Réforme des retraites : et un référendum de plus, un !

Ce soir, l'Assemblée générale du PS genevois prendra position sur le "projet prévoyance 2020", la réforme des retraites votées par les Chambres. Lors de l'Assemblée des délégués du PS suisse, la délégation genevoise avait été la seule à voter en bloc contre le projet, position d'ailleurs également adoptée par le Comité directeur du parti. Il serait donc fort surprenant que les socialistes genevois désavouent à la fois leurs délégués au PSS et leur propre direction cantonale. Reste que cette position a du chemin à faire pour devenir celle du parti suisse, qui en décidera dans un référendum général de ses 30'000 membres avant la fin du mois. Et ce ne sera que le premier des trois référendums sur le PV2020, avant le référendum obligatoire provoqué par la hausse de la TVA liée au projet, et le référendum facultatif lancé par la gauche de la gauche politique et syndicale, et peut-être le PS genevois, contre l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes.

il va nous mettre au boulot, le système de retraites...


Ce qui est sorti du vote des Chambres fédérales sur la réforme du système de retraites, où les socialistes ont voté en bloc, quelques doutes que certaines et certains pouvaient avoir sur le contenu du projet, est un compromis, et ce compromis est fragile : l'UDC et le PLR, majoritaires à la Chambre basse, n'en voulaient pas, et n'ont été battus au vote final que parce qu'une partie de la droite (le PBD, les Verts libéraux, la Lega) les ont lâchés et que, précisément, la gauche a fait bloc, plus peut-être contre la droite que pour le projet. La réforme est cependant contestée à gauche, dans les partis et organisations politiques mais aussi, ou surtout, dans les syndicats, aux motifs qu'elle favorise le IIe Pilier au détriment de l'AVS, et qu'elle favorise donc un système, fondamentalement et forcément inégalitaire de retraite par capitalisation au détriment du système, égalitaire, de retraite par répartition, mais surtout qu'elle se rend coupable de s'en prendre particulièrement aux femmes, en mettant l'âge de leur droit à la retraite au niveau de celui des hommes, mais pas leurs salaires (et donc leurs retraites).
C'est sur ce compromis, soutenu pour des raisons relevant de l'analyse du rapport des forces politiques, que trois référendums vont nous permettre de nous prononcer : le référendum interne du PS, pour celles et ceux qui en sont membres (ou y adhéreront pour pouvoir voter...), le référendum obligatoire lié à l'augmentation de la TVA pour financer le projet PV2020, le référendum facultatif lancé par la gauche syndicale et politique contre le report de l'âge de la retraite des femmes. On le mesure déjà, à gauche le débat va être rude -de ceux qu'on aime cultiver régulièrement.
Disons en tout cas qu'il y a au moins un argument que pour notre part on ne sortira pas dans ce débat, parce qu'il dévalue le référendum : c'est celui qui fait des 70 francs d'augmentation mensuelle des rentes AVS (840 francs par an, la première augmentation réelle des rentes depuis des lustres, même si elle est rognée par la hausse de la TVA qui lui est liée dans le projet) une peccadille. 70 balles par mois, ça ne suffit pas évidemment pour contrebalancer le report de l'âge de la retraite des femmes. Mais comme des centaines de milliers de femmes n'ont pas de "deuxième pilier" et qu'elles ont des rentes AVS inférieures à celles de hommes, ce sont elles qui vont le plus bénéficier de ces 70 balles de plus par mois. Quand on doit vivre avec 2500 balles par mois, 70 balles de plus, ce n'est pas rien... "Dire que ce n'est rien du tout, c'est un luxe de riche. Il y a des gens qui comptent les francs", ponctue Alain Berset : 70 francs de plus par mois, c'est un loisir de plus, une ou deux sorties au cinéma, au théâtre ou au concert de plus par mois, un ou deux livres, un ou deux repas au restaurant... Ce n'est peut-être rien quand on est au maximum de la rente AVS et qu'on a un gros "2e Pilier" -mais pour des centaines de milliers de rentiers, et surtout de rentières, désolés camarades syndiqués de la classe moyenne, c'est quelque chose qui compte.
Une fois les trois référendums passés, et acquis leurs résultats, presque tout restera à faire, et d'abord à résister aux nouvelles offensives de la droite. Les Chambres ont retiré du projet les propositions de la droite PLR et UDC afin de réduire les risques de rejet par le peuple, mais une fois passé le vote du 24 septembre, ces propositions mises au frigo en ressortiront : genre retraite à 67 ans pour tout le monde, et cela quel que soit le résultat du vote populaire puisqu'une bonne partie de la droite va voter "non", et que c'est justement cette partie de la droite qui a déposé ces propositions... donc puisque de toute façon on aura affaire à la droite dans le dossier des retraites, le choix n'est plus un choix tactique, mais un choix de principe, pour ou contre un report de l'âge de la retraite des femmes. Est-ce que ça justifie un référendum supplémentaire ? ça justifie en tout cas une campagne spécifique... et un mot d'ordre socialiste (au moins genevois) négatif.
On votera "non" au projet, lors des trois référendums que nous avons au menu. Mais on votera "non " en sachant que, qu'il s'impose ou non dans les urnes, ce "non" ne résoudra rien (d'autant qu'il aura certainement la couleur d'un "non" majoritairement de droite), ni ne repoussera de beaucoup d'autres échéances. Car résister, c'est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut aussi avancer, proposer, projeter. Reprendre quelques dossiers abandonnés (souvenez-vous de l'initiative du Parti du Travail pour des "retraites populaires", lâchée par le PSS et les syndicats, en refusée en vote populaire en 1972), et en boucler quelques autres ouverts. Celui du basculement du "deuxième pilier" dans l'AVS, par exemple...
Joli paradoxe : il va nous donner du boulot, le système de retraites.

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