Budgets publics : Boîte à idées ou débat collectif ?


   
Dans le cul-de-sac genevois

L'accord signé le 17 décembre entre le Conseil d'Etat et les organisations du personnel de la fonction publique, et qui a mis fin à la plus longue grève suivie dans le secteur public depuis au moins 70 ans, avait partiellement, et temporairement, 
satisfait à une revendication syndicale : les quatre mesures combattues par le mouvement de la fonction publique (le passage à 42 heures de travail payées 40, le non-renouvellement des départs "naturels", la facilitation des licenciements et l'encouragement aux temps partiels) ont été suspendues. En échange de quoi les syndicats prenaient acte de l'objectif, inchangé, du Conseil d'Etat de diminuer les dépenses de 192 millions de francs, et une consultation du personnel (mais aussi de ses organisations...) devait être organisée pour faire émerger des propositions alternatives à celles du gouvernement. Celui-ci a donc annoncé hier l'ouverture de cette consultation -mais à sa manière : celle d'une "boîte à idées" déposées le cas échéant anonymement, par les membres du personnel. On cherche les idées où on peut, quand on n'en a guère ou qu'on refuse celles qu'on pourrait avoir (rétablir la charge fiscale, par exemple...). De leur côté, les syndicats organisent leur propre consultation -mais collective, celle-là, dans les secteurs et les établissements publics, et lors d'assemblées ouvertes. On s'autorisera a trouver exemplaire la confrontation de ces deux méthodes, celle, encouragée par le Conseil d'Etat, du message personnel et peut-être anonyme, et celle, organisée par les syndicats, du débat collectif. 

"Aller de l'avant" dans un cul-de-sac ?


Pour justifier sa politique et ses propositions budgétaires, le Conseil d'Etat avait envoyé, début décembre, une chtite bafouille aux employés de la République. L'argumentation était la même que celle déployée (comme un vol de gerfauts hors du budget natal) depuis des mois : si on a des problèmes, c'est la faute au ralentissement conjoncturel et à la prochaine réforme de l'imposition des entreprises (suppression des statuts fiscaux spéciaux), qui fera perdre, si le taux unique d'imposition de 13 % est retenu, et en tenant compte de mesures compensatoires décidées au niveau fédéral, entre 500 et 600 millions de francs par année au canton, et 60 millions par année à la Ville. Cette réforme cependant n'entrera pas en vigueur avant 2018, et ne sera pas mise en œuvre avant 2020, si encore elle peut entrer en vigueur et être mise en oeuvre sous la forme où elle est proposée, puisqu'un référendum est vraisemblable si le Conseil d'Etat et la majorité du Grand Conseil s'en tiennent à leurs positions actuelles. 
Avec un sens aigu du libre arbitre, l'ancien Conseiller d'Etat Vert David Hiler, qui fut ministre cantonal des Finances en des temps meilleurs pour tout le monde, nous pose dans "Le Temps" cette alternative exaltante pour Genève : "maintenir son taux ordinaire (d'imposition des entreprises), donc laisser partir les multinationales et perdre ainsi quelques dizaines de milliers d'emplois et plus d'un milliard de recettes fiscales" (ce qui suppose précisément le départ de toutes les multinationales, et donc qu'elles ne se soient installées à Genève que pour, ou principalement pour, des raisons fiscales), "ou alors fixer un taux unique de 13 % pour toutes les entreprises, ce qui devrait coûter entre 400 et 500 millions au canton et aux communes". "Le bon choix semble évident" à David Hiler -mais pas à nous. Est-ce d'ailleurs en ces termes (perdre un milliard ou la moitié d'un milliard) que le choix se pose ?

Le Conseiller d'Etat (PDC) genevois Dal Busco le reconnaît : "un certain nombre de (charges budgétaires) sont contraintes et liées à des lois fédérales et à des engagements de l'Etat". Appliquer un mécanisme rigoureux de "frein à l'endettement" corsetant les dépenses se ferait donc forcément au détriment d'autres dépenses, notamment sociales et culturelles, que les dépenses contraintes. D'autant que la dette publique ne résulte pas d'un laxisme budgétaire, mais (ce que ne reconnaît évidemment pas le Conseiller d'Etat) d'un choix politique délibéré : celui de réduire la charge fiscale -et de refuser de supprimer des allégements fiscaux existants, suppression demandée par une initiative socialiste et combattue par le même Conseil d'Etat qui invite les fonctionnaires à lui proposer de nouvelles recettes...
Et c'est ainsi qu'avec en arrière-fond des projets gouvernementaux fédéraux et cantonaux qui vont faire perdre au moins un demi-milliard à Genève (Le PS suisse a d'ores et déjà annoncé qu'il lancera un référendum contre la réforme de l'imposition des entreprises telle qu'elle sortira du parlement fédéral), et un refus obstiné de revenir sur les cadeaux fiscaux déjà accordés, on se retrouve en effet dans une sorte de cul-de-sac, dans lequel résonnent des appels à "aller de l'avant" qui ne font qu'ajouter de l'absurde au fatalisme...

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