"Il faut savoir terminer une grève" (Maurice Thorez). Ou la reprendre (la fonction publique genevoise)



La DMEDD reprend le travail...

Cela fait bien trois mois que nous (la gauche) sommes prêts à étudier le projet de budget 2016 de la Ville de Genève, et qu'on attend que la DMEDD (Droite municipale élargie, distendue et dilatée) se déclare prête, elle aussi, à faire son boulot et à nous laisser faire le nôtre. Et ouf ! ça y'est : la DMEDD a accepté d'entrer en matière sur le projet de budget. On peut commencer à bosser. Ou plutôt : les membres de la commission des finances du Conseil municipal peuvent commencer. Quant à ceux des autres commissions, dites "spécialisées", ils devront s'organiser eux-mêmes, entre eux : le projet n'est pas renvoyé à leurs commissions. Pas le temps. Trop de temps perdu à attendre que la DMEDD mette fin à la grève qu'elle avait entamée fin août. Trois mois de grève, dis donc... la fonction publique cantonale peut en prendre de la graine. Nul doute, dès lors, que la droite municipale sera la première à soutenir la reprise de la grève de la fonction publique genevoise. Il y a septante ans, Maurice Thorez lançait aux travailleurs français son fameux "il faut savoir terminer une grève". La droite municipale a mis septante ans à l'apprendre, mais au moins, c'est fait. Et ne soyons pas mauvais joueurs : la droite municipale a du même mouvement, fût-ce sans le vouloir, reconnu la légitimité du droit de grève et celle du droit à la paresse, proclamé il y a bientôt un siècle et demi par le camarade Paul Lafargue, et nous saluons ce ralliement. Non sans rester quelque peu suspicieux : que la droite municipale ait fini par accepter de faire son travail ne signifie pas encore qu'elle va le faire intelligemment.

Une grève pour le bien public ? ça sonne juste...

Quittons (on y reviendra) notre bac à sable municipal pour rejoindre la pataugeoire cantonale, où sévit aussi une droite élargie, distendue et dilatée, qui vient de voter une loi particulièrement stupide, dite du "personal stop", doublée d'une autre loi, moins stupide mais plus perverse, qui réintroduit les funestes "congés-vente" -deux lois contre lesquelles la gauche et les syndicats ont lancé deux référendums. Le "personal stop" (on vous parlera des "congés-vente" une autre fois) consiste en un gel des charges de personnel et des charges de fonctionnement de l'Etat (subventions et aides sociales comprises) tant que la dette n'est pas ramenée au niveau des ressources annuelles du canton. L'augmentation des besoins de la population (et de la population elle-même) ? La droite n'en a rien à secouer. Son obsession, c'est la dette, son totem les économies budgétaires, sa cible la fonction publique. Et peu lui importe que les politiques de réduction des dépenses publiques n'arrivent même pas à réduire la dette qu'on a pris comme prétexte pour les justifier -les forces politiques qui usent de la dette comme prétexte à des coupes budgétaires, et notamment à des restrictions de personnel, sont les même qui ont creusé cette dette en distribuant à tire-larigot des cadeaux fiscaux à leur clientèle, et en s'apprêtant à récidiver à la faveur de la réforme de l'imposition des entreprises. La dette publique, qui sert continûment de prétexte à tailler dans les dépenses sociales, culturelles et environnementales (mais pas dans les dépenses sécuritaires), et à vendre quelques bijoux de famille, à Genève pas plus qu'ailleurs ne tombe du ciel, ni n'est le produit de l'irresponsabilité dépensière des gouvernants passés : elle a été littéralement fabriquée par un quart de siècle de cadeaux fiscaux divers et variés (13 en vingt-sept ans à-Genève), de préférence à des couches et des castes sociales qui n'en avaient pas besoin. La République, et par ricochet la commune, y perd actuellement un milliard de rentrées fiscales chaque année. Sans compter les pertes dues à la fraude fiscale (on les estime à une vingtaine de milliards de francs par an en Suisse).

Mercredi soir, l'assemblée générale de la fonction publique a confirmé le préavis de grève pour mardi 1er décembre, reconductible jour après jour, contre les coupes budgétaires, le "personal stop" et les autres mesures envisagées (même si elles ne le sont plus désormais, grâce à la grève précédente, qu'à titre "indicatif"). Les syndicats de la fonction publique n'en sont plus à se battre pour les "droits acquis" : ils se battent désormais pour maintenir le service public et les prestations à la population.  Alors, bien sûr que la fonction publique genevoise est mieux traitée que la fonction publique somalienne, ses salariés mieux payés que les salariés de la fonction publique malienne, leurs droits sociaux mieux garantis que ceux des salariés de la fonction publique érythréenne et leurs conditions de travail meilleures que celles des fonctionnaires nord-coréens. Encore heureux. Et alors ? Faut-il que les syndicats genevois s'en excusent ? Et auprès de qui ? des banquiers privés ? des milieux immobiliers ? des partis de droite ? Et qu'est-ce que les salariés du secteur privé auraient à gagner à ce que perdraient ceux du secteur public ?

"Il faut savoir terminer une grève", lançait le Fils du Peuple, il y a septante ans. Mais il faut aussi savoir reprendre une grève, quand cela s'impose, lancent aujourd'hui les salariés de la fonction publique genevoise, soutenus par l'ensemble du mouvement syndical (et par la gauche). Et en effet, cette grève s'impose, puisque elle est une grève non seulement pour la fonction publique, mais pour toutes celles et tous ceux dont le service public garantit les droits fondamentaux, parce qu'ils n'ont pas les revenus ou la fortune nécessaires pour pouvoir s'en passer. Une grève pour l'écrasante majorité de la population, en somme.
Une grève pour le bien public ? ça sonne juste...
A mardi, 1er décembre, 17 heures, place Neuve...







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