Fonds de tiroir



Le journalisme de terrain, même vague, est un sport à risque : « Le Matin Dimanche » l'a pratiqué en allant rencontrer début avril (le résultat de la rencontre est paru dans son édition du 10 avril) les deux abrutis d'une école de Bâle-Campagne qui avaient ce printemps défrayé la chronique et déchaîné les chroniqueurs en refusant de serrer la main de leur professeure, parce que c'est une femme et que le Prophète, il y a quatorze siècles, ne serrait pas la main des femmes. C'était à risque, cette rencontre ? Faut croire, mais pas pour le journaliste, pour les deux ados : ils n'ont pu être rencontrés qu'encadrés par leur père, imam de la mosquée fondamentaliste bâloise «Roi Faycal», et par un représentant du non moins fondamentaliste «Conseil central islamique suisse». Des fois que les deux ados auraient exprimé une pensée personnelle... on sait jamais avec les ados : on croit qu'on leur a bien lavé le cerveau, mais comme leur cerveau est encore en formation et leurs connexions neuronales en croissance, on peut avoir des surprises. Et les intégristes, les surprises, ils n'aiment pas. Alors les deux ados au cerveau récuré ont pu dévider ce que leur papa imam et son commissaire politique attendaient qu'ils dévident. Finalement, le parti de la famille, c'est pas le PDC, c'est le putatif parti islamiste...

On a lu dans la « Tribune de Genève » du 12 avril qu'une dizaine de détenus de Champ-Dollon et de La Brenaz présentaient « un profil inquiétant » d'islamistes radicaux, qu'en novembre, après les attentats de Paris, un détenu s'en était réjoui et qu'un autre avait beuglé « Allah Akbar », qu'un troisième proférait régulièrement des menaces contres les «mécréants», et que tous « ne parlent que du Coran, écoutent des chants coraniques » et refusent qu'une gardienne entre dans leurs cellules... mais qu'« en général, on ne sépare pas les détenus concernés des détenus ordinaires ». Pour être sûrs que les détenus « ordinaires » finiront eux aussi par être « concernés » ?

Donc, le voyage « traditionnel » du bureau du Conseil Municipal (à majorité de droite, le bureau, comme le Conseil) a eu lieu du 6 au 9 mai. Sans l'Alphonse qui faisait la gueule parce que c'était en avion, mais avec les représentants de la droite, le président Medeiros (MCG canal historique) en tête. Le voyage (à Lisbonne) est en grande partie payé par la Ville. La droite coagulée, qui a ratiboisé presque toutes les subventions de la Ville et les moyens de fonctionnement de l'administra-tion, a là encore manifesté son sens aigu des priorités : pas plus que les jetons de présence des membres du Conseil municipal, leurs indemnités de bouffe, leurs abonnements TPG ou leurs billets gratuits au Grand Théâtre ou au Victoria Hall, elle n'a réduit les moyens nécessaires à payer les petites promenades des zélues et zélus. On n'en attendait pas plus d'elle, notez...

La caisse de pension des employés du Crédit Suisse, propriétaire majoritaire de la galerie marchande de Confédération Centre, au début des rues basses de Genève, doit déposer un permis de construire pour transformer ladite galerie marchande, ce qui s'avère une véritable charrue à chiens. La caisse de pension voulait faire commencer les travaux en 2017 ? ils ne commenceront pas avant 2020. Confédération Centre date de 1986. Propriété initialement de l'UBS et de la SBS, avant leur fusion, il ne devait pas s'agir au départ d'un centre commercial, mais d'un centre de gestion de fortune -ce sont les pouvoir publics qui y ont imposé une mixité d'usage, qui s'est traduite par des locations hors de prix, impossible à rentabiliser. Un an après son inauguration, le complexe est vendu au promoteur immobilier Gabriel Tamman, qui baisse les loyers pour qu'ils deviennent accessibles. Du coup, le complexe perd de son prestige, devient un centre commercial comme un autre et est vendu en 2005 à la caisse de pension du Crédit Suisse, qui doit accepter des dizaines de copropriétaires privés. La caisse de pension décide en 2011 d'y investir 60 millions pour le moderniser et l'adapter aux nouveaux standards énergétiques, mais elle ne peut le faire que si les locaux sont vides de leurs locataires. Des dizaines de ceux-ci refusent de partir. Le propriétaire majoritaire prolonge les bails des uns, d'autres acceptent de partir dès que les travaux commenceront, les cinémas Rex et la brasserie Lipp décident de rester ouverts pendant les travaux. Mais si les négociations aboutissent avec 37 locataires, elles sont toujours en cours avec cinq autres et rompues avec un. Quant aux co-propriétaires d'appartements ou de bureaux, ils ont accepté le dépôt d'un permis de construire. Mais pendant tout ce temps, un nouveau complexe commercial de luxe a ouvert juste en face de Confédération Centre, et tous les magasins circonvoisins ont été modernisés. Ne reste plus que ce paquebot à renflouer. Et c'est gros, un paquebot à renflouer. Surtout, on commence sérieusement à se demander si on pourrait pas faire des rues basses autre chose qu'une succession de boutiques et de magasins de luxe. Parce qu'on se souvient d'un temps où elles étaient vivantes, les rues basses. Même après 19 heures. Et pas seulement dans la rue Neuve-du-Molard ousque y'avait les filles de joie...

Le directeur suisse de la publication en ligne « Riposte laïque » (en fait, un site d'extrême-droite, domicilié en Suisse mais ciblé sur l'actualité française et le public français) a été condamné en France à 5000 euros d'amende pour se livrer à une « stigmatisation générale et systématisée des musulmans », l'islam étant en tant que tel qualifié de « culte de la perversion sexuelle et morale », et les musulmans se voyant attribuer, en bloc, des pratiques « zoophiles, pédophiles, incestueuses et nécrophiles, voire démoniaques ». «Riposte laïque» a annoncé vouloir faire appel d'une condamnation frappant son directeur de nationalité suisse. Le Parquet avait estimé que la domiciliation en Suisse du site de « Riposte laïque » n'était qu'une manoeuvre pour tenter d'échapper à la justice française. Le site de l'association renvoie désormais vers le nom d'un responsable domicilié en Thaïlande, mais admet être basé à Genève. Finalement, on a tort de croire que l'extrême-droite récupératrice de la bannière laïque serait souverainiste, patriote, nationaliste, tout ça... en fait, elle est apatride, mondialiste et internationaliste. Comme un cabinet d'avocats d'affaires producteurs de sociétés « offshore » au Panama. Pareil. Kif-kif, comme on dit chez les bougnoules.


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