Les enjeux de l'élection américaine : Les couilles de Donald et les courriels d'Hillary

Alors, qui sera à la tête de l'Empire (un peu  décadent, certes, mais toujours impérial...) après Obama ? Le cinglé ou la corruptrice ? Avouons-le : cette question ne nous angoisse guère. Si nous étions frappés du même anti-américanisme pulsionnel que nombre de nos bons camarades, on prierait (mais qui ?) pour Donald  : son élection entraînerait un repli des USA sur eux-mêmes. Mais surtout, ce qui a frappé dans cette campagne, c'est son absence totale de contenu politique, de débat d'idées, de confrontation de projets. Qui, de Trump ou de Clinton, aura parlé réellement de politique sociale et de l'emploi, des enjeux géostratégiques, des défis environnementaux, de culture, de démographie (autrement qu'en proposant d'ériger un mur contre l'immigration pour en protéger un pays d'immigrants et de descendants d'immigrants) ? Aucun-e des deux. Par quoi a été dominée la campagne, dans ses dernières semaines ? par les couilles de Donald et les courriels d'Hillary. Ou pour le dire comme Vladimir Poutine (un expert en délicatesse rhétorique, et loin d'être un imbécile) l'a dit : "qui a pincé qui et qui couche avec qui"... On a certainement les campagnes électorales qu'on mérite -et si les Etats Unis ne méritent que celle qui s'y est tenue, tant pis pour eux : ils auront aussi le président ou la présidente qu'ils méritent.

"les Chinois peuvent évaluer le système démocratique américain à l'aune de cette élection"

Alors, qui, demain, disposera du plus grand nombre de ces "grands électeurs" qui vont désigner le prochain président ou la prochaine présidente (la première...) des Etats-Unis d'Amérique ? Le candidat républicain qui fut démocrate ou la candidate démocrate qui fut républicaine ? le héraut populiste héritier de la fortune de son père ou la conférencière à 100'000 dollars la conférence devant des banquiers ? Le philanthrope  dont la fondation portant son nom est utilisée pour des activités douteuses, ou la philanthrope dont la fondation portant son nom est utilisée pour des activités douteuses ? Le défenseur autoproclamé du petit peuple qui refuse de rendre publique sa déclaration d'impôts de milliardaire ou la démocrate qui collabore à un groupe intégriste chrétien ? Le candidat qui a annoncé que s'il était battu, ce serait forcément que les élections ont été truquées, ou la candidate qui considère que la moitié des partisans de son adversaire sont à placer dans le "panier des pitoyables"... Exaltante alternative, que celle de l'élection de la nuit prochaine, au terme d'une campagne électorale à côté de laquelle celle qui s'annonce en France tient de la disputation de niveau stratosphérique... Il paraît que pour 52 % de la population adulte des USA, cette élection et cette campagne sont une source d'anxiété : on les comprend, ces anxieux (d'autant plus anxieux qu'ils sont coutumiers des réseaux sociaux, et sans doute trumpophobes), mais on ne les plaindra pas : ils auraient pu éviter (les "primaires", après tout, peuvent avoir au moins cette utilité) de se retrouver devant le choix qui leur est proposé et habités par l'anxiété qu'il suscite : il leur suffisait de soutenir la candidature de Bernie Sanders...

Hélas, Bernie Sanders ne sera pas président des Etats-Unis. Il aura tout de même redonné à la gauche de son pays des couleurs qu'elle avait perdues. Et c'est un double paradoxe : d'abord, parce que, comme Jeremy Corbyn en Grande-Betagne, c'est un vieux militant, et un élu de longue date, qui balance ce coup de jeune à une gauche que des jeunes aux dents plus longues que les convictions avaient réduite à plus grand chose. Ensuite, parce que Sanders et Corbyn défendent un programme, des projets, des convictions typiquement et profondément social-démocrates. Mais au vrai sens politique du qualificatif, quand au sein de ce à quoi la social-démocratie s'était réduite, la renaissance d'un projet social-démocrate digne de ce nom (la plupart des formations de la "gauche de la gauche" n'en défendant d'ailleurs pas un autre) tient du virage à gauche.

Bernie Sanders, une fois Hillary Clinto désignée (contre lui) comme candidate à la présidence, l'a soutenue pendant toute la campagne. Pas parce qu'il était en accord avec son programme, mais parce qu'en face, il y avait Trump. Ce choix aura été celui d'une part considérable, et, si elle est élue, déterminante, des électrices et des électeurs d'Hillary Clinton (en face aussi d'ailleurs, des gens vont voter Trump par haine de Clinton) -un peu comme lorsqu'en France l'électorat de gauche s'est mobilisé pour voter Chirac contre Le Pen père, et pourrait se mobiliser de même, et pour la même raison, pour voter Juppé contre Le Pen fille. Mais Sanders, c'était tout de même l'alternative à Clinton, et la réponse politique à Trump, par un programme de gauche : gratuité des universités publiques, salaire minimum de 15 dollars de l'heure dans l'administration fédérale, régulation des marchés financiers, interdiction de la fracturation hydraulique, opposition au traité de libre-échange transpacifique, réforme du Parti démocrate (dont Bernie Sanders n'est pas l'élu -il est sénateur indépendant du Vermont, mais qu'il voulait contraindre au passage d'un comité électoral à un parti politique de gauche.

Seulement voilà : Bernie Sanders ne sera pas président des Etats-Unis. Alors qui ? Et pour faire quoi de l'encore première puissance mondiale ? L'enclore dans un mur pour la protéger des immigrants ou en refaire le "gendarme du monde" ? Encore une alternative exaltante... Donald Trump est "pire que Voldemort", le méchant de la saga Harry Potter, selon son auteurs J.-K. Rowling. Evidemment qu'il est pire : il est réel, lui... On laissera conclure le quotidien en anglais du Parti communiste chinois : "les Chinois peuvent évaluer le système démocratique américain à l'aune de cette élection". Comment dit-on Schadenfreude en chinois ? le traducteur automatique répond : 幸災樂禍 et on lui fait confiance : ça dit quelque chose comme "jubilation". On serait dirigeant chinois, on jubilerait à moins...

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