Plaine, ma plaine, arbre, mon arbre...

   
Irminsûl à Plainpalais

Bon, on va bien devoir en parler au moins une fois, vu que tout le monde en parle, de l'aménagement de la Plaine de Plainpalais, des arbres qui tombent, de ceux qu'on coupe, de ceux qui restent et de ceux qu'on va déplacer. C'est pas que le dossier nous passionne (d'accord, un conseiller municipal digne de ce titre prestigieux devrait en être passionné, mais on n'est peut-être pas, après tout, un conseiller municipal digne de ce titre prestigieux), c'est que si on n'en cause pas, on va croire qu'on s'en fout. Au fait, oui, on s'en fout. Mais bon, un petit sacrifice rhétorique s'impose. Donc, la Plaine et ses arbres. Sur fond de choeurs de l'Armée Rouge (ben oui, quoi :
www.youtube.com/watch?v=YtqYo831Brk)... Ou de culte de la "grande ou puissante colonne" paléosaxonne. L'Arbre sacré Irminsûl, pour les intimes...

"Auprès de mon arbre, je vivais heureux..."

Donc on votera (et on votera "non", et on vous appelle à en faire autant) le 27 novembre au projet du Conseil administratif, ratifié par le Conseil municipal, de réaménagement de la Plaine de Plainpalais.
Un projet de compromis qui était supposé éviter un référendum, ne l'a pas évité, et ne satisfait quasiment plus personne, même pas ceux qui l'avaient voté (ce qui n'est notre cas, vu qu'on préférait le projet initial). Le projet n'est pas seulement combattu par les Zamis des Arbres, mais aussi (quoique pour des raisons parfois contradictoires) par le PS, le MCG, les Verts libéraux, les Radicaux de gauche, les défenseurs du patrimoine, une partie des commerçants du Marché (et des puciers) et une partie des écolos. En face, mais en ordre de plus en plus dispersé, et assez proche de la débandade pure et simple, le PLR, les Verts, l'UDC et "Ensemble à Gauche" (et donc solidaritéS aussi, mais en donnant son  propre mot d'ordre indépendamment de celui de la coalition) disent "oui" au projet. Ou disaient "oui". Comme les "amoureux de la Plaine de Plainpalais". Transis, les amoureux. Mais ces "oui" se sont fait bien plus discrets, bien plus retenus, et souvent alourdis de bien des remords, et contredits par des appels à voter "non" de la part de quelques uns de ceux qui appelaient à voter "oui",  depuis que la Ville a annoncé que 34 arbres ("moribonds", ou à la "vigueur faible", ou aux racines pourries ou asphyxiées) allaient devoir être abattus après qu'un marronnier se soit abattu tout seul comme un grand et que 15 de ses copains aient déjà été occis parce qu'ils avaient été jugés "à risque", et cinq autres parce qu'ils avaient été endommagés dans l'abattage précédent. Le projet de "compromis" bricolé pour tenter d'amadouer (sans y parvenir) les dentrophiles, est soumis au vote le 27 novembre après qu'un référendum ait précisément été lancé contre lui par ceux qu'il voulait démobiliser. Il prévoyait le déplacement de 54 arbres, 16 manquent déjà à l'appel.

Ah, les arbres... Autour desquels on se retrouve dans la position adoratrice des anciens Germains au pied d'Irminsûl. En oubliant qu'un arbre est mortel -bon, pas aussi vite qu'un humain, quoique la vie que lui fait subir les humains en ville raccourcisse considérablement l'espérance de la sienne, mais mortel tout de même. Et que quand il meurt, l'arbre, il tombe. Et qu'en Ville, quand ils tombent, les arbres, c'est parfois sur des gens (aussi sur des bagnoles, mais quand il n'y a personne dedans, on n'en fera pas une maladie). Alors on s'inquiète, et on prévient. A la tronçonneuse. Mort d'Irminsûl, au champ d'honneur de la sécurité.
Il faudrait être capable de les laisser tomber, les arbres. Au sens propre, pas au sens figuré. De les laisser tomber tout seuls, comme des grands.

Quant à nous, indécrottablement urbains, il nous arrive, mauvais esprits qu'on est, de considérer qu'un espace purement minéral peut être aussi beau qu'un espace arborisé. Bon, d'accord, le Ghorr de la Plaine de Plainpalais, comme exemple de bel espace minéral, c'est pas vraiment convainquant, et on désespère de trouver jamais sur ce vieux champ de l'ancienne Genève les sensations qui nous saisissent sur les îles d'Aran ou en Islande, ou dans le Sahara, là où la pierre, le ciel, le vent sculptent un paysage sans arbres, d'une beauté écrasante. On aime être écrasé par la beauté : après tout, il n'y a pas qu'à Florence qu'on peut être frappé du syndrome de Stendhal...

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