Vers l'égalité des droits entre homos et hétéros ?


A petit pas comptés...

Le 28 février dernier, les votantes et tants ont repoussé, à une très faible majorité, une initiative démocrate-chrétienne à l'intitulé alléchant (il s'agissait d'équité fiscale), mais au contenu plombé par une référence explicite et normative au mariage dans sa conception traditionnelle, et donc forcément hétérosexuel, ce qui aurait, si l'initiative avait été acceptée, inscrit cette référence dans la constitution fédérale et fermé la porte à toute modification de la loi accordant également aux homosexuel-les le droit de se marier. Cette casserole sociétale traînée par l'initiative démo-chrétienne n'a sans doute pas été le premier motif de son refus (elle était également coûteuse pour les finances publiques, et socialement injuste puisqu'elle favorisait les couples mariés à hauts revenus. Mais si le PDC n'avait pas commis la maladresse (et cédé à ses réflexes conservateurs) en produisant un texte mélangeant réforme fiscale et blocage sociétal, ce texte aurait sans doute obtenu la double majorité nécessaire à son adoption. Son refus rend désormais possible une évolution de la conception même du mariage, vers le "mariage pour tous". Du moins pour tous ceux et toutes celles qui tiennent à se marier... et le parlement fédéral commence, à petit pas comptés, par réalisme, à prendre ce chemin, au grand désespoir des conservateurs.


"Jesus aussi avait deux papas !"

A petit pas, à coup de réformes spécifiques, on avance en Suisse, "à la suisse", vers le "mariage pour tous". Le Conseiller national PDC (valaisan) Yannick Buttet a beau rabâcher dans "Le Temps" que "la famille -sous toutes ses formes- constitue la cellule de base de la société", le "sous toutes ses formes" a une furieuse tendance à s'évaporer lorsque le PDC est mis au pied du mur du "mariage pour tous" : le texte de son initiative fiscale réduisait le droit au mariage au droit à un mariage entre un homme et une femme. Outre cela, la conception même de la famille comme "cellule de base de la société" est sociologiquement douteuse : la famille en effet ne peut être une cellule "de base de la société" puisqu'elle est désormais elle-même une société, dont les individus qui la composent sont les cellules de base... des individus qui n'avaient guère le choix du type de famille en laquelle ils devaient (car ils le devaient) vivre, et l'ont, désormais, avant même que la loi l'ait formalisé. Nul n'est obligé de se marier, nul ne devrait en être empêché pour des raisons ne relevant que de prescriptions sans raisons objectives. Le mariage traditionnel, hétérosexuel et procréateur, n'a jamais empêché ni l'adultère, ni le divorce (ou la répudiation faute de divorce), ni les crimes passionnels, ni les familles monoparentales, ni les ménages à trois (et plus si entente), ni l'inceste, ni les couples sans enfant... Il n'est ni une condition de la famille, ni le soubassement de la société, mais une construction sociale, arbitraire et contingente comme toutes les constructions sociales. Il peut changer et être changé. Le mariage peut être ouvert aux couples homosexuels, le partenariat enregistré aux couples hétérosexuels, et le parlement fédéral s'apprête peut-être, sur proposition gouvernementale, à accorder aux couples homosexuels, qui ne peuvent encore être mariés, comme à tous les couples en union libre, le droit à l'adoption, alors que la loi sur le partenariat enregistré le leur dénie. 

"Le principe selon lequel seules des personnes mariées peuvent adopter un enfant, ne correspond plus aux exigences de notre temps" dit, réaliste, le Conseil fédéral... Le débat, qui annonce celui sur le "mariage pour tous", va être passionnel, alors qu'il devrait être rationnel : les conservateurs (et les réactionnaires) sont vent debout contre ce projet réformiste (et non révolutionnaire) :  "je préférerais mourir que de laisser passer cette réforme" assure l'udéciste genevois Yves Nydegger. On ne lui en demande pas tant, mais qu'il fasse à sa guise : la réforme passera si elle trouve une majorité parlementaire (une majorité de PLR et une minorité de PDC la soutiennent) et populaire (le référendum est garanti). Et l'udéciste genevois n'en mourra pas. Ni personne, pas même au sein des milieux religieux les plus hermétiquement fermés à ce genre d'évolution vers le "mariage pour tous", et à qui on s'autorisera à répondre par cette pancarte vue dans les manifs parisiennes en faveur du "mariage pour tous" : "Jésus aussi avec deux papas"...

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