Nouvelle répartition des tâches entre le canton et les communes à Genève : Qui va "fabriquer du politique" ?


Après l'action sociale (la loi répartissant les tâches entre les cantons et les communes dans ce domaine a été promulguée le 11 mai), après la politique culturelle, et avec le même manque d'ambition que dans ces deux champs d'action, le Conseil d'Etat genevois a engagé la réforme de la répartition des tâches entre le canton et les communes dans le domaine des transports et de la mobilité. Et là encore, on est dans le bricolage. "La montagne est en train d'accoucher d'une marmotte" et "rien n'est pensé pour fabriquer du politique à l'échelon communal", déplore le président de l'Association des communes genevoise, Thierry Apothéloz. A moins, ajouterons-nous, que tout ne soit au contraire pensé pour qu'on ne "fabrique pas du politique" au niveau des communes, que cette "fabrication" reste l'apanage du canton, que les communes ne soient toujours que des échelons d'exécution, constamment sous surveillance. Surtout les communes urbaines, surtout les villes (elles sont une douzaine dans le canton). "Nous avons fait une série de propositions, celles d'importance sont restées lettre morte", précise Apothéloz, qui ajoute : "Dès que nous proposons des compétences supplémentaires (pour les communes), le canton est pour le moins réticent". CQFD.

"Ceux qui croient  aux acteurs et ceux qui croient aux systèmes..."

Certes, l'exercice auquel on prétend se livrer à Genève, consistant à répartir rationnellement (et démocratiquement ?) les compétences entre les communes et le canton, et avant cela, à poser les principes de cette répartition, est légitime. Plus que légitime, même : indispensable. Mais on est à Genève, où le canton se prend pour le Bailli des communes et entretient avec celle de la Ville de Genève d'abord, celles des autres villes ensuite, une guéguerre permanente, à la fois conflit de compétence et querelle de préséance. Il va donc tenter de contraindre les communes en général, et la plus importante en particulier, par une liste exhaustive des compétences qu'il leur accorde (alors que le principe de subsidiarité pose comme règle qu'elles ont toutes les compétences publiques, sauf celles qu'elles ne sont pas capables d'exercer), en même temps qu'il va tenter de contraindre la Ville à renoncer à certaines de ses compétences, ou à réduire certaines de ses activités et des prestations qu'elle accorde à ses habitants (et souvent aux habitants de tous le canton), en réduisant ses ressources fiscales, et donc son budget. Or c'est grâce aux moyens dont elles disposent, et aux investissements qu'elles peuvent consentir, que les communes peuvent réellement avoir une politique, c'est-à-dire une action politique. Et quand ces communes sont des villes, qu'elles sont de gauche alors que le gouvernement et le parlement cantonal sont de droite, et que ces villes mènent une politique contraire à celle que mène le canton, réduire leurs moyens en même temps que leurs compétences, c'est réduire une opposition. C'est ce que, constamment, menace d'être une "répartition des tâches" conduites par le canton, dans le rapport des forces politiques actuel.

Au passage, on rappellera que les communes genevoises, de la plus petite à la Ville de Genève, ne détiennent que le quart des compétences des communes vaudoises, et que d'entre les maigres compétences des communes genevoises, certaines ne sont que des compétences d'exécution, sans réelle capacité de décision... Il faut une autorisation du service cantonal des routes pour installer un ralentisseur de trafic dans une rue résidentielle communale, poser un miroir, installer un panneau. Les communes vaudoises délivrent les autorisations de construire -à Genève, elles ne formulent qu'un préavis sur quoi le canton peut s'asseoir. Elles doivent assumer l'infrastructure de distribution de l'eau et d e l'électricité, mais sans pouvoir réellement peser sur les choix de politique énergétique ou hydrique. Et le canton multiplie les reports de charge sans transferts de compétences ni de ressources financières dans toute une série de domaines : l'aménagement du territoire, les transports et la mobilité, la sécurité, la politique sociale, la politique de la petite enfance. Et les communes n'ont pas accès aux données fiscales de leurs habitants.

Alain Touraine observe que « la grande ligne de coupure traverse désormais la gauche comme la droite, puisqu’elle sépare ceux qui croient  aux acteurs et ceux qui croient aux systèmes ». Nous faisons le même constat (le « désormais » en moins : cette « grande ligne de coupure »  est présente dès l’origine même du mouvement socialiste, opposant en son sein libertaires et autoritaires, démocrates et technocrates) : nous croyons aux acteurs et aux actrices, non aux systèmes. Parce qu'il s'agit de changer le monde réel sans prendre le pouvoir, mais en multipliant les lieux, les espaces, les réseaux, les moyens permettant à chacune et chacun, à toutes et tous, de s’autodéterminer. Ce qui, depuis 1871, se résume en trois mots, toujours les mêmes et qui nous font slogan pérenne : Vive la  Commune !

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