Transports publics et mobilité douce : entre plébiscite populaire et sabotage parlementaire


    

      Ce n'était ni un sondage, ni une enquête scientifique, le questionnaire à Lulu, mais c'est une gentille petite claque que les réponses qui y ont été données adressent aux mauvaises odeurs, au TCS, à l'ACS, à Feu Vert et au MCG -pour une fois vert, mais de rage... Questionnés en septembre sur la «  mobilité », Plus de 12'000 Genevois-ses y ont répondu et plébiscitent transports publics et mobilité douce. Il ne reste plus qu'à traduire ça en actes politiques, qu'aucun sondage ne remplacera jamais, et en choix clairs, qui devront bien s'éloigner du mantra constitutionnel sur la fumeuse « liberté de choix du mode de transport ». Oui, notre optimisme est parfois déconcertant... D'autant qu'au moment où on apprenait que les réponses au questionnaire de la Direction des Transports soutenaient une priorité aux transports publics, on apprenait aussi que la Commission des Transports du Grand Conseil soutenait un «  contrat de prestation » des Transports Publics Genevois réduisant leurs prestations et leurs places de travail au lieu de les renforcer, cela pour se venger de l'adoption réitérée de l'initiative populaire imposant une baisse des tarifs des TPG, et la faire payer aux usagers (et au personnel) plutôt que s'en servir pour renforcer l'attractivité des transports publics...


Requiem pour un absurde « libre choix du mode de transport »

En 2013, le Conseil d'Etat genevois constatait l'évidence d'une situation « proche de la saturation» en ce qui concerne les transports motorisés, et d'infrastructures « insatisfaisantes » s'agissant de la mobilité en général. Et cette situation perdurait déjà depuis plus de dix ans, faute de choix politiques clairs. Des choix qui, finalement, se résument en l'alternative de deux « idéaux-types » : détruire la ville pour y faire passer les bagnoles, ou repousser les bagnoles hors de la ville pour la sauvegarder (faire qu'elle soit vivable pour ceux qui y habitent et fréquentable pour ceux qui y travaillent). Et c'est le choix de ce deuxième terme de l'alternative que font, dans leur très grande majorité, les réponses au questionnaire de la Direction générale des transports : dans l'« hypercentre », priorité absolue (dans 90 % des réponses) aux transports publics et à la mobilité douce (cycliste et piétonne), dans le «centre», mêmes priorités (un peu moins absolues, mais à 78 % tout de même), et à la périphérie, toujours la priorité à 57%) aux transports publics, l'automobile ne venant qu'en deuxième position (à 27 %) là où on l'attendait triomphante.

Les Genevois ont pris conscience que leur ville (et on ne parle pas ici de la commune mais de la continuité urbaine...) est une ville-centre à tous points de vue : sise au centre de son agglomération, elle concentre les emplois, un quart de la population de sa région restreinte (un cinquième de sa «grande région»), l'essentiel des lieux de loisirs et de culture... et des destinations de parcours motorisés. Or cette ville est l'une des plus densifiées d'Europe (elle est 25 fois plus dense que l'agglomération), la plupart de ses rues ont été tracées au plus tard au XIXe siècle (et certaines plus de mille ans auparavant...). Et c'est vers elle que se dirige la circulation de « pendulaires » se précipitant dans l'entassement de l'hyper-centre ou l'encombrement de sa périphérie immédiate,  parce que presque toutes les grandes voies de circulation y convergent de toutes les frontières du canton, mais aussi parce que c'est la solution de facilité apparente puisque la circulation automobile reste « libre » (de s'embouteiller), et que les transports publics souffrent encore d'un retard de vingt ou trente ans sur la réalité de l'espace qu'ils desservent.  Résultat : tous les jours, pendant plus de trois heures, le réseau routier genevois est saturé. Et les Genevois, piétons, cyclistes, motards, automobilistes, usagers des transports publics ensemble, n'en peuvent plus. Et le disent. Et disent comment ils veulent que soit conçue la mobilité dans leur espace de vie : à partir d'abord des transports publics, ensuite de la mobilité douce, et enfin seulement, quasi accessoirement, de l'automobile.

La clef pour sortir de l'impasse de l'immobilité genevoise ouvre ainsi deux portes : celle des transports publics, pour sortir de la ville et y entrer, celle de la mobilité douce pour se déplacer à l'intérieur de la ville. Et cette clef ferme une troisième porte : celle du garage à bagnole. Du fond duquel nous parviennent d'ailleurs déjà les sanglots longs et les aigres dénégations des fétichistes de la bagnole en ville.
Mais on avouera que cette petite musique nous plaît, comme un requiem pour un absurde « libre choix du mode de transport ».

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