Nouvelle loi cantonale genevoise sur la police : D'une votation à un plébiscite ?


Dans un bel exercice de cirage de pompes (cloutées), entamé par un vibrant «depuis l'arrivée de Pierre Maudet à la tête du Département de la sécurité (...) le taux de criminalité global a diminué à- Genève», « Tout l'immobilier » accorde deux pages, le 2 février, au Maudet en chef pour qu'il défende, sans contradicteur, la nouvelle loi cantonale sur la police approuvée par une majorité composite du parlement, et attaquée par deux référendums aux justifications contradictoires, l'un lancé par le MCG et l'autre lancé par «Ensemble à Gauche». Autrement dit, pour résumer : un référendum lancé par le parti de la police et un autre lancé par le parti des manifestants. On votera le 8 mars. Et nous qui étions plutôt enclins à voter « blanc », Pierre Maudet est en train de nous convaincre de voter « non », à force de réduire le vote à un plébiscite de sa personne, de sa politique et de celle de son compère du Parquet.

«  Poser la question de savoir qui gouverne la police et comment » ...chiche, posons...

Le 8 mars, les Genevois et voises se prononceront sur une nouvelle loi sur la police. A gauche, le PS se satisfait de ce que la « police de proximité » soit « ancrée » dans la loi et que le port du matricule soit enfin obligatoire pour tout policier, et les Verts saluent la création d'un Conseil de la sécurité « incluant des personnes issues de la société civile ». Toujours à gauche, mais dans le camp du « non  », « Ensemble à gauche » appelle à refuser une loi que la coalition qualifie de « néolibérale » (ce qu'il y a de pratique avec l'adjectif « néo-libéral », c'est qu'il est comme l'Aromat Knorr : il sert à tout, va partout, pour tout), qui « renforce le dumping salarial » et « ouvre la porte à une privatisation de la police» (la porte était déjà ouverte : la loi proposée maintient en effet la possibilité déjà offerte par le cadre légal actuel de sous-traiter des tâches de police à des entreprises privées -en restreignant cette possibilité à des cas exceptionnels et pour une durée limitée, ce qui n'offre guère de garanties).

A droite l'UDC et le MCG agitent le spectre des flics métèques pour faire voter « non » : « La fonction de policier est trop sensible pour être accessible aux étrangers », proclame le député MCG (et ancien policier) Jean Sanchez, qui semble donc préférer des policiers suisses même pas forcément genevois et habitant en France (on vient d'apprendre qu'un quart du personnel policier habite en France, et que la loi l'autorise) à des policiers étrangers nés et habitant Genève... De toute façon, le règlement relatif au personnel de l'administration cantonale pose désormais le critère de nationalité suisse pour cet engagement. Quant à l'engagement de frontaliers, il nous est d'ailleurs totalement indifférent que les policiers soient suisses ou étrangers pourvu qu'ils fassent bien leur boulot -de ce point de vue, connaître Genève et y habiter nous paraît offrir de meilleures garanties que la couleur d'un passeport. On a également lu le MCG donner, à l'appui de son refus de la loi, cet argument assez ironique, venant d'où il vient : « il faut refuser une police politisée». Bel exercice d'hypocrisie de la part d'un parti faisant élire (ou tentant de le faire) des policiers ou anciens policiers comme députés, conseillers municipaux, conseillers administratif, conseiller national...
Enfin, la loi proposée s'attire les foudres du syndicat de la police parce qu'elle ne «fige» plus les acquis sociaux des policiers, qu'elle « attaque la légitimité des syndicats » en créant une commission du personnel formée par le Conseil d'Etat (c'est-à-dire par le patron...) et qu'elle « nie les droits des salariés » en créant un statut (celui d'« assistant de sécurité publique ») sans cahier des charges négocié avec l'employeur.

On devrait se prononcer le 8 mars sur le contenu de la loi. Sauf que le ton donné par son principal promoteur à la campagne pour le « oui » transforme le vote en plébiscite dès lors qu'il réclame non plus de voter pour un texte, mais de voter pour lui-même...  « Ce n'est pas un syndicat ni un parti qui dirige la police, mais un Exécutif (...) dans un cadre fixé par le parlement », proclame fièrement, droit dans sa mentonnière, Pierre Maudet. Qui poursuit en annonçant que si la loi qu'il propose était refusée le 8 mars, «  cela créerait un coup d'arrêt dans la démarche forte que nous avons impulsée avec le Procureur général (...) et cela poserait la question de savoir qui gouverne la police et comment »... il veut nous convaincre de voter « non », là, nous qui, pour ne pas avoir à choisir entre Maudet et Jornot d'un côté et les flics du MCG de l'autre, nous apprêtions à voter blanc ? Si Maudet lui-même fait de ce vote un plébiscite de sa politique et de celle de Jornot, politique que l'actuelle loi sur la police permet déjà dans ce qu'elle a de plus condamnable et que la nouvelle loi confirme (des enquêtes préventives aux mesures d'éloignement en passant par les interdictions de rassemblements supposés menacer « l'ordre et la sécurité publics ») , on est prêt à se prêter au jeu que Maudet lui-même nous suggère : voter « non » à une nouvelle loi qui n'est fondamentalement ni pire, ni meilleure que l'actuelle, mais à laquelle il identifie une politique dont nous ne voulons pas.
On peut être à la fois Conseiller d'Etat,  arroseur et arrosé.

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