'Espagnol : la succession des consultations écossaise et catalane, et dans les deux cas la coalition de l'indépendantisme et de la gauche ont une signification bien plus considérable qu'il semble : celle d'un refus de l'état (et de l'Etat...) des choses. Un député de la gauche catalane résume : « nous ne discutons pas seulement de savoir si oui ou non nous voulons l'indépendance. Nous discutons aussi du pourquoi de cette indépendance ». Du « pourquoi de l'indépendance », c'est-à-dire du « pour quoi en faire?». Mais aussi du «  contre qui ? ». Contre le gouvernement de Madrid, évidemment (d'autant plus qu'il est de droite, mais sur la « question catalane » comme sur la «question basque», le PS espagnol lui colle au train). Mais aussi contre «l'oligarchie» catalane, et les marchés financiers.
La question n'est donc pas celle de la légalité formelle, constitutionnelle, du référendum catalan, mais celle de sa légitimité. Aucun processus d'autodétermination nationale n'a commencé autrement que dans l'illégalité, même si, au final, il a bien fallu le « ratifier » légalement, comme le référendum français de 1961 ratifie l'autodétermination de l'Algérie huit ans après le déclenchement d'une insurrection armée. En outre, la question nationale est toujours totalement imbriquée dans un conflit politique plus classique : La Catalogne a été un bastion de l'antifranquisme, comme elle l'avait été, et parce qu'elle l'avait été, de l'anarchisme, parallèlement à l'autonomisme bourgeois,  En 1936, lançant son appel (« No pasarán ! ») à la résistance au fascisme, Dolorès Ibárruri l'adressait évidemment, en bonne communiste (et stalinienne) qu'elle était,  d'abord aux « Ouvriers ! Paysans ! Antifascistes ! Espagnols patriotes ! », mais elle l'adressa ensuite aux « Peuples de Catalogne, du Pays basque et de Galice ! » : la République avait desserré l'étau centralisateur, et sous le calcul stratégique « unitaire », il y avait, de la part des antifranquistes, la reconnaissance de l'existence de « peuples » spécifiques -or du peuple à la nation, il n'y a d'obstacle que la volonté de ce peuple d'être ou non une nation, et de la nation à l'Etat indépendant, que celui du rapport de force de cette nation avec l'Etat dont elle voudrait se séparer.

Que la constitution espagnole de 1978 proclame que « la souveraineté appartient au peuple espagnol dans son ensemble et à lui seul» ne suffit pas à délégitimer une revendication fondée sur l'évidence qu'il y a un peuple catalan, un peuple basque, un peuple galicien, qui ne sont pas des sous-ensembles du peuple espagnol mais des peuples à part entière -et donc des nations à part entière si ces peuples en décident ainsi  : il n'y a pas de nation a priori, de nation « originelle », il n'y a de nation que construite et voulue politiquement. Et même dans ce cas, ni la construction d'un Etat, ni son indépendance, ne sont des conséquences inéluctables de l'existence d'une nation.

D'entre les deux millions de Catalans qui ont participé au référendum de dimanche, les un-e-s sont partisans de l'indépendance, les autres d'une autonomie élargie -tous, cependant, en votant « oui », ont affirmé leur droit à l'autodétermination -et leur opposition au pouvoir central.
Car il y a des « oui » qui disent « non » : à l'ordre des choses.

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