Xénophobie petit bras


Loi sur l'asile : l'UDC fera campagne à l'économie
     
Ce n'est pas parce que l'UDC, encore toute marrie de sa défaite du 28 février (elle avait consacré des moyens considérables pour promouvoir son initiative de "mise en oeuvre", largement refusée par le peuple et tous les cantons...) a décidé de jouer "à l'économie" sa campagne contre la loi sur l'asile (pas d'affiches nationales, pas de journal gratuit "tous ménages" etc...) que son référendum sent moins mauvais. Il semble plutôt qu'instruite par sa défaite de février, elle veuille éviter de susciter contre elle en juin un front aussi combatif que celui qui l'a vaincue en février. Elle compte donc sur ses sections cantonales pour faire passer son message : la loi proposée n'est pas assez dure aux requérants d'asile. "Beaucoup croient qu'on gagne grâce à l'argent mais nous pouvons le faire grâce à nos idées", assure le Conseiller national UDC valaisan Jean-Luc Addor. NOS idéeS, au pluriel ? Plutôt "notre idée", singulière et obsessionnelle : les étrangers, dehors ! Murmurée ou beuglée, l'obsession reste...


"Mais on ne veut pas qu'ils s'intègrent ! Ils doivent retourner chez eux !"

Dans "Pages de Gauche", la Conseillère nationale vaudoise et socialiste Cesla Amarelle en convient : la loi soumise au vote le 5 juin "n'est pas une réforme de gauche" et conduit à un "durcissement potentiel à cause de l'accélération des procédures". Mais, ajoute-t-elle, elle contient aussi "pour la première fois de son histoire" (celle de la loi fédérale sur l'asile) des "améliorations concrètes", dont un soutien juridique dès la première instance (qui est d'ailleurs l'une des deux raisons principales du rejet de la loi par l'UDC), ce qui assure une "procédure correcte et plus juste" à des requérants qui ne sont pas familiers du droit suisse. Surtout, Cesla Amarelle, et nous sommes sur ce point d'accord avec elle, ne se fait aucune illusion sur les conséquences d'un refus de la loi : "un "non" dans les urnes n'amènera en aucun cas une meilleure protection du droit d'être entendu, une indépendance accrue de la protection ou de meilleurs délais de recours". Ce sont évidemment (le rapport des forces politiques et l'état de l'opinion publique étant ce qu'ils sont dans ce pays, ) les motifs du refus de l'UDC de soutenir la loi qui seront pris en compte, pas ceux du "non  de gauche". Pour les partisans d'un "oui de gauche" à la loi, celle-ci doit permettre d'en finir avec le système mis en place par Christoph Blocher en 2003, du temps où il sévissait comme Conseiller fédéral et limitait volontairement les places d'accueil et maintenait le dispositif de l'asile dans un état de sous-dimensionnement le rendant délibérément incapable d'absorber un fort accroissement des requêtes d'asile, et d'assurer des procédures individuelles objectives, fondées sur les situations individuelles et non sur des quotas inavoués.

Solidarités sans Frontières (SoSF), l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), Amnesty International, appellent à soutenir la loi. Non par adhésion à son contenu, mais pour faire barrage à l'UDC. Certes, convient SoSF, la loi a moins pour but d'accélérer les procédures d'octroi de l'asile que d'accélérer les renvois des requérants auxquels l'asile aura été refusé, mais "un non le 5 juin sera interprété comme une victoire de l'UDC, qui ouvrira la porte à une nouvelle révision" dont on aura extirpé l'aide juridique aux réfugiés, qui contiendra des durcissements nouveaux, et qui réintégrera les "mesures urgentes" que le projet soumis au vote a déjà intégrées (exclusion de la qualité de réfugiés pour les déserteurs, suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade) et qui sont de toutes façon en vigueur jusqu'en 2019 (si la loi est refusée, ces mesures continueront donc à s'appliquer dans ce délai, largement suffisant pour que la droite ultra-majoritaire aux Chambres les intègrent dans une nouvelle loi).

Sur quoi donc vote-t-on, le 5 juin ? Sur la légalisation d'un durcissement de la politique d'asile, déjà en cours, ou sur le référendum lancé contre la loi par une force politique (l'UDC) qui exige un durcissement encore plus fort, veut envoyer l'armée aux frontières et renvoyer tous les requérants d'asile érythréens en Erythrée, où ils risquent pour le moins la prison, souvent le torture, et parfois la mort ? C'est évidemment la loi qui est soumise au vote, pas le référendum. Mais elle n'y est soumise que parce que l'UDC l'a obtenu en lançant et en faisant aboutir contre elle un référendum maximaliste. Dans "Le Courrier" du 5 avril, le "Monsieur Immigration" de l'UDC, le Conseiller national argovien Andreas Glarner accuse "les autorités" de dérouler "le tapis rouge aux requérants", en expliquant que l'accélération des procédures et l'assistance juridique gratuite vont faire "venir plus de monde" et renforcer "l'attractivité de la Suisse". Et quand on lui demande pourquoi son parti s'oppose à des mesures qui devraient (selon les partisans de la loi combattue par l'UDC) favoriser l'intégration des réfugiés, il répond, avec une franchise qu'on se plaira à saluer : "Mais on ne veut pas qu'ils s'intègrent ! Ils doivent retourner chez eux !". Vivants ? Oui, mais pour y mourir ou pour reprendre à nouveau la route de l'exode.

Commentaires

Articles les plus consultés