Apu RIE III, coucou PF17 !


Le Conseil fédéral découvre les villes

Le Département fédéral des Finances et le Conseil fédéral découvrent les villes : ils avaient promis que les cantons et les villes seraient "étroitement associés aux travaux" de conception de la nouvelle mouture de réforme fédérale de l'imposition des entreprises, après le refus de la précédente (l'illustre RIE III). Une RIE IIIbis ? Non : superstitieuses, les zautorités fédérales ont débaptisé l'objet maudit, et lui donnent désormais le nom de "Projet fiscal 17". Sur lequel les villes donc seront consultées (mieux vaut tard que jamais), sur la base des propositions du Conseil fédéral et des cantons, présentées en juin et soumises à consultation jusqu'au 6 décembre. Rien de tel qu'une baffe référendaire pour revenir aux réalités : comme le proclamait la Municipale des Finances lausannoise Florence Germond (et son homologue genevoise, socialiste comme elle, Sandrine Salerno exprimait la même conviction) : "On a l'habitude de dire qu'on ne peut pas gagner une votation sans les cantons. Il faudra désormais ajouter : sans l'appui des villes". Le 12 février, cet appui avait manqué à la RIE III -et pour de bonnes raisons : le projet de réforme fédérale vidait les caisses des villes. Pour amadouer les cantons et leur faire soutenir le RIE III, la droite avait porté de 17 % à 21,2 % la part de l'impôt fédéral direct qui leur reviendra. Manoeuvre réussie : les cantons, contrairement aux grandes villes, ne s'opposaient plus à la réforme. En oubliant que la baisse des ressources fiscales fédérales aura forcément des répercussions négatives sur ceux des engagements financiers de la Confédération dont les cantons bénéficient (dans le domaine de la formation, ou de l'assurance-maladie, par exemple).
Quand la droite genevoise s'apprête à couler sa propre barque...

Si le Conseil fédéral propose une nouvelle version de sa réforme, c'est qu'il a compris qu'une réforme, de quelque nom barbare qu'on la baptise, ne pourrait être acceptable par la gauche que si son coût pour les collectivités publiques était supportable pour les cantons et les villes (le PSS avait placé à 500 millions de francs le niveau des pertes supportables par l'ensemble des collectivités publiques dont les ressources seraient atteintes par la RIE III), que si elle supprimait effectivement les statuts spéciaux sans les remplacer par des déductions fiscales nouvelles pour ceux qui en bénéficiaient, que si la baisse de la fiscalité pour les entreprises "ordinaires" ne se traduisait pas par une réduction des prestations à la population en général, la population modeste en particulier, et que si, "à la vaudoise", la réforme comportait un volet social. Cela faisait -et fait toujours- beaucoup de conditions, que le nouveau projet est encore fort loin de remplir.

Nous voilà donc avec une RIE IIIbis rebaptisée PF17, avec toujours pour objectif de supprimer les statuts fiscaux privilégiés des grandes sociétés multinationales, et donc d'augmenter leurs taux d'imposition tout en baissant celui de toutes les autres entreprises. Le projet fait certes des concessions à la gauche : relèvement à 70 % de l'impôt sur les dividendes (avec à la clef des recettes supplémentaires pour les cantons), relèvement du taux minimal d'imposition des bénéfices (par le plafonnement plus bas de la somme des rabais possibles), renoncement à la déductibilité des "intérêts notionnels" (des intérêts fictifs), qui aurait coûté 220 millions à la Confédération et près de 300 millions aux cantons, petite augmentation (de 30 francs) des allocations familiales (mais dont ne bénéficieront pas les cantons, dont Genève et Vaud, qui versent déjà des allocations familiales plus élevées que celles qui seraient ainsi fixées), obligation de prendre en compte les villes et l'ensemble des communes... Des gestes en direction de la gauche ? sans doute. Mais de petits gestes, contraints, timides, insuffisants, qui ne satisfont pas le PS mais qui font déjà hurler le syndicat patronal des PME, l'USAM, puisque ce sont elles, les PME, qui devraient passer à la caisse pour payer la petite hausse des allocations familiales.

A Genève, le ministre des Finances, qui portait déjà, comme le Christ sa croix, le projet de réforme cantonale de l'imposition des entreprises, et le soutien au projet fédéral (refusé à Genève comme dans le reste de la Suisse) remet le couvert : il soutient le projet fédéral révisé (la PF 2017) et dégèle le projet de réforme cantonale. Membre du groupe de travail qui a accouché du nouveau projet fédéral, il en chante les louanges comme il chantait celles du projet précédent -mais avec un bémol à la clef : au lieu d'une rétrocession aux cantons de 21,2 % des revenus de l'impôt fédéral direct, réclamée par les cantons, le Conseil fédéral n'en propose une que de 20,5 %. Facture pour Genève : 15 à 20 millions de pertes fiscales supplémentaires, en plus des 350 à 400 millions que le reste de la réforme ferait perdre au canton. La Confédération, elle, prévoit de perdre 915 millions de recettes fiscales, mais elle ne chiffre pas la perte totale de l'ensemble des cantons. C'est plus prudent, en effet, surtout pour Genève, car à la perte fiscale de 400 millions que subirait le canton du fait de la PF2017 pourrait bien s'en ajouter d'autres : la droite a en effet soutenu en commission deux projets du député MCG Zacharias, l'un renforçant, au prix d'une perte fiscale de 88 millions de francs par an, le "bouclier fiscal" protégeant les hauts revenus et les grosses fortunes, et l'autre accroissant les possibilités de déduction de la fortune imposable -et là, la perte fiscale n'est même pas évaluable. En "chargeant la barque" de la réforme fédérale et de sa petite soeur cantonale d'une perte fiscale supplémentaire pour le canton, la droite prend évidemment le risque (pour elle) de la couler, la barque.
Après tout, c'est son affaire, puisque c'est sa barque -mais il ne faudra pas qu'elle s'indigne si la gauche refuse d'y monter et d'y ramer.

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