Ouverture des commerces genevois : L'année des quatre dimanches


Le 27 novembre dernier, à Genève, l'initiative syndicale s'opposant à l'élargissement des possibilités d'ouverture dominicale des commerces, a été refusée par les citoyens et yennes. L'initiative n'était soutenue que par la gauche, en sus des syndicats. Elle n'en a pas moins obtenu plus de 47 % des suffrages, en étant acceptée en Ville et dans les villes de la ceinture. Et si elle a été refusée, c'est que lui était opposé un contre-projet (qui, lui, a été accepté) limitant les possibilités d'ouverture dominicale des commerces à trois dimanches par an jusqu'à 17 heures (plus le 31 décembre, jour férié dans une République qui commémore ce jour là, non la fin de l'année, mais la Restauration de son Ancien Régime, en oubliant au passage de quoi il était fait et comment il fut restauré). Le contre-projet et l'initiative étaient tous deux une réponse à une  décision du Conseil fédéral, prise par ordonnance (et donc impossible à contrecarrer par un référendum) d'autoriser l'ouverture des commerces tous les dimanches de l'année dans les zones touristiques se situant à moins de 15 kilomètres à vol d'oiseau d'une frontière nationale -ce qui englobe tout le territoire genevois. Mais l'ordonnance fédérale laissant aux cantons la capacité de légiférer de manière plus restrictive qu'elle, c'est ce que Genève a fait, en posant comme condition à l'autorisation d'ouverture dominicale (ou fériée) quatre fois par an, l'application (et l'élargissement à tout le secteur) d'une convention collective de travail. L'année des quatre dimanches, en échange d'une  meilleure protection des travailleurs : le PLR et l'UDC s'y sont vainement opposés alors que le patronat du secteur l'acceptait. Les "partis de l'économie" ne sont pas tels qu'ils voudraient qu'on les prenne...

"Tel qui bosse vendredi, dimanche consommera" (proverbe mercantile)

Ce n'était pas la première fois que l'on votait à Genève sur un "assouplissement" des restrictions à l'ouverture des magasins, mais c'est la première fois, à notre connaissance et notre mémoire, qu'un tel assouplissement est accepté par le citoyen consommateur et la citoyenne consommatrice. Mais si le consommateur et la consommatrice ont voté pour pouvoir consommer quatre jours de plus par année, le citoyen et la citoyenne ont voté pour que les travailleuses et les travailleurs des commerces n'en fassent pas les frais -et même, pour que leurs conditions de travail et de salaire (le travail dominical devrait être rémunéré ou compensé à double) soient mieux garanties, par une convention collective étendue à tout le secteur et ayant force obligatoire (aucun patron ne pourra s'y soustraire). Tout le monde est content ? Disons plutôt que personne n'est mécontent. Parce que personne n'est perdant. On avait ici soutenu à la fois l'initiative et le contre-projet. On avait soutenu l'initiative parce que l'élargissement de l'ouverture dominicale des commerces tel que permis par l'ordonnance fédérale est à la fois inutile, illusoire et néfaste. Inutile, parce qu'à Genève, on a déjà, dans toute la zone urbaine, largement de quoi satisfaire ses besoins, voire ses envies, de consommer le dimanche. Illusoire, parce qu'elle ne renforcera pas le commerce local (et surtout pas le petit commerce) face à la "concurrence française" : ce ne sont pas les heures d'ouverture qui sont la principale motivation des clients transfronaliers, mais les prix -et les prix ne vont pas baisser à Genève parce que les commerces seront plus souvent ouverts le dimanche. Et néfaste, parce qu'elle met à mal le dernier jour de "repos du consommateur", de distance d'avec le consumérisme, de retrouvaille avec des personnes (la famille, les amis...) et non plus des marchandises.
Et on avait aussi soutenu le contre-projet, parce que la condition impérative qu'une convention collective avec force obligatoire dans toute la branche soit conclue d'ici juillet prochain est une victoire syndicale, et que le secteur du commerce de détail est l'un de ceux où le dumping salarial est le plus fréquent, les droits syndicaux les moins bien respectés et les horaires les plus irréguliers. C'est de cette situation qu'on peut maintenant sortir. 57,3 des votantes et tants ont accepté de lier ouvertures dominicales et convention collective : "les patrons devront prendre en compte ce message s'ils veulent pouvoir faire des affaires le dimanche" a conclu le syndicaliste d'Unia Joël Varone.
"Prendre en compte" : le patronat du commerce de détail devrait savoir faire cela. Même si le PLR et l'UDC en doutaient, sachant sans doute, comme ironisait le patron des librairies Payot, "mieux que les commerçants ce qui est bon pour eux". A qui se fier, on se le demande...

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