Initiative populaire fédérale « pour des multinationales responsables » : Pour que la Suisse assume son poids dans l'économie mondialisée


    

Des enfants, par centaines de milliers selon Amnesty International, exploités dans les plantations de cacao dont la production est achetée par les industriels suisses du chocolat, des conditions de travail s'apparentant au mieux au servage, au pire à l'esclavage, dans les usines textiles asiatiques qui approvisionnent les grands distributeurs suisses, l'extraction ravageuse pour l'environnement de matières premières utilisées par des multinationales dont le siège, le capital (ou les deux) sont suisses : notre pays et ses entreprises sont loin d'être innocents des désastres sociaux et écologiques, des violations des droits fondamentaux et de la surexploitation du travail humain dans le monde. Après une pétition signée par 135'000 personnes, une initiative populaire fédérale a été lancée il y a deux mois pour rendre les multinationales « suisses » responsables de leurs actes, et la Suisse responsable de « ses » multinationales : il s'agit de faire assumer par la Suisse son poids dans l'économie mondialisée.
On ne saurait trop vous inciter à signer cette initiative : on peut en obtenir les feuilles de signatures en les téléchargeant depuis
http://konzern-initiative.ch/

Pour un « devoir de diligence raisonnable »

Une coalition de 66 organisations de défense des droits humains, de protection de l'environnement et de coopération, de syndicats, d'églises, mouvement d'actionnaires « responsables » etc... a lancé fin avril une initiative populaire fédérale « pour des multinationales responsables » proposant d'inscrire dans la constitution l'obligation pour les entreprises suisses de respecter, en Suisse et à l'étranger, les droits humains et les normes environnementales. Cette initiative fait suite à une pétition signée par 135'000 personnes et remises aux autorités fédérales suisses en juin 2012, pétition qui exprimait des exigences semblables à celles de l'initiative mais qui n'a pas eu de suites réelles, puisque se retrouvant face au mur d'une majorité acquise à l'impunité des entreprises, et à un gouvernement se contentant de miser sur des engagements volontaires et sur le bon vouloir de l'« économie » -tout en acceptant, si « libéraux » qu'ils se prétendent, que les entreprises qui assument leurs responsabilités sociales et environnementales soient confrontées à la concurrence parfaitement déloyale de celles qui ne les assument pas et peuvent, par ce mépris, réduire leurs coûts de production.

L'initiative entend obliger les entreprises suisses à un « devoir de diligence raisonnable » à évaluer les conséquences de leurs activités et à remédier à ces conséquences lorsqu'elles sont négatives. Elles devraient rendre publiques ces évaluations, rendre compte de leurs actes et, en cas de plaintes (qui seraient facilitées) de victimes auprès de la justice suisse, assumer le «fardeau de la preuve», c'est-à-dire prouver leur non-culpabilité (pour ne pas parler d'innocence, concept parfaitement inadéquat à l'évaluation des conséquences d'une activité économiques).  Les entreprises seraient ainsi responsables de leurs actes (ou de leur inertie face à la violation de droits fondamentaux), y compris de ceux (et de celle) de leurs filiales étrangères.

Vingtième puissance économique mondiale, détentrice du record mondial de concentration de multinationales par rapport à sa population, second espace économique national en termes d'investissements extérieurs directs, la Suisse est aussi le neuvième pays le plus impliqué dans des violations de droits humains fondamentaux par ses entreprises. Cette situation, ce rôle, la Suisse doit l'assumer.

Le maître-mot de l'initiative est celui de « responsabilité ». On sait les libéraux si profondément attachés à l'éthique de la responsabilité individuelle qu'ils nous la ressortent à chaque proposition de renforcement de la protection sociale. Feront-ils le pas de la responsabilité individuelle (des pauvres) à la responsabilité collective (des multinationales) et politique (de la Suisse) ? On pose innocemment la question -en connaissant d'avance la réponse : ce sera non. Et aura droit à l'habituelle averse, torrentielle, de prédictions apocalyptiques : les multinationales vont quitter la Suisse, des milliers d'emplois vont être supprimés, etc... La routine, quoi. Le moulin à prières habituel.
A nous d'en couvrir le ronronnement, en reprenant (et révisant) le précepte du Taciturne : il est nécessaire d'espérer pour entreprendre, pas de réussir pour persévérer...

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