Un foulard, des morts, un fantôme, des zombies...


Joyeuses Pâques !

C'est Pâques, on va donc prêcher : On était paisiblement en train de s'anathémiser entre amis dans notre coin de gauche de notre coin de pays pour une histoire de foulard et de définitions de la laïcité, quand nous ont rattrapés les massacres de Bruxelles.  Eh oui, l'histoire est tragique ! Sinon elle ne serait pas l'histoire. Et ceux qui en nient le tragique ne font que nier l'histoire. Et se nier eux-mêmes en tant qu'ils en sont le produit. Alors voilà, on arrive aux Pâques chrétiennes. Et on y arrive avec nos débats folkloriques locaux, et le tragique de l'histoire qui vient les recouvrir de trente linceuls. Et derrière ces débats et ces linceuls, un fantôme : celui de Dieu. Et des zombies : quelques uns de ses fidèles. Les pires, sans doute. Mais pas si neufs dans leur nuisance qu'on voudrait bien les dépeindre.


"Si Dieu est, l'homme est esclave; Or l'homme peut, doit être libre; donc Dieu n'existe pas"

"Il est temps de construire un anticléricalisme anarchiste du XXIe siècle", proclame "Le Monde Libertaire". Certes, mais que serait-il ? Un athéisme militant ? Pour ceux qui, comme nous et Jacques Prévert, ont été "intacts de Dieu", rien ne serait plus facile -mais l'athéisme ne deviendrait-il pas alors une religion comme une autre, s'il se mettait à convertir les croyants comme les (autres) religions s'acharnent à convertir les incroyants (ou les croyants de la concurrence) ? Et puis, de quoi parle-t-on quand on parle d'athéisme ? Giordano Bruno, pour qui Dieu était partout, ou Spinoza, pour qui Dieu était la totalité du monde -et pas "quelque chose" au-dessus du monde, n'ont-ils pas été considérés comme athées ?  "il y a une seule bonne raison de tenir une proposition pour vraie, à savoir que des faits peuvent être avancés en sa faveur; il y en a une multitude de mauvaises. Parmi elles, la tradition, l'autorité et la révélation figurent en tête de liste. La religion les réunit toutes les trois" (Normand Baillargeon)

Les religions révélées ont toutes en commun de n'être pas ce que leurs livres saints disent qu'elles sont, mais ce que leurs fidèles en font (quand encore ils la connaissent, l'inculture et l'intolérance religieuse progressant de concert : combien de chrétiens ont lu Augustin, Pascal ou Calvin ?) : "ce n'est pas ce qui est écrit dans les livres sacrés qui constitue la religion, mais la manière dont les gens la pratiquent", résume Naginder Sehmi. Et cela vaut pour l'islam comme pour toutes les autres religions. Même quand le mot d'ordre, devenu lieu commun, est "pas d'amalgame" : les auteurs des attentats de Paris "n'ont rien à  voir avec la religion musulmane", avait proclamé François Hollande au lendemain de ces attentats, puis  de même Laurent Fabius trois jours plus tard. Les djihadistes sont donc musulmans par hasard. Ou par inadvertance. Ou par erreur. Ou congénitalement. Ou pas musulmans du tout. D'ailleurs, les massacreurs de la Saint-Barthélémy n'avaient déjà  rien à  voir avec la religion catholique. Une religion n'est pas responsable de ce que font en son nom ses fidèles. Elle peut même y être totalement étrangère, ou en être victime. Les musulmans ne sont pas responsables des djihadistes, les chrétiens ne sont pas responsables des bûchers de l'Inquisition, Montsegur est un accident, Michel Servet et Giordano Bruno ont allumé eux-mêmes les fagots sous leurs pieds.

Assez ri : Il y a toujours un fossé entre ceux qui obéissent aux commandements qu'ils croient recevoir du dieu qu'ils se sont donnés, et ceux qui, croyants ou non, obéissent à leurs propres impératifs, c'est-à -dire à des principes qu'ils ont librement choisi, et qu'ils acceptent de confronter à ceux des autres sans remettre en cause le droit des autres à défendre d'autres principes, et moins encore le droit des autres à exister. La liberté de penser, et plus encore la liberté d'expression (après tout, même sous la pire des dictatures, on peut penser ce qu'on veut si rien n'en transparaît), est une révolution, à  laquelle les fondamentalismes religieux opposent une résistance irrédentiste, parce que cette liberté postule une liberté de religion qui est aussi une liberté d'™irréligion, un droit de croire qui n'est pas plus fondamental que le droit de ne pas croire. D'ailleurs, il n'est de croyant en un dieu qui ne soit, aussi, athée à l'égard des dieux des autres : les chrétiens ne croient pas en Thor, les musulmans ne vénèrent pas Isis, les juifs ne se soumettent pas à Jupiter... et de même, il n'est de religion qui ne soit blasphématoire d'une autre.

Il n'est surtout de dieu qui ne soit une injure à la liberté humaine : "Si Dieu est, l'homme est esclave; Or l'homme peut, doit être libre; donc Dieu n'existe pas" : le syllogisme est de Bakounine. Mais ce n'est pas parce que Dieu n'existe pas qu'il faut renoncer à s'en débarrasser.
A part ça : Joyeuses Pâques...

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