Genève en panne de budget


Pannes informatiques, intellectuelles et politiques :

La majorité de droite dilatée du Conseil Municipal de la Ville de Genève a une ligne. Une ligne de quoi, on ne sait pas, mais une ligne. Pour la deuxième année consécutive (et cette fois avec l'apport d'Ensemble à Gauche et de cinq Verts pour compenser la défection du PDC), elle empêche la Ville d'avoir un budget à temps pour éviter les « douzièmes provisionnels » (le budget de l'année précédente découpé en tranches mensuelles tant qu'un budget annuel n'a pas été adopté). On en vient d'ailleurs à se demander pourquoi ces « douzièmes provisionnels » ne deviennent pas la procédure budgétaire par défaut. Et on se réjouit déjà des (d)ébats budgétaires de l'année prochaine et des deux années suivantes (puisque la « législature » est désormais quinquennale), et de ce que la droite dilatée et ses alliés d'occasion nous inventeront pour ne pas avoir à faire leur boulot... Donc il y a une semaine, une panne informatique perturbant les votes s'étant ajoutée à une panne intellectuelle les rendant sans objet, il s'ensuivit une panne politique privant la Ville de budget pour l'année prochaine. Du moins jusqu'à ce que la majorité de son  Conseil municipal, même dilatée jusqu'à feue l'"extrême-gauche", condescende, même difficilement, à faire le travail pour lequel elle a été élue. Mais restons optimistes : peut-être que le 22 décembre, ou alors d'ici janvier... ou en février... ou en mars... ou le 1er avril, un sursaut de conscience politique dotera la Ville d'un budget. Peut-être.  Mesuré est notre optimisme.
"C'est si dur d'accepter l'abruti qui se trouve en soi, et comment faire sans lui ? (Nicolas de Staël)
La Ville de Genève n'a pas de budget 2017. Ce n'est pas qu'un projet de budget n'ait pas été proposé à son Conseil municipal par son Conseil administratif -il en a même proposé deux, amendant le premier en fonction des prévisions fiscales transmises par le canton, c'est qu'une majorité du Conseil municipal s'est refusée a examiner le projet qui lui était soumis, à en débattre, à l'amender et à le voter -ou à le refuser, mais au terme précisément d'un examen et d'un débat. Et c'est, depuis les élections municipales de 2015, produisant un Conseil municipal sans majorité (mais c'était déjà le cas lors de la "législature" précédente) face à un Conseil administratif à large majorité (80 %) de gauche, la deuxième fois que le parlement de la Ville se refuse à assumer ses responsabilités, ou plutôt qu'il y est contraint par l'addition aléatoire d'incompétences, de fainéantises, de gesticulations et d'irresponsabilités politiquement fort diverses, mais se conjuguant pur aboutir à ce piteux résultat. L'année dernière, il aura fallu que la gauche et les milieux culturels fassent appel directement au peuple pour rétablir un budget municipal. A qui faire appel maintenant ? A Belle-Idée ? A Foyer Handicap ?

Au prétexte d'un amendement portant sur un transfert de charges au canton, sans conséquence financière pour la Ville, amendement déposé par le Conseil administratif sur demande du département du Conseiller d'Etat MCG Mauro Poggia, le MCG a proposé de renvoyer le projet de budget en commission des Finances, d'où il était sorti sans aucun amendement de la droite dilatée. Le PLR a suivi le MCG, l'UDC a suivi le PLR et le MCG, Ensemble à Gauche a suivi l'UDC, le PLR et le MCG, et la plupart des Verts ont suivi cet attelage branquignol, une majorité se créant ainsi pour contraindre la Ville a entrer en 2017 sans budget municipal.
Entamer l'année sans budget, cela signifie qu'aucun engagement de personnel n'est possible. Qu'aucune augmentation de subvention, ni aucune subvention nouvelle ne sont possibles. Qu'on ne peut créer de nouvelles places de crèches, ni baisser les tarifs de l'accueil de la petite enfance. Et qu'on ne peut intégrer dans la fonction publique municipale les "emplois de solidarité" qu'on devait y intégrer. Que les dépenses sont mécaniquement calibrées aux dépenses de l'année précédente, sans aucun examen des besoins.

La droite avait, parait-il, des propositions. Et même des exigences (un excédent de recettes de 15 millions, par exemple -pourquoi 15 millions et pas 5 ou 20 ? mystère du fétichisme des chiffres -mais 15 millions, c'est un peu moins que ce que rapporte un centime d'impôt municipal). Et elle faisait mine d'exiger d'un Conseil administratif de gauche élu sur un programme de gauche d'appliquer cet ukase d'une droite qui n'est majoritaire qu'en se coagulant au MCG -le MCG lui-même n'arrivant à exister qu'en se coagulant à la droite traditionnelle.
Quant aux dizaines amendement déposés par la droite, outre qu'elle n'avait pas été capable de les proposer en commission des finances, là où doit se faire l'examen du budget et de ses amendements, et qu'elle avait commencé par proposer d'amender un projet qui n'était plus celui que le Conseil municipal devait examiner (ce sont les fonctionnaires du service financier qui ont dû refaire tout le travail qu'elle avait été incapable de faire correctement) les amendement qu'elle proposait, en les ayant chiffrés n'importe comment, étaient soit absurdes, soit illégaux, soit impossibles à concrétiser (comme la suppression de la prime de fidélité de la fonction publique, garantie par un statut qui n'est pas modifiable en débat budgétaire), soit inacceptables socialement (comme la réduction du financement de l'allocation de rentrée scolaire -que la droite veut en outre transformer en bons d'achat).

Bref, nous sommes sortis samedi à 16 heures d'une affligeante pantalonnade. Eût-elle été volontairement produite qu'on pourrait en saluer l'inventivité comique -mais elle ne relevait finalement que de l'inconsistance. Il nous revient donc, ne serait-ce que pour affirmer ouvertement, et cette fois volontairement, le caractère éminemment pataphysique de la transformation d'une fonction politique ( celle d'élu-e dans un parlement délibératif) en thérapie comportementale (et rémunérée) de proposer à notre tour un amendement au projet de budget municipal : l'octroi au "comité occulte" de la Genferei d'une subvention annuelle équivalant à un franc suisse, montant versé en assignats gagés sur les collections du Musée d’Art et d’Histoire et indexé à la valeur des subventions totales de la Ville et du Canton à la Fondation du Stade de Genève. Nul doute qu'un tel amendement triomphera aisément de la comparaison avec ceux bricolés samedi par la droite dilatée.
Il est vrai qu'à vaincre sans péril, on risque fort de triompher sans gloire.

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