2018, année électorale genevoise : L'enjeu unitaire


Pour l'élection, l'année prochaine, du gouvernement cantonal, les partis politiques genevois semblent avoir adopté une "règle de trois" Les Verts présentent trois candidatures, les socialistes présentent trois candidatures, "Ensemble à Gauche" présente trois candidatures, le PLR présente trois candidatures (Pierre Maudet -à moins que Berne l'avale, Nathalie Fontanet, Alexandre de Senarclens). Ce qui nous fait déjà douze candidatures (dont neuf de gauche) pour les sept sièges du Conseil d'Etat. Et on attend la liste des candidates et candidats de l'UDC, du MCG et de la liste "pour Genève". Voire des Verts libéraux, s'ils existent encore dans notre écosystème politique. Pour autant, l'élection du gouvernement est-elle l'enjeu principal d'un scrutin qui désignera aussi le parlement ? Et quoi qu'il en soit, ces enjeux peuvent-ils être remporté par quelque camp que ce soit sans que ses composantes fassent preuve d'un minimum (on ne demande pas la lune, si on la montre du doigt) d'unité ?

"Cultiver l'amour du débat et le goût des autres"


L'objectif de la gauche genevoise est-il d'être majoritaire quelque part, au Conseil d'Etat ou au Grand Conseil ? Encore faudrait-il pour cela, et même pour progresser et être un peu moins minoritaire qu'elle l'est dans le parlement actuel (le plus à droite depuis 1941...), qu'elle soit unie, au moins dans la campagne et sur les enjeux essentiels, faute de pouvoir l'être sur une liste commune dès lors qu'il n'y a plus, pour l'élection du Conseil d'Etat, de listes de partis ou de coalition (la seule liste proposée est une liste qui contient toutes les candidates et tous les candidats de tous les partis, plus d'éventuelles candidatures indépendantes. En vrac, sans distinction). Il n'y aura donc pas de liste de l'Entente, de liste de l'Alternative, de liste de la "Nouvelle farce" UDC-MCG (si elle existe encore). Mais l'absence de listes communes n'empêche pas des campagnes communes -et au contraire, elle les rend d'autant plus nécessaire que le brouillage des distinctions politiques doit bien être compensé par une réapparition du clivage qui structure la vie politique : le clivage entre la gauche et la droite, n'en déplaise à ceux qui en proclament la mort depuis sa naissance. L'Entente PLR-PDC part d'ailleurs unie dans l'élection du Conseil d'Etat, avec six candidatures (soit un siège de plus que ce qu'elle détient actuellement).

Se donner pour objectif la conquête d'une majorité est légitime (et même indispensable : il serait étrange que l'on parte en campagne avec l'ambition de rester minoritaire). Mais la gauche (ni d'ailleurs la droite) ne peut être utilement majoritaire au Conseil d'Etat sans l'être au Grand Conseil. Et il n'y a pas de majorité solide au Grand Conseil qui ne reposerait pas sur une majorité dans le corps électoral. Le PS se donne donc pour objectif de concourir à ce qu'advienne une "majorité humaniste" au Grand Conseil -"l'humanisme" excédant assez largement "la gauche". Ces trois majorités (gouvernementale, parlementaire, populaire) reposent les unes sur les autres : sans majorité parlementaire, le gouvernement est impuissant. Et sans majorité populaire, le parlement est désavoué au gré des référendums. L'unité possible entre les socialistes, les Verts et Ensemble à Gauche est le moyen nécessaire, sinon suffisant, de cette ambition majoritaire (et même de cette volonté de progression), d'abord au sein du corps électoral : qu'elle se fasse et cette ambition est défendable, qu'elle ne se fasse pas et on ne peut plus espérer ne pas reculer plus encore.

On parle évidemment ici d'unité, pas d'uniformité. Et cela vaut pour les relations entre les organisations politiques comme entre les composantes de chacune d'entre elles Militants socialistes de toutes tendances, on se balade en ce moment avec un joli sac portant slogan : "Cultiver l'amour du débat et le goût des autres". Le "goût des autres" ? d'accord, mais ne généralisons pas outrancièrement, il y a tout de même des "autres" que nous ne goûtons guère. Quant à l'amour du débat, il convient en effet de le cultiver, à supposer que l'amour puisse se cultiver. Cultivons-donc le, y compris au sein de nos partis, y compris face à leurs magistrats.
Qu'il y ait, par exemple, contradiction entre les positions d'un parti et celles de ses élu-e-s dans des gouvernements tient de la conséquence logique du rôle de l'un et des autres, sauf à vouloir faire du parti un appendice du gouvernement, à la mode française, ou du gouvernement un appendice du parti, à la mode soviétique. Prenons, au hasard, l'exemple du PS genevois : il présente au Conseil d'Etat deux candidates et un candidat qui, sur des enjeux importants (la RIE III, la réforme des retraites) défendent ou ont défendu des positions contradictoires de celles du parti. Et alors ? Sur d'autres enjeux, municipaux (la privatisation totale de Naxoo, la rénovation du Musée d'Art et d'Histoire) la candidate Sandrine Salerno ou son camarade et néanmoins collègue Sami Kanaan ont réussi à convaincre une majorité de leur parti municipal de défendre la même position qu'elle et lui -est-ce que ça nous a empêché de défendre de notre côté, et en tant que socialistes, une position contraire, contradictoire par conséquent de celle du parti ? C'est aussi parce que c'est possible, et que ce type de contradictions se fait régulièrement jour dans un parti capable des les assumer qu'on peut y être et y rester. Et continuer d'y sévir.

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