Mais qu'est-ce qu'on fait là, à vous demander de voter pour nous ?


ça veut dire quoi, « militer » ?
     
Si on est dans un parti et pas dans un autre, c'est évidemment parce qu'on en soutient le programme, ce n'est pas forcément parce qu'on s'en contente. C'est en tout cas, pour l'auteur de ces lignes, qu'il ne voit pas dans quel autre parti il pourrait être -ni quel autre parti pourrait le supporter, que celui où il s'est retrouvé, et pas par hasard mais par choix : le choix d'un parti qui ne confond pas militant et militaire, mobilisation et conscription, engagement et encasernement -« militantisme », ça vous a en effet un petit côté désagréablement militaire... d'ailleurs, la racine des mots « militantisme » et «militaire» est la même. Or nous ne sommes pas soldats d'une armée mais militants d'un parti politique. Avec un vieux fonds antimilitariste, en plus. Et si la discipline fait paraît-il la force des armées, elle ne fait certainement pas leur intelligence. Et moins encore celle d'un parti politique. Alors, ça veut dire quoi, « militer » ?


Plaidoyer pour l'engagement et la contradiction, la combattivité et l'autodérision

On vient de loin. Quand on dit « on », ici, on dit : les socialistes. Au sens large, qui ne désigne pas seulement les membres, sympathisants et électeurs du PS. On vient de loin : on vient des révolutions du XIXe siècle, que les fondateurs du mouvement socialiste voulaient poursuivre jusque dans les domaines et sur les terrains que les révolutionnaires radicaux-démocratiques voulaient au contraire préserver de toute démocratie. On vient de la Commune de Paris, de la Grève Générale suisse de 1918, du massacre de 1932 à Genève. On vient de l'écrasement de la révolution russe, non par les contre-révolutionnaires, mais par un parti révolutionnaire. Et de l'écrasement de la révolution espagnole non par les franquistes, mais par les staliniens. Et on vient aussi du printemps 1968, à Paris et à Prague. Alors évidemment, il y a quelques petites différences, accessoires, secondaires, impalpables, entre un militant ou une militante anarchiste et une militante ou un militant social-démocrate. Mais venant de tout cela, on arrive à un parti dont on peut être militant sans être un petit soldat. Où on peut dire « non » (à la vente des actions de la Ville dans Naxoo, par exemple) même quand le parti dit « oui », ou dire « oui » (à la candidature de Pierre Bayenet à l'élection du Procureur Général, par exemple) même quand le parti ne dit rien.

La racine du mot « militant » a beau être la même que celle du mot « militaire », la politique telle que nous la concevons requiert certainement plus d'intelligence que de force. Le (la) militaire obéit aux ordres qu'il (elle) reçoit, le militant et la militante, aux ordres auxquels il ou elle veut bien obéir, le meilleur moyen de l'inciter à faire ce qu'on attend qu'il ou elle fasse étant d'ailleurs de ne pas lui donner d'ordre, mais de les laisser se les donner eux-mêmes, exercice qui ne semble à l'auteur de ces lignes, guère possible, à gauche, que dans le parti où il sévit.

Un parti politique, c'est l'instrument d'un projet politique. D'un projet, pas d'une carrière. Que l'on se batte pour des places de crèches publiques ou pour la solidarité avec un peuple en lutte pour ses droits, ou mieux encore pour les deux à la fois, l'important est de se battre, pourvu que cela ne soit pas que pour soi-même. C'est d'ailleurs peut-être cela, la définition du militant et de la militante : celui et celle qui se bat pour les autres, même quand les autres ne le reconnaissent pas. Or là, maintenant, à Genève on est en campagne électorale. Et on y sera jusqu'à l'automne prochain puisque les Municipales terminées, les Fédérales surviendront. Et donc, comme à chaque campagne électorale, on donnera l'impression de nous battre d'abord pour nous-mêmes : chaque candidat pour lui-même, chaque candidate pour elle-même, tous et toutes ensemble (sans privilège...) pour la liste qui les présente. Le premier enjeu de la campagne électorale ne serait-il pas de dissiper cette impression que donnent toutes les campagnes électorales, d'être le moment d'un « chacun pour soi » ?

Prenez donc, patients lecteurs et patientes lectrices, cette prédication pour un plaidoyer. Un plaidoyer pour l'engagement qui est aussi un plaidoyer pour la contradiction. Parce qu'elle est la condition de la synthèse. Un plaidoyer pour la combattivité qui est aussi un plaidoyer pour l'autodérision. Parce qu'elle désarme l'adversaire. Un plaidoyer pour l'engagement, la contradiction, la combattivité et l'autodérision, parce que nous sommes les seuls à pouvoir les conjuguer. Et pas seulement entre nous, aussi dans les enceintes où nous siégeons, dans ces Conseils municipaux où il nous faudra dans un mois être les plus nombreux possibles -parce que nous aurons à en découdre. Pour faire de nos communes des communes Zéro Mauvaises Odeurs.

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