L'envolée du franc suisse par rapport à l'euro : la faire payer par les salariés ?


L'Euro est à un franc et des poussières depuis la fameux «décrochage» décidé par la Banque Nationale Suisse, toute seule, comme une grande, mettant tout le monde devant le fait accompli : pour l'Union Syndicale Suisse, cette décision de la BNS a été, pour dire les choses plus simplement qu'il convient, une connerie qui menace des dizaines de milliers d'emplois, et des centaines de milliers de salaires. L'USS exige donc de la BNS qu'elle revienne sur cette décision et rétablisse un « taux plancher » du franc par rapport à l'euro (l'USS propose un taux de 1,30 euros pour un franc, qu'elle estime être le cours supportable pour l'économie réelle).  Les salariés n'ont pas à « payer pour une crise qui ne leur est pas due », résume la vice-présidente de l'USS, Vania Alleva. C'est pourtant bien ce qu'en face on va tenter de faire.

Quand tout va bien, on ne partage pas. Quant tout va mal, on le fait payer. Aux autres.

Pour parer à la hausse brutale du franc suisse par rapport à l'euro, le patronat n'a pas tardé à dégainer sa solution de facilité préférée :  la baisse des salaires. On a cependant quelque doute sur sa disponibilité à proposer leur augmentation si d'aventure l'euro remontait par rapport au franc suisse, et on ne se souvient pas que l'augmentation de la valeur (en franc ou en euro) des exportations en 2014 (comme dans les quatre années précédentes) se soit traduite par une hausse significative des salaires ou une baisse du temps de travail : En 2014, les salaires effectifs (compte tenu d'une inflation officielle de 0,1 %) n'ont augmenté en moyenne que de 0,8 %, et les salaires minimaux de 0,7 %, pour les salariés couverts par des conventions collectives de travail concernant au moins 1500 salariés. Les salaires effectifs n'ont augmenté que de 0,6 % dans le secteur secondaire et de 0,9 % dans le secteur tertiaire, et ils n'ont pas augmenté du tout dans l'administration publique, la santé, l'enseignement et l'action sociale, et pratiquement pas dans l'hôtellerie et restauration, l'information et la communication. Maintenant, si la hausse annoncée des salaires conventionnels ne couvre pas celle des primes d'assurance-maladie, c'est la faute à pas de chance, la main invisible peut quand même pas penser à tout, hein...

Comme le résume judicieusement l'éditorialiste du Courrier : « quand tout va bien, on ne partage rien, quand tout va mal, tout le monde doit faire des efforts ». Encore qu'on ait quelque doute sur l'extension réelle du « tout le monde » -on vérifiera ça quand on connaîtra la rémunération des dirigeants des grosses entreprises du pays. En attendant, les tentatives se sont multipliées de baisser les salaires des employés en général pour «réduire le coût du travail» dans le pays du franc lourd, ou seulement les salaires des frontaliers en arguant du fait que la hausse du franc suisse par rapport l'euro a fait progresser en un seul jour (le 15 janvier) de 15 à 20 % leur pouvoir d'achat dans leur pays de domicile.  Or une diminution du salaire des seuls employés frontaliers serait évidemment discriminatoire, comme serait parfaitement illégale celle de payer les frontaliers en euro et les résidents en francs suisses... solutions pourtant fort commodes pour le patronat, puisqu'en abaissant le coût du travail des frontaliers par rapport à celui des résidents, on les mettrait directement en concurrence les uns contre les autres, et on ferait pression sur les salaires des seconds en réduisant ceux des premiers. Une vieille méthode : cela s'appelle le dumping salarial, et cela ne se combat que par l'égalité salariale. Entre femmes et hommes, entre indigènes et étrangers, entre résidents et frontaliers.
Le contraire de la foireuse « préféfence nationale » (ou cantonale, ou municipale, ou tribale), en somme : la préférence sociale...

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