Assurer à Genève l'hébergement des réfugiés mineurs : Un signe heureux


 L'Hospice Général, qui à Genève assume l'hébergement des requérants d'asile (Genève doit accueillir 5,8 % des réfugiés qui arrivent en Suisse), a inauguré le 22 janvier à la Praille un centre d'hébergement destiné aux jeunes migrants mineurs non accompagnés, jusque-là hébergés au Petit Saconnex, dans un foyer vétuste. 131 de ces réfugiés mineurs, pour la plupart des garçons arrivés en Suisse dans les six derniers mois, se sont donc installés dans le nouveau centre, qui offrira 230 places. 6532 migrants, pour la plupart des réfugiés, étaient pris en charge par le dispositif genevois fin 2015 (le directeur général de l'Hospice estime qu'il faut, "urgemment", créer 1500 places d'hébergement supplémentaires). D'entre eux, 184 jeunes arrivés seuls, soit une augmentation de 235 % en un an. Et leur nombre continue d'augmenter, si bien que le nouveau centre devrait être plein fin mars. On pourrait faire plus ? sans doute, mais cet hébergement de ces réfugiés-là, même dans un quartier dont on s'accordera a considérer qu'il n'est pas le plus agréable de Genève, est tout de même un signe heureux, dans le sombre climat xénophobe qui entoure (ici un peu moins qu'ailleurs, peut-être, histoire oblige) l'arrivée dans notre pays d'hommes, de femmes et, ici, d'adolescents et d'enfants solitaires, fuyant leur pays pour survivre...

"Voici le temps des assassins"... Et des complices et des indifférents ?

La Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur en 1997 pour la Suisse, garantit le droit à l'éducation, aux soins et à la protection des mineurs, et s'applique donc aux requérants d'asile mineurs non accompagnés (dits "RMNA"). Elle implique, si on la respecte, qu'ils soient hébergés et encadrés dans un lieu qui leur soit réservé et adapté, ce qui n'était pas le cas du Foyer de Saconnex. Le Conseil d'Etat genevois avait d'ailleurs fait de cette recommandation un objectif urgent -reste à trouver les moyens de l'atteindre, notamment ce qui concerne le personnel nécessaire. Le Département de l'Instruction publique assure par ailleurs la scolarisation de tous les jeunes réfugiés de moins de 19 ans : "c'est d'autant plus important que beaucoup obtiendront l'asile et resteront en Suisse", relève la Conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, pour qui il "n'est pas question de les laisser dans la rue". Or on ne peut assurer à 125 ou 140 personnes les prestations que l'on pouvait assurer à 40 personnes, si des moyens supplémentaires ne sont pas accordés pour qu'elles soient assurées. Sans quoi, ces prestations se réduisent et les conditions de vie de ces personnes (les "RMNA", donc -eh oui, ce sont des personnes...) se dégradent. Comme la sécurité qu'on est en devoir de leur assurer, et le lien de confiance nécessaire à leur intégration dans un pays d'accueil qui va, le plus souvent, devenir leur pays au même titre qu'il est le nôtre.

Si on fait l'effort de considérer la migration pour elle-même et non comme un dernier recours ou une utilité, peu importe que les migrants migrent pour des raisons politiques, économiques, sociales, climatiques, pour fuir une guerre, une famine ou une répression. Et peu importe qu'ils viennent pour rajeunir une population européenne vieillissante et occuper des emplois et recevoir des salaires qu'eux seuls acceptent. Peu importe qu'ils nous soient utiles ou non : la migration est un droit, et on peut reprendre ici sans en changer un seul mot la déclaration de Médecins sans Frontières, en septembre dernier : "Peu importent les obstacles, ces personnes (les migrants, les "réfugiants") continueront de venir parce qu'elles n'ont pas d'autre choix. Les politiques actuelles ne sont pas tenables face à cette situation. La seule façon pour l'Europe d'empêcher une aggravation de la crise est de proposer une alternative sûre, légale et gratuite à ceux qui n'ont d'autre choix que la clandestinité". Concrètement, cela implique l'ouverture des frontières terrestres et maritimes de l'Europe, et entre les pays européens (au sens large, Suisse comprise), l'accès et l'assistance aux procédures d'asile dès le départ de la migration (avec la possibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade), et tout au long de la route de la migration, un accueil et un hébergement dans des conditions respectueuses de la dignité humaine.

Vivre entre soi, sans immigrants, sans étrangers, c'est possible : l'Albanie d'Enver Hodja, la Corée du nord encore aujourd'hui, nous le prouvent. Et la Hongrie semble prête à suivre leur exemple : le parlement hongrois a en effet voté, sur proposition du gouvernement d'extrême-droite de Viktor Orban, un plan de mobilisation de l'armée aux frontières pour les fermer aux immigrants, et la possibilité de condamner à trois ans de prison des immigrants illégaux (en les transformant ainsi en résidents détenus...). Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères a estimé que l'Europe "devrait avoir honte de Viktor Orban". L'Europe, ou plutôt la Hongrie ?

La "crise migratoire sans précédent" n'est perçue comme telle que parce qu'elle est médiatiquement présentée et politiquement récupérée comme telle. Elle n'est pas sans précédent, et n'est une crise que parce que certains gouvernements veulent et font en sorte qu'elle le soit. Les barrières, les frontières, les refoulements, sont l'instrument de cette politique du pire. "Voici le temps des assassins", prophétisait Rimbaud, il y au siècle et demi. Et aujourd'hui, de qui est-ce le temps ? Des complices et des indifférents ?

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