Qui a peur du Grand Mélenchon Loup ?


Au secours, la gauche revient !

Dans les intentions de vote à la présidentielle française, la gauche pèse un petit tiers des suffrages, si on additionne ceux qui se porteraient sur Mélenchon, Hamon (qui fera probablement le meilleur score jamais réalisé par un-e candidat-e écologiste à une présidentielle...), Poutou et Arthaud, et qu'on fait l'impasse sur la part de suffrages de gauche qui se porteront sur Macron. Un tiers des suffrages, ce serait largement assez pour que la gauche se retrouve au deuxième tour, si elle était représentée au premier par un seul candidat. Comme on le sait, ce ne sera pas le cas -mais la montée, sinon en puissance, du moins en espérance, de Mélenchon ne rend plus l'hypothèse d'une candidature de gauche présente au deuxième tour totalement invraisemblable. Mais contre qui se retrouverait-il alors ? contre Le Pen ? contre Macron ? contre Fillon ? Toujours est-il que dans le temps même où le Grand Mélenchon Loup se goinfrait l'électorat du Petit Chaperon rose et où le vote pour Mélenchon devenait le "vote utile" pour la gauche, il devenait le vote dangereux pour la droite et ce qu'il est convenu d'appeler "le centre" -et que dans les assemblées de la Révolution, on appelait plus significativement "le marais".


"Le vrai socialiste, c'est Mélenchon"
(Jean Ziegler)


"Jean-Luc Mélenchon, nouvel épouvantail de la campagne", titrait "Le Monde de vendredi dernier. Un "épouvantail" qui, politiquement, se porte fort bien -plus les autres candidats l'attaquent, plus il est populaire. Que cette popularité se traduise en vote le jour du scrutin est sans doute une autre affaire, mais le tombereau d'amalgames imbéciles déversé sur le Chon dans les deux dernières semaines de la campagne, au fur et à mesure que l'hypothèse se crédibilisait de sa présence au deuxième tour, n'a nullement entravé sa campagne -au contraire : plus on le portraiture en avatar des monstres communistes hantant les années de guerre froide, plus il monte dans les sondages et attire de foule dans ses meetings. Ce n'est pas que "les gens" attendaient la résurrection de Georges Marchais, ou l'apparition du fils des amours coupables de la Veuve Mao et de Hugo Chavez, c'est plus simplement qu'ils ne croient pas un mot de ce qui est dit de lui ("Maximilien Illitch Mélenchon", éditorialise le "Figaro") et de son programme ("communiste" selon Fillon, du "marxisme pour bébés" selon l'historien Jean-Louis Margolin, qui détourne là ce que Georges Orwell disait du lénino-stalinisme). Pas plus que les électrices et les électeurs de François Mitterrand en 1981 ne croyaient un mot des annonces apocalyptiques de la droite : Mitterrand président avec le soutien (apparent) des communistes, c'était les chars russes sur les Champs-Elysées. Mélenchon président ? ce sera les chars vénézuéliens sur la Canebière. Et le remplacement de l'euro par le rouble. "Voter Mélenchon, c'est voter Chavez", a trouvé le moyen de proférer Hollande. Manque de mot : Méluche est vivant, lui...

Mélenchon est porteur d'un programme de rupture ? Sans doute. Mais la rupture était aussi au programme de Mitterrand et du PS en 1981 -quoi qu'ils en aient fait ensuite (et contrairement à ce qu'il est convenu de croire, il n'en ont pas rien fait, du moins pendant la première année du premier septennat mitterrandien). Mélenchon n'est certes pas un poussin de la dernière couvée libertaire : "il était sénateur socialiste quand j'étais encore au collège", ironisait Emmanuel Macron. Et avant d'être sénateur socialiste, il était militant trotskyste. Et il a aussi été secrétaire d'Etat et ministre, et membre du PS pendant trente ans. Et alors ? "Le vrai socialiste, c'est Mélenchon", résume Jean Ziegler, et le vote de gauche, aujourd'hui, se porte majoritairement sur lui, alors même qu'il ne prétend plus être porteur de l'unité de la gauche, mais de celle du peuple -au sens donné par le vieux populisme de gauche au mot "peuple" : tout le monde, sauf les dominants. Tout le monde, y compris les immigrants. Le peuple, pas l'ethnie, pas la tribu, pas la race. Le peuple de France, pas un "peuple français" réduit à une identité transmise avec les gènes depuis Clovis...

On ne chante plus l'"Internationale" mais "la Marseillaise" à la fin des meetings de Méluche, où les drapeaux tricolores ont remplacé les drapeaux rouges se gaussent quelques uns. Ouais, et alors ? Que chantaient les révolutionnaires russes de 1917 ? "l'Internationale" ? Non : "la Marseillaise"...

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