Le rêve autoroutier-lacustre de la droite genevoise : Combler le lac, qu'on voie le parking !


Vous parler de la traversée autoroutière du Petit Lac genevois après le massacre parisien des porteurs de liberté, c'est sans doute une faute de goût. Et une absence coupable de sens des priorités. Mais quoi ? la bouffonnerie peut succéder à la tragédie sans l'effacer, et ayant revendiqué hier, d'autant plus fièrement qu'on ne risquait pas grand chose à le faire, le droit de dire et d'écrire ce qu'on voulait, comme on le voulait, quand on le voulait, on a du même coup revendiqué le droit d'écrire de ce qui n'importe pas le plus. Ne serait-ce que pour prendre date lorsqu'aucune cause plus exigeante ne nous requerra. Or donc, lundi dernier, la droite genevoise, avec le sens des priorités et des combats historiques qu'on lui connaît, a déposé une initiative populaire signée par un peu moins de 12'000 personnes, pour une traversée routière du Petit-Lac de Genève. Enthousiasme de la « Tribune de Genève » du lendemain : « on ne pouvait rêver mieux pour se remettre dans le bain en cette rentrée 2015 à Genève ». La « Julie » a les rêves qu'elle peut.

« Tant qu'il y aura un doute quant à l'unité des Genevois sur cette traversée, il n'y en aura pas »


La droite genevoise a un rêve : faire traverser le Petit Lac par une autoroute, d'ici à 2030. Ce rêve, exprimé par l'initiative que le PLR et le PDC viennent de faire aboutir, en contient un autre : celui de pouvoir se payer cette autoroute par ses propres moyens et ceux amenés par un ou plusieurs partenaire(s) privés. Et ce rêve dans le rêve en contient lui-même un rêve dans le rêve du rêve  : pouvoir se faire rembourser la mise de départ par la Confédération en échange de la reprise de l'autoroute lacustre au sein du réseau routier national, après que la Confédération (qui ne voit aucun intérêt national à financer une traversée du lac) ait déjà financé l'élargissement et le bouclement de l'autoroute de contournement.

Pour que le rêve de la droite genevoise, du TCS, des syndicats patronaux et du Conseil d'Etat puisse se réaliser, «Genève devra faire taire ses sempiternelles disputes», songe (un rêve de plus...) l'éditorialiste de la Tribune de Genève. Il faudrait donc que les Genevois, leurs partis politiques, leurs associations actives dans le débat sur les transports (l'ATE, le TCS, l'ACS...), les syndicats patronaux, les syndicats de travailleurs, tous soient d'accord de soutenir le principe même d'une traversée routière du Petit Lac (on sait déjà qu'une majorité d'entre eux ne veulent pas d'une traversée routière de la rade). Or un tiers (au moins) d'entre eux, y sont opposés, comme la majorité des Verts, des socialistes et de la « gauche de la gauche », quel que soit le projet qui leur sera soumis. « Tant qu'il y aura un doute quant à l'unité des Genevois sur cette traversée, il n'y en aura pas », soupirait le luminescent président du MCG, Roger Golay après le refus populaire de la traversée de la rade. Or il n'y a pas d'« unité des Genevois sur cette traversée ». Ni sur aucune autre, ni d'ailleurs sur quoi que ce soit (c'est ce qui fait notre charme). Et on a bien l'intention de faire tout ce qu'on peut pour qu'il n'y en ait jamais. D'autant qu'il ne faudrait pas seulement que les Genevois soient miraculeusement unanimes à soutenir une traversée routière du Petit Lac, il faudrait aussi qu'ils le soient dans le choix entre une traversée en pont et une traversée en tunnel. Puis sur son financement (la chose peut coûter, selon les variantes retenues et les financements obtenus, de 3 jusqu'à 13 milliards...). Puis que l'on trouve un partenaire privé d'accord de perdre de l'argent : le partenariat privé suppose un péage, dissuasif pour une bonne partie des usagers potentiels, en sus d'être actuellement illégal, et de ne pas être « concurrentiel » avec un pont gratuit situé à 1000 mètres (le pont du Mont-Blanc, à moins que la circulation automobile en soit purement et simplement exclue. Il faudrait encore que l'on convainque la Confédération de mettre la main à la caisse alors qu'elle est sceptique quant aux « partenariats publics-privés », qu'elle préfère financer l'élargissement du contournement terrestre de la ville et qu'elle a déjà clairement exprimé ses son refus de financer une traversée routière du Petit-Lac si la rive-gauche du lac ne s'urbanisait pas davantage. Ce à quoi la rive-gauche du lac ne tient pas du tout.

L'édito de la Tribune de Genève du 6 janvier, à propos de l'initiative de la droite pour une traversée autoroutière du Petit Lac, proclame haut et fort le soutien du canard à ce projet (elle avait fait de même avec celui du Stade de Genève, dont on connaît le destin...). Pour la « Julie », « on ne pouvait rêver mieux » qu'une initiative de ce genre pour commencer l'année 2015. Et le millénaire qui suit ? Les conditions à remplir pour que ce rêve se réalise sont telles qu'il est invraisemblable qu'elles soient remplies avant la prochaine glaciation. Quand on pourra alors traverser à pied le glacier du Léman.
Parce qu'enfin, il nous emmerde, ce lac encombrant et tout mouillé, avec ses poissons qui baisent dedans et ses canards qui chient dessus.

Qu'est-ce que la droite genevoise, le TCS, les « milieux économiques » et la « Julie » attendent pour nous servir le seul slogan qui puisse résumer leur « grand projet pur Genève » : « comblez le lac, qu'on voie le parking ! » ?

Commentaires

Articles les plus consultés