Réforme de l'imposition des entreprises : Une réforme contre les villes


    
Les gouvernements vaudois et genevois, s'autoproclamant porte-paroles d'une « métropole lémanique » dont ils tiennent les villes et leurs revendications  à l'écart -alors que si « métropole lémanique » il y a, elle est un réseau de villes, et pas l'addition de deux cantons (dont l'un, au surplus, est largement constitué d'un territoire jurassien et alpin, et d'une population qui serait fort surprise qu'on la qualifiât de « lémanique »...), sont montés au créneau pour réclamer (pour eux) une meilleure compensation des pertes fiscales qu'ils subiraient du fait de la réforme de l'imposition des entreprises, et en ont profité pour se caler sur la position du patronat (et des partis de droite) s'agissant du seul élément de la réforme fiscale qui ait quelqu effet positif sur les finances et les prestations publiques, l'introduction (pour amadouer la gauche) d'un impôt sur les gains en capital. Parce qu'augmenter un petit peu l'imposition des multinationales, on s'y résigne puisqu'on ne peut faire autrement, mais à condition de baisser beaucoup l'imposition des autres entreprises, de renoncer à imposer les gains en capital, et que les communes en général, et les villes en particulier, soient, importunes, tenues à l'écart du souk.

« Notre intérêt est celui de la Suisse » (Broulis & Dal Busco, comiques fiscaux)

Vous pensiez en avoir fini avec les votations sur des enjeux fiscaux ? Détrompez-vous : d'une part sont programmées des votations sur l'introduction d'un impôt fédéral sur les successions et dans un peu plus d'un mois, sur une initiative du PDC, soutenue par l'UDC, proposant de défiscaliser les allocations familiales (en réalité, il s'agit d'un nouveau cadeau fiscal fait aux familles aisées). Et puis, surtout, il y a cet enjeu assez énorme de la «  troisième réforme de l'imposition des entreprises », engagée pour répondre à l'exigence européenne de faire disparaître les statuts fiscaux privilégiés accordés, sans que personne les y oblige, par certains cantons (dont Genève et Vaud). Or si la Confédération était tenue d'égaliser les régimes fiscaux des entreprises, elle ne l'était pas de les égaliser par le bas... et de faire plonger les finances publiques d'un milliard et demi de francs par an... estimation encore optimiste, puisque la deuxième réforme de l'imposition des entreprise a finalement coûté aux collectivités publiques sept milliards de francs, au lieu des 80 millions annoncésl...
La réforme proposée pourrait coûter très cher aux cantons de Vaud et de Genève, qui y perdrait au moins un demi-milliard par an,  et aux villes (celle de Genève y perdrait 63 millions par an).  Alors que les deux cantons espéraient que la Confédération compenserait la moitié de leurs pertes fiscales leurs gouvernements se sont résignés à ne demander qu'une compensation d'un tiers, de rajouter (pour eux...) deux cent millions au milliard que les cantons se partageraient, et de ne pas introduire un impôt sur les gains en capital. Mais si Broulis et Dal Busco s'autorisent à parler au nom d'une fumeuse «métropole lémanique» ignorant les villes qui la forment, il ne saurait être question pour la gauche d'accepter que le taux d'imposition unique des entreprises soit fixé trop bas (à 13 % comme le Conseil d'Etat genevois le propose) pour garantir le maintien des ressources fiscales actuelles, ni d'oublier que les communes seront lourdement affectées par la réforme proposée (elles y perdraient 1 milliard et demi par an), ce qui rend  inacceptable qu'elles ne soient pas, en tant que telles et au même titre que les cantons, parties prenantes de son élaboration. C'est d'ailleurs ce que l'Union des Villes Suisses exige. L'Union, en effet, rejette la réforme telle que proposée actuellement, refuse les pertes fiscales «massives et directes» qu'elle entraînerait pour les communes, demande que soit mis en place un mécanisme de compensation suffisant pour compenser ces pertes, que la moitié au moins de la compensation financière versée par la Confédération aux cantons soit attribuées aux communes., et alors que la réforme en cause a été élaborée sans aucune implication des communes, pas même des villes, dont les recettes fiscales dépendent en grande partie de l'impôt sur les entreprises, que les communes et les Villes en soient partie prenante.

« Sans compensation adéquate des pertes des communes, sans négociations sérieuses avec le Canton, la Ville de Genève combattra» la baisse du taux d'imposition des entreprises, a annoncé la Conseillère administrative chargée des finances municipales genevoises, Sandrine Salerno. Et la Ville de Genève ne sera pas seule à la combattre, puisqu'il s'agit aussi de maintenir des prestations à la population, qu'une perte massive de ressources fiscales menaceraient directement : depuis des années, les prestations sociales et culturelles sont en effet les premières cibles des «économies» imposées pour compenser les pertes fiscales,
On nous chante un air connu ? Nous reprendrons alors nous aussi un refrain connu, mais le nôtre : celui de l'opposition à une sous-enchère fiscale qu'on se prépare déjà à traduire en une sous-enchère sociale.

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