Coupes budgétaires en Ville de Genève :
Un hors d'oeuvre

Vous n'avez pas voté ? Les deux tiers de l'électorat de la Ville sont dans le même cas que vous. Ce qui n'est pas une consolation. Il vous reste à vous rendre dimanche matin de 10 heures à midi au bureau de vote,  si vous ne vous résignez pas à l'opération de ratiboisage de quasiment toutes les subventions sociales et culturelles accordées par la Ville de Genève, opération montée par la droite municipale en décembre dernier et contre laquelle la gauche, les milieux culturelles et les associations et mouvements d'action sociale ont lancé un référendum. Des coupes aveugles, par ukase, sans concertation, sans évaluation ni des situations, ni des besoins. Qui va trinquer ? Tout le monde, ou presque (voir sous http://causetoujours.blog.tdg.ch/archive/2016/01/23/coupes-dans-les-subventions-culturelles-et-sociale-en-ville-273551.html)... Et ce n'est qu'un hors d'oeuvre : le plat de résistance, c'est une coupe de 50 millions dans le budget, pour absorber une perte de 50 millions préparée par les mêmes forces politiques qui annoncent la coupe. Au four et au moulin, la droite ? Alors aux votes, la gauche !

C'est bien la Ville elle-même que la droite entend couper...


Dans sa "feuille de route" pour la législature, le Conseil administratif de la Ville résume en des termes fort peu révolutionnaires, et fort consensuels son programme politique : "combattre les inégalités et les discriminations au sein de la population, ainsi que réduire l'impact environnemental et social de nos activités, tout en développant une économie locale diversifiée, durable et innovante". Et de poursuivre : "Pôle culturel de référence, (Genève) stimule la création artistique et d'autres manifestations. (...) Elle développe des politiques pour lutter contre la précarité et l'isolement. Elle (...) dispose de moyens suffisants pour assumer les responsabilités qui vont avec (son rôle de ville-centre d'une agglomération), que ce soit au niveau politique, économique, social ou culturel". Et ça fait peur à la droit coagulée, un tel programme  ? Il faut croire, puisque sans attendre le verdict des urnes du 5 juin sur les coupes opérées dans le budget 2016, elle en exige déjà dans le budget 2017. Sans rien connaître du projet de budget qui sera présenté par le Conseil administratif, et moins que rien du résultat des comptes 2016.

Pour faire passer, non pas la pilule mais le clystère des coupes budgétaires, on oppose les besoins : "pas assez de sport = trop de culture", ou "soutenir le Grand Théâtre = casser l'Usine". Et on coupe là où les besoins augmentent : dans l'action sociale, dans les organisations et les associations qui la mènent à la place de l'Etat défaillant, et vers lesquelles se tournent les exclus du système de protection sociale, et sur lesquelles se reposent des services publics qui, tel l'Hospice Général, manquent de personnel, et auxquels Caritas, ou le Centre Social Protestant, suppléent. Et on coupe là où la pluralité de l'offre et de la création est une condition de toute politique culturelle dans une société démocratique : dans la culture.

Les coupes municipales s'ajoutent les unes aux autres, s'ajoutent aux coupes cantonales, et leurs effets sont cumulatifs dans le temps (elles arrivent après des années de stagnation, voire de recul, du soutien public). Elles privent les entités subventionnées de moyens, privent le public de certaines prestations, ou les réduisent, et réduisent l'offre culturelle, et même les moyens de la commune d'assurer le fonctionnement de ses propres services prioritaires (En coupant quatre millions dans la ligne budgétaire qui couvre les fournitures à l'administration et aux services municipaux, ce sont les moyens accordés au personnel municipal de faire son travail que l'on réduit : l'entretien des locaux, les outils, le matériel, les vêtements de travail, le soutien technique et logistiques aux manifestations culturelles et sportives etc...). Enfin, elles obligent les entités subventionnées qui ne veulent ni réduire leurs prestations au public, ni supprimer des postes de travail et qui, ayant déjà réduit leurs moyens de fonctionnement, ne peuvent plus s'y attaquer sans les dégrader durablement, à se livrer entre elles à une concurrence dans la recherche de soutiens privés pour compenser la perte des soutiens publics. 

C'est à cette évolution perverse qu'il s'agit de donner, dimanche, un coup d'arrêt. Mais gagnera-t-on cette bataille qu'il faudra ensuite en livrer d'autres, du même genre -mais en plus rude. Et préparer la Ville à compenser par de nouvelles recettes, ou à empêcher, les pertes fiscales que propose la droite municipale et cantonale. Là, ce qui s'impose, c'est de Construire un rapport de force politique qui empêche ces pertes avant qu'elles soient décidées. Et si même elles devaient être décidées ? Alors c'est un rapport de force politique qui permettra d'obtenir de nouvelles recettes, qu'il s'agit de construire. Parce que figurez-vous, bonnes gens, que de nouvelles recettes sont possibles. Et qu'il est même possible, horresco referens, d'augmenter l'impôt municipal (le centime additionnel)...  Ce qui ne s'impose nullement à l'heure actuelle, puisque les budgets de la Ville sont au moins équilibrés, quand ils ne dégagent pas un excédent positif, et que ses comptes sont bénéficiaires. Mais ce qui risque fort de s'imposer si les projets fiscaux de la droite cantonale aboutissent, la droite municipale n'attendant que cela pour rééditer, en pire, l'exercice lamentable auquel elle s'est livrée sur le budget 2016.
Parce qu'en fait, en coupant dans les recettes de la Ville pour pouvoir ensuite couper dans le budget de la Ville, c'est bien la Ville elle-même que la droite entend couper... faute sans doute de pouvoir la supprimer comme espace politique gênant. Gênant pour elle.

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