L'"Affaire Pagani" à Picrochole : Les exploiteurs et les réparateurs (fable genevoise)


Il y a un dommage politique incontestable au feuilleton navrant qui nourrit les pages de la presse genevoise (et circonvoisine) depuis des jours, et qui rappelle furieusement, à ceux pour qui ces picrocholineries disent encore quelques choses, les "affaires" du 25 rue du Stand ou, sur le mode plus dérisoire, des amendes à Dédé. Quelles qu'en furent les causes, l'annulation d'un scrutin (sur le budget municipal) à quatre jours de sa clôture prévue, est ce dommage politique considérable, fait à l'exercice concret, réel, par les habitants de la Ville de leurs droits politiques. Au moment où ce scrutin a été annulé, plus de 25'000 personnes avaient déjà voté. Dans les trois jours qui ont suivi, plusieurs milliers de personnes ont encore voté. Le dimanche matin, nous étions quelques uns devant quelques bureaux de vote à faire signer une initiative, et nous avons vu arriver des gens, l'enveloppe de vote municipal à la main. Ce sont ces dizaines de milliers de personnes privées du droit de se prononcer sur l'objet d'un vote, qui sont les victimes de l'"affaire" -pas les conseillers municipaux (de droite ou de gauche). Et face à ce dommage politique, il y avait au Conseil Municipal, hier soir, ceux qui voulaient l'exploiter et ceux qui voulaient le réparer. Nous fûmes de ceux-là.

A quand une manifestation à Barcelone pour la défense du droit de vote des Genevois ?

Ainsi, au Conseil municipal de la Ville de Genève, hier soir, avons-nous pu jauger l'attitude de ceux qui veulent exploiter ce qu'ils ont, comme nous, qualifié de "cacade". L'exploiter pour régler des comptes, faire la peau (politique) d'un conseiller administratif, si possible en entraînant ses collègues (sauf peut-être l'un d'entre eux) dans sa chute. Mais ceux-là n'avaient pas les moyens de leurs envies, s'ils avaient le temps de les exprimer  : le Conseil municipal n'a aucune possibilité de sanctionner un conseiller administratif (ni d'ailleurs le Conseil administratif de sanctionner un conseiller municipal). Un Conseiller administratif ne peut être sanctionné que par le Conseil d'Etat, un tribunal, ou par lui-même. Les demandes de la droite coagulée de démettre le Maire de Genève de sa fonction, annuelle et essentiellement honorifique, de Maire, relèvent ainsi de la gesticulation. Elles ont certes abouti au vote par la droite (mais elle seule) d'une résolution, mais cette résolution est sans autre effet que celui de faire entendre un état d'âme, ou un mouvement d'humeur, de celles et ceux qui l'ont votée.

Et puis, il y a l'attitude, la nôtre, de ceux qui, ne s'offusquant nullement de la révélation de l'affaire, en dénoncent l'exploitation et veulent réparer le dommage commis à l'exercice des droits démocratiques. Or il n'y a qu'un seul moyen de réparer ce dommage : c'est d'organiser un nouveau vote. Car la démocratie, en l'occurrence, c'est de permettre aux habitants de la Ville de Genève de s'exprimer par un vote sur les coupes budgétaires combattues par référendum, et donc d'organiser un nouveau vote, puisque celui prévu a été annulé, alors même qu'il était déjà engagé. Tout le reste, c'est de la gesticulation, du règlement de compte -et d'un très vieux compte : la droite genevoise n'a jamais admis la présence au sein de l'exécutif municipal d'un magistrat (il y en eu même, un temps, deux) issu de la "gauche de la gauche", et lorsque le premier d'entre eux, Roger Dafflon, du Parti du Travail, fut élu en 1970, on était à droite à deux doigts d'en appeler à la mobilisation générale contre l'arrivée imminente des chars de l'Armée Rouge dans les rues basses.

Pour le reste, nos querelles d'egos, nos souffrances d'amour-propre, nos guéguerres de territoires, les habitantes et les habitants de la Ville n'en ont certainement pas grand chose à secouer. Le Maire de Genève, Rémy Pagani s'est excusé devant le Conseil Municipal de ce qu'il considère comme ses "erreurs" ou ses "maladresses", assuré qu'à "aucun moment" il n'a eu "l'intention de tricher ou d'induire le corps électoral en erreur". Cette réponse est insatisfaisante ? Tant pis, le Conseil Municipal n'en aura pas d'autre, et le Maire restera Maire jusqu'à fin mai 2018. Et Conseiller administratif jusqu'à fin mai 2020, assurant à ses partisans comme à ses adversaires : "vous pouvez compter sur moi pour continuer" à assumer "au mieux" sa "modeste charge de maire". Car une fois nommé Maire, après avoir été élu Conseiller administratif, il n'y a que lui qui puisse renoncer à être l'un ou l'autre, à moins que le Conseil d'Etat ne le révoque purement et simplement... ou que, se représentant à une élection populaire, il y soit battu. Et aucune criaillerie n'y changera rien : le Conseil d'Etat a décidé des préliminaires d'une possible enquête disciplinaire : il est seul à pouvoir la mener. Le Conseil d'Etat a aussi proposé à l'exécutif municipal genevois d'organiser une nouvelle votation en 2018 (il n'est légalement pas possible de le faire avant) sur le même objet que celle annulée (le budget 2017). Situation absurde ? Sans aucun doute. Assez absurde, en tout cas, pour qu'on évite d'y ajouter la transformation d'un Conseil municipal en tribunal.

Nous étions quelques conseillers municipaux sur la place de la Fusterie, entre deux séance de notre parlement, à manifester notre solidarité avec les Catalans, que le gouvernement espagnol tente par tous les moyens d'empêcher d'exercer leur droit de vote. A quand une manifestation à Barcelone pour la défense du droit de vote des Genevois ?

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