RIE III : le PS genevois entre le "oui mais" et le "non mais"


Tu veux ou tu veux pas ?

 Jeudi,  une Assemblée des délégués du PS genevois a (ardemment) débattu du "volet genevois" de la réforme fédérale de l'imposition des entreprises (la fameuse "RIE III) votée par les deux Chambres du parlement suisse, contre laquelle un référendum a été lancé (notamment par le PS suisse) et a abouti, et sur laquelle on votera donc, l'année prochaine. La question, au plan genevois, est de savoir quelle position le PS va adopter à l'égard des propositions du gouvernement cantonal. Ces propositions consistant en la mise en oeuvre cantonale d'une réforme que le PS combat au niveau suisse, il serait logique qu'elles soient combattues aussi par le PS au niveau cantonal. Mais la logique n'est pas une mécanique, et des voix (de députés, de la Conseillère administrative Sandrine Salerno, responsable des finances de la Ville de Genève, notamment) se sont élevées au sein du PS genevois pour considérer qu'après tout, les propositions gouvernementales étaient acceptables, si le parlement s'y tenait et que la droite ne les dénaturait pas ni ne le amputait. Une sorte de "oui mais", auquel répond une sorte de "non mais", exprimant un refus du projet du Conseil d'Etat en son état actuel, en même temps que la conviction que "de toute façon, il faudra en passer par une réduction des ressources fiscales" du canton et des communes. Le problème, c'est que tout ce débat sera tranché en votation populaire, quand il n'y a pas de "mais" qui tienne dans un vote référendaire, binaire, forcément binaire, et qu'à la question "tu veux ou tu veux pas",  il n'y a de réponse possible que "oui" ou "non", les fioritures, les précautions rhétoriques, comptant pour beurre de cuisine politique... Il va donc bien falloir prendre une position claire sur la RIE III, version genevoise.


    A quoi diable peuvent bien servir nos manifestes unitaires ? A enfumer nos électeurs ?

Le volet fédéral comme le volet cantonal genevois de la Réforme de l'imposition des entreprises (troisième saison) seront donc combattus par référendum. S'agissant du volet fédéral, le référendum a été lancé notamment par le Parti socialiste, mais dans les cantons, des conseillers d'Etat socialistes (comme le Vaudois Pierre-Yves Maillard) renâclent à cette opposition, voire (comme la ministre bâloise des Finances, Eva Herzog, ou son  homologue neuchâtelois, Laurent Kurth ) soutiennent ouvertement le pseudo-compromis issu du parlement fédéral (et construit "sur le dos de la Confédération et des contribuables ordinaires", comme le résume le président du PSS, Christian Levrat), ne serait-ce que par crainte que son refus ne finisse par aboutir à une réforme pire que celle proposée (puisque réforme il doit de toute façon y avoir).

Pour ce qui est du volet cantonal genevois, Ensemble à Gauche avait fait savoir qu'elle lancerait de toute façon le référendum (il est tellement facilité qu'il en devient quasiment obligatoire) quelles que puissent être les propositions du Conseil d'Etat.  Au terme de consultations avec tous les partis représentés au Grand Conseil, le gouvernement genevois a présenté un projet basé sur un taux de 13,49 % d'imposition unique des entreprises (le PS suisse proposait 16 % pour tous les cantons, ce qui aurait à Genève abouti à maintenir les ressources fiscales au lieu que de les réduire), avec des mesures de compensation d'une partie des pertes que cela entraînerait pour les caisses publiques (un centime additionnel d'impôt, affecté à l'innovation, une augmentation des charges patronales, pour financer des mesures liées à la formation et l'insertion professionnelles, aux crèches et aux transports publics), mais ces compensations ne représenteront au mieux qu'un quart de ces pertes (qui s’élèveraient toujours à 350 millions par an au canton, et 50 millions à la Ville de Genève), et ne sont souvent que temporaires, comme la proposition d'accepter, pour un temps (cinq ans), des budgets déficitaires. En outre, la droite, outrancièrement majoritaire au parlement (par la faute de la gauche, on est bien d'accord...), pourrait fort bien s'attaquer à ces compensations. On se retrouverait alors avec un paquet fiscal inacceptable, vidant les caisses publiques pour complaire aux entreprises multinationales, après quoi on nous assènerait un discours qu'on connaît déjà, comme on connaît déjà ce par quoi il se traduirait, sur la crise des finances publiques, la nécessité de faire des économies, l’inéluctabilité d'une réduction des prestations et des effectifs de la fonction publique. Bon prince, le PLR se dit, par la voix de son président Alexandre de Senarclens, "prêt à faire des concessions". Quelles concessions ? Du genre : ne pas demander à l'Etat de faire des économies supplémentaires. Mais seulement pendant trois ans et seulement des économies "supplémentaires". Après trois ans, on reprend l'antienne sur les "sacrifices", et pendant ces trois ans, on s'en tient aux "économies" déjà réalisées. Un vrai marché de dupes -dont les dupes sont toujours les mêmes.

Et le PS, alors, quelle sera sa position (puisque telle était notre question initiale et angoissée) face aux propositions gouvernementales ? Sans doute ces propositions  ne vont-elles pas tiers-mondiser les finances cantonales et municipales (la Ville y perdrait 50 millions ? c'est ce que lui coûte chaque année le Grand Théâtre...), mais puisque référendum il y aura forcément, les socialistes devraient au moins avoir à coeur la nécessité d'éviter une débâcle  "à la vaudoise" en votation populaire, faute de mot d'ordre unitaire de la gauche. Et le seul moyen d'éviter cette débâcle, c'est que la "gauche de la gauche" ne soit pas seule ou presque (surtout dans l'état où elle est), à quelques syndicats prêts, à combattre le "paquet" gouvernemental. Parce que si on devait en arriver là, on vous laisse imaginer dans quel rapport de force politique encore plus dégradé que celui que nous subissons aujourd'hui nous nous retrouverions, pour défendre les prestations à la population.
L'Assemblée des délégués du PSG a majoritairement penché vers une sorte de "non mais" aux propositions du Conseil d'Etat : non en leur état actuel (le taux unique d'imposition proposé, 13,49 %, est trop bas, les mesures compensatoires insuffisantes, ou trop limitées dans le temps, l'effet sur les finances publiques (et donc les prestations publiques) trop lourd. Toutefois, ce "non mais" pourrait se transformer en en "oui mais" si les conditions posées par le PS à son acceptation du projet gouvernemental était remplies. Or, lors du vote, le "mais" du "oui" ou du "non" que devra finir par proférer le PS ne vaudra que ce que valent les exposés de motif des projets de loi -c'est-à-dire, au moment de la décision, rien du tout.

Toute la gauche, politique et syndicale, ayant signé un "manifeste contre l'austérité" qui s'oppose à la réforme, la "gauche de la gauche" ne devrait pas être seule à appeler à voter contre tout projet, même "consensuel", qui conduirait à une perte de ressources fiscales pour les collectivités publiques  Ou alors, on serait conduits à se demander à quoi diable peuvent bien servir nos manifestes unitaires (et les propositions faites par le PS pour compenser réellement, et totalement, les pertes fiscales liées à la réforme fiscale) ? A enfumer nos électeurs ?

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