Fonds de tiroir


Le travail, c'est la santé, qu'on nous disait. Tu parles, Charles : selon une étude commandée par le Secrétariat d'Etat à l'Economie auprès de 400 entreprises suisses, la pénibilité du travail et le stress au travail sont en aggravation constante, et 86,8 % des sondés se disent « parfois » (2,4%) ou « souvent » (34,4 %) stressés au boulot, par des interruptions pendant le travail (48%), des rythmes de labeur trop élevés (43 %), des délais trop courts (40 %), des restructurations et des réorganisations (35 %) ou une récompense insuffisante de leurs efforts (31 %), la liste n'étant pas exhaustive et les facteurs de stress étant cumulables. Donc, le travail, c'est la santé. La preuve : quand on propose (par voie d'initiative) aux Suisses de travailler moins (par la réduction du temps de travail, l'augmentation du temps de vacances, le revenu minimum, l'avance de l'âge du droit à la retraite, ce genre de délires gauchistes, quoi), ils refusent. C'est pas une preuve, ça ?

La droite municipale genevoise (et donc le Conseil municipal, où elle est majoritaire quand elle s'ag-glutine à l'extrême-droite, ce qui a été le cas) a refusé les comptes 2015 de la Ville de Genève, présentés par le Conseil administratif, tout en admettant qu'ils reflètent fidè-lement la réalité des recettes et des dépenses de la commune -c'est tout ce qu'on demande à des comptes, quand on ne les confond pas avec un budget. Bon, le refus des comptes municipaux par la droite et l'extrême-droite, il faut bien dire qu'on s'en tamponne un peu, puisque les comptes seront validés par l'autorité de surveillance. Lors du débat sur la présentation de ces comptes, qui constatent un excédent de recettes de plus de 39 millions de francs, la démocrate-chrétienne Anne Carron a expliqué que si ce résultat, qui navre une droite clamant à chaque séance du Conseil municipal que la situation financière de la Ville est catastrophique, est bon, c'est que «la chance a été au rendez-vous ».  Ouais comme depuis 2003 (à la seule exception de 2013, du fait de la recapitalisation de la caisse de retraite). La chance est au rendez-vous, en effet. Tous les ans depuis onze ans sur douze. C'est même plus un rendez-vous, pour la droite c'est carrément un pied-de-grue décennal. A ce niveau d'obstination chanceuse et de miracle répétitif, la droite coagulée devrait dénoncer la partialité gauchiste de la chance : Depuis 2007, la dette municipale a baissé de 330 millions (soit de près de 18%); sur 10 ans, les investissements sont autofinancés... à 144 %; les comptes 2015 affichent un boni de 39,5 millions de francs. On se doutait bien que la droite dilatée n'allait pas célébrer ce résultat avec enthousiasme. Au fond, la  seule chose que le Conseil administratif pourrait faire pour satisfaire son opposition de droite, c'est de présenter des comptes calamiteux, avec un trou profond, un gros déficit, une impasse abyssale -enfin, les comptes les plus mauvais possibles. Pour soigner le mal par le mal -ou par la mise en scène du mal. Une sorte d'effet placebo. On sait que ça marche, surtout sur les malades imaginaires. L'hypo- condrie politique, ça se soigne.

La fondation Ethos (un truc qui veut moraliser le capitalisme) a publié fin septembre son rapport sur les niveaux de rémunération des pontes des grandes entreprises suisses en 2015. Le Crésus est attribué à Severin Schwan, patron de Roche, avec 15,6 millions de francs. Les accessits sont attribués à Sergio Emotti, d'UBS (14,3 millions), Paul Bulcke, de Nestlé (11,7 millions) et Joe Jimenez, de Novartis (11.6 millions). Les revenus des dirigeants des grosses entreprises suisses ont progressé de 2% l'an dernier. Et Ethos constate qu'il n'y a pas de lien entre les résultats de l'entreprise et les revenus de leurs dirigeants : les premiers peuvent être médiocres sans que les seconds en souffrent. Voilà. Et les rému-nérations des travailleurs, alors ? Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre, de la rémunération des travailleurs ? Et de la revendication maximaliste de l'Union Syndicale de revaloriser de 1 % ou 1,5 % ceux des plus mal payés ? On mélange pas les torchons et les serviettes, siouplait.

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