Référendum contre la loi sur l'asile : Ni brun, ni rose : blanc ?
Comment dire "oui" à la loi sans dire "oui" à la politique
qu'elle contient ? Et comment dire "non" à la loi sans que ce
non ne fasse que compléter celui de l'UDC, qui ne refuse la loi
que parce qu'elle en voudrait une pire encore : c'était, résumé,
le dilemme en lequel mercredi soir les socialistes genevois se
débattaient. Personne lors de l'assemblée générale du PS
genevois n'a défendu la loi, dans son contenu. Et personne n'a
ignoré non plus le risque qu'un "non" de gauche ne soit que
l'appendice d'un "non" xénophobe. Ni rose Simonette, ni brun
UDC, le PS genevois a décidé de se sortir de ce piège en
appelant à voter blanc. Non pas à s'abstenir, mais à voter en ne
votant ni pour une loi qui ne le mérite pas, ni pour un
référendum qui le mérite encore moins. Pendant la campagne
référendaire, un "non" de gauche, pour les raisons exprimées
notamment par Ueli Leuenberger, Nils de Dardel ou, lors de
l'assemblée socialiste, Maurice Gardiol, est évidemment possible
et légitime. Il ne faut que le rendre audible. Mais dans les
urnes, le dimanche 5 juin, il n'y aura plus de "non" de gauche,
il n'y aura que des "non " à une loi contre laquelle c'est l'UDC
qui a lancé un référendum, pour le pire, pas la gauche, contre
le pire. Malgré toutes les raisons que nous avions de le faire.
C'est cette faiblesse, ou cette erreur, que nous payons
aujourd'hui.
Feci quod potui faciant meliora potentes
Il faut bien, toujours, rappeler dans quel contexte international se définit l'enjeu du droit d'asile, si l'on veut comprendre quoi que ce soit au débat autour de cet enjeu. Sur qui repose aujourd'hui le poids de l'asile, de la migration, du refuge ? Sur les pays riches ? sur l'Europe ? Sur la Suisse ? Ce serait plaisanterie, et amère, que d'y croire. Et c'est mensonge que de le dire. Le poids de l'asile, aujourd'hui, repose d'abord, et massivement, sur les pays voisins de ceux qui fuient les migrants. Le poids de l'asile des Syriens repose d'abord sur la Jordanie, le Liban et la Turquie -que l'Europe entend payer pour qu'elle entasse et stocke les réfugiés (tout en bombardant les Kurdes), dans la masse desquels cette même Europe triera ensuite celles et ceux à qui elle acceptera de donner asile. Mais quand on entend, en Suisse, et à Genève, hurler à l'invasion lorsqu'on propose d'accueillir 50'000 réfugiés, on doit commencer par répondre que 50'000 réfugiés, c'est en gros six pour mille de la population résidente de notre pays quand au Liban, les réfugiés constituent le tiers de la population...
Celles et ceux qui se battent pour que le droit d'asile ne soit pas en Suisse qu'une formule rituelle utilisée (et usée) pour caresser notre bonne conscience historique dans le sens de nos illusions, ne demandent rien d'autre que cela : prendre notre (modeste) part de l'accueil des migrants. Alors évidemment qu'à Genève, on le demandera avec plus de mémoire, et plus de sens du symbole, qu'à Herzogenbuchsee. Parce qu'ici, "Cité du Refuge", cela dit, historiquement, autre chose que cela peut murmurer ailleurs. Parce que le texte fondamental instituant le droit d'asile, la convention internationale de 1951, porte le nom de cette ville, et pas d'une autre. Et que c'est en cette ville et pas dans une autre que siège le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.
Et puis il y a ceci, qui devrait être une évidence : la réalité rattrapera toujours nos discours et nos votes. Les exilés sont en route, par millions. On les parque, on les stocke, on les entasse aux portes de l'Europe, mais que nous le voulions ou non, ces portes ils les franchiront. Ou les contourneront. Ou les défoncerons. Et nous ferions de même si nous étions à leur place.
Alors, le tragique de l'Histoire s'invite dans nos débats nationaux et locaux. Ainsi de celui autour de la loi sur l'asile, et de celui sur le rôle, concret, d'une ville dans l'accueil des réfugiés. Deux moments, presque coïncidents, de ces débats, avant-hier soir : à la rue des Voisins le PS genevois décidait de ne pas soutenir la nouvelle loi sur l'asile, ni de s'associer au référendum lancé contre elle par l'UDC, et à la rue de l'Hôtel de Ville, le Conseil municipal de Genève acceptait et renvoyait au Conseil administratif, qui annonçait qu'il les respecterait, deux motions demandant, l'une d'augmenter de 500 places la capacité d'accueil de réfugiés par la Ville, l'autre de faire pression sur le canton pour obtenir le retour auprès de sa famille du requérant d'asile érythréen Amanuel G., tiré de son lit à quatre heures du matin pour être renvoyé, seul, dans les rues d'Italie. Une troisième proposition, de proclamer Genève "Ville de Refuge", a par ailleurs été stupidement renvoyée en commission (des Finances !) comme si une proclamation rhétorique, mémorielle, principielle et urgente avait besoin d'une étude comptable et d'un rapport dans trois mois...).
