Retrouver l'inspiration d'un renouveau de l'internationalisme ? L'an prochain à Zimmerwald...


La Jeunesse Socialiste suisse réfléchit à une commémoration du centenaire de la conférence de Zimmerwald, qui avait réuni en septembre 1915, dans la campagne bernoise, à l'inititiative de socialistes suisses et italiens, des représentants de la gauche socialiste européenne, opposée aux « unions sacrées » passées dans les Etats en guerre entre les partis socialistes et sociaux-démocrates, les partis de droite, les gouvernements et les armées au nom de la « défense nationale », deux ans après que le congrès de Bâle de l'Internationale ait solennellement proclamé que si la guerre éclatait en Europe, les partis socialistes et les syndicats y répondraient par une grève générale à l'échelle du continent. On conviendra donc que pour trouver en 2015 l'inspiration nécessaires à un renouveau de l'internationalisme et de la lutte contre les nationalismes, le centenaire de Zimmerwald vaut mieux que le demi-millénaire de Marignan...

«  S'ils s'obstinent, ces cannibales, à faire de nous des héros... »

Au déclenchement de la Grande Guerre, en 1914, la plupart des partis socialistes des Etats en guerre intègrent une « Union Sacrée » avec la droite, pour la défense de « leur Etat » contre l'Etat des socialistes d'à côté (ne manquaient à cette mobilisation « social-patriote» que les Serbes et, pour un an, les Italiens, jusqu'à ce que Mussolini, acheté -au sens le plus crapuleux du terme- par les socialistes français, fasse exploser le PS italien pour pousser l'Italie en guerre). Mais si les partis, en tant que tels, adhèrent au social-patriotisme, partout une minorité de gauche, pacifiste, antimilitariste, révolutionnariste, souvent issue des syndicats ou y assumant des responsabilités, refuse cette capitulation politique. C'est cette minorité dont 38 représentants vont se retrouver à Zimmerwald, du 5 au 8 septembre 1915. En mars 1915, c'était déjà en Suisse, à Berne même, que la première Conférence internationale des femmes socialistes, organisée par l'Allemande Clara Zetkin, dénonçait la responsabilité de l'impérialisme et exigeait une « paix sans annexion, sans conquête, reconnaissant aux peuples le droit de disposer d'eux-mêmes ». Le Manifeste de Zimmerwald, six mois plus tard, tiendra le même discours. A Berne comme à Zimmerwald, les gauches socialistes proclament que la classe ouvrière doit s'extirper de la guerre nationaliste et impérialiste pour reprendre la seule lutte qui vaille : la lutte des classes, pour le seul objectif qui vaille : le socialisme. Elles vont dire que la guerre qui dévaste l'Europe « est le produit de l'impérialisme », que tous les impérialismes se valent, et que «les capitalistes de tous les pays (...) ensevelissent la liberté de leurs peuples en même temps que l'indépendance des autres nations ».  Mais surtout, plus loin que le bon vieux « guerre à la guerre » des congrès de l'Internationale, elles vont proclamer que le devoir des socialistes n'est pas de défendre l'Etat qui les mobilise contre les socialistes de l'Etat voisin, mais de le combattre, que les socialistes doivent « agir pour (leur) propre cause, pour le but sacré du socialisme, pour l'émancipation des peuples opprimés et des classes asservies ». Et que le devoir des socialistes des pays neutres (et donc des suisses) est de les y aider...

Il ne faut ni mythifier Zimmerwald, ni sous-estimer ce que signifie, au-delà de son échec pragmatique, cette renaissance de l'internationalisme et de l'antimilitarisme socialistes -et cette résurgence d'une gauche socialiste s'émancipant de l'«esprit de parti». Certes, Zimmerwald n'aboutira pas à la «  paix sans annexion ni indemnités », et son « aile gauche» (celle de Lénine) en tirera rapidement, après une autre conférence bernoise à Kienthal, la conséquence qu'il n'y a plus rien à attendre de la IIe Internationale, sinon en faire émerger une IIIe (dont la captation bolchévik de la révolution russe, deux ans après Zimmerwald, accouchera) après que la guerre impérialiste eût accouché d'une révolution -mais le manifeste de 1915 est tout de même le signe que l'internationalisme que la IIe Internationale proclamait encore lyriquement par les mots de Jaurès en 1912 à Bâle,  n'était pas mort, que les coalitions « social-patriote », en particulier en France, en Allemagne, en Autriche et en Grande-Bretagne, étaient contestées à gauche. Même en Suisse, Zimmerwald, auquel le PSS adhèrera officiellement, émancipera le Parti socialiste (jusqu'à la Paix du Travail), pour lui donner, trois ans plus tard, la force et le courage de proclamer la première, et la seule, grève générale de l'histoire du pays.
Et si aujourd'hui le programme du Parti socialiste contient la revendication de l'abolition de l'armée (quoi qu'il fasse de cette revendication d'ailleurs), qui pourrait jurer que Zimmerwald y soit pour rien ?

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