A la rue des Voisins comme à la rue de l'Hôtel de Ville, on a fait ce qu'on a pu -Feci quod potui faciant meliora potentes : que ceux qui peuvent mieux fassent mieux. En attendant quoi, le combat continue, sur le terrain et dans les institutions. Malgré les lois, et parfois contre elles. Nous ne demandons même pas aux décideurs politiques et aux exécutants administratifs de les ignorer (ce dont nous pouvons nous arroger le droit, mais en tant que citoyens). Nous ne leur demandons que de ne pas se condamner à se transformer, et se réduire, en machineries, en exécutants mécaniques de textes qui, par définition, ne déterminent que des règles générales et ne jugent pas de cas particuliers. Or il y a deux manières d'appliquer des règles à des humains : comme des humains ou comme des machines. En faisant usage de sa tête ou en ne faisant usage que de ses muscles.
En Paul Grüninger ou en Maurice Papon.
Feci quod potui faciant meliora potentes
Il faut bien, toujours, rappeler dans quel contexte international se définit l'enjeu du droit d'asile, si l'on veut comprendre quoi que ce soit au débat autour de cet enjeu. Sur qui repose aujourd'hui le poids de l'asile, de la migration, du refuge ? Sur les pays riches ? sur l'Europe ? Sur la Suisse ? Ce serait plaisanterie, et amère, que d'y croire. Et c'est mensonge que de le dire. Le poids de l'asile, aujourd'hui, repose d'abord, et massivement, sur les pays voisins de ceux qui fuient les migrants. Le poids de l'asile des Syriens repose d'abord sur la Jordanie, le Liban et la Turquie -que l'Europe entend payer pour qu'elle entasse et stocke les réfugiés (tout en bombardant les Kurdes), dans la masse desquels cette même Europe triera ensuite celles et ceux à qui elle acceptera de donner asile. Mais quand on entend, en Suisse, et à Genève, hurler à l'invasion lorsqu'on propose d'accueillir 50'000 réfugiés, on doit commencer par répondre que 50'000 réfugiés, c'est en gros six pour mille de la population résidente de notre pays quand au Liban, les réfugiés constituent le tiers de la population...
Celles et ceux qui se battent pour que le droit d'asile ne soit pas en Suisse qu'une formule rituelle utilisée (et usée) pour caresser notre bonne conscience historique dans le sens de nos illusions, ne demandent rien d'autre que cela : prendre notre (modeste) part de l'accueil des migrants. Alors évidemment qu'à Genève, on le demandera avec plus de mémoire, et plus de sens du symbole, qu'à Herzogenbuchsee. Parce qu'ici, "Cité du Refuge", cela dit, historiquement, autre chose que cela peut murmurer ailleurs. Parce que le texte fondamental instituant le droit d'asile, la convention internationale de 1951, porte le nom de cette ville, et pas d'une autre. Et que c'est en cette ville et pas dans une autre que siège le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.
Et puis il y a ceci, qui devrait être une évidence : la réalité rattrapera toujours nos discours et nos votes. Les exilés sont en route, par millions. On les parque, on les stocke, on les entasse aux portes de l'Europe, mais que nous le voulions ou non, ces portes ils les franchiront. Ou les contourneront. Ou les défoncerons. Et nous ferions de même si nous étions à leur place.
Alors, le tragique de l'Histoire s'invite dans nos débats nationaux et locaux. Ainsi de celui autour de la loi sur l'asile, et de celui sur le rôle, concret, d'une ville dans l'accueil des réfugiés. Deux moments, presque coïncidents, de ces débats, avant-hier soir : à la rue des Voisins le PS genevois décidait de ne pas soutenir la nouvelle loi sur l'asile, ni de s'associer au référendum lancé contre elle par l'UDC, et à la rue de l'Hôtel de Ville, le Conseil municipal de Genève acceptait et renvoyait au Conseil administratif, qui annonçait qu'il les respecterait, deux motions demandant, l'une d'augmenter de 500 places la capacité d'accueil de réfugiés par la Ville, l'autre de faire pression sur le canton pour obtenir le retour auprès de sa famille du requérant d'asile érythréen Amanuel G., tiré de son lit à quatre heures du matin pour être renvoyé, seul, dans les rues d'Italie. Une troisième proposition, de proclamer Genève "Ville de Refuge", a par ailleurs été stupidement renvoyée en commission (des Finances !) comme si une proclamation rhétorique, mémorielle, principielle et urgente avait besoin d'une étude comptable et d'un rapport dans trois mois...).
A la rue des Voisins comme à la rue de l'Hôtel de Ville, on a fait ce qu'on a pu -Feci quod potui faciant meliora potentes : que ceux qui peuvent mieux fassent mieux. En attendant quoi, le combat continue, sur le terrain et dans les institutions. Malgré les lois, et parfois contre elles. Nous ne demandons même pas aux décideurs politiques et aux exécutants administratifs de les ignorer (ce dont nous pouvons nous arroger le droit, mais en tant que citoyens). Nous ne leur demandons que de ne pas se condamner à se transformer, et se réduire, en machineries, en exécutants mécaniques de textes qui, par définition, ne déterminent que des règles générales et ne jugent pas de cas particuliers. Or il y a deux manières d'appliquer des règles à des humains : comme des humains ou comme des machines. En faisant usage de sa tête ou en ne faisant usage que de ses muscles.
En Paul Grüninger ou en Maurice Papon.
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