Assurance-maladie : floraison d'initiative


Soignons, Signons !

Sur le front de la lutte pour une véritable sécurité sociale, et donc une réforme du système d'assurance-maladie, les initiatives désormais s'additionnent, à Genève. La gauche genevoise vient de lancer la sienne, "pour des primes d'assurance-maladie plafonnées à 10 % du revenu du ménage", qui exige que le canton adapte les subsides d'assurance-maladie afin de ramener la charge de la prime au maximum à 10% du revenu. Pour les initiants, cette mesure bénéficiera avant tout aux personnes (retraité-e-s seul-e-s ou en couple) et aux familles (couples sans enfants, familles de la "classe moyenne") qui ne sont pas ou peu aidées par le système actuel des subsides à l'assurance-maladie, versés principalement aux personnes et aux familles les plus modestes.
On signe ici :
http://www.ps-ge.ch/in-10pourcent/
Même le nouveau parti du fondateur du MCG, Eric Stauffer, s'y est mis (le thème, il est vrai, est porteur, en proportion du poids des primes versées aux caisses) : il annonce le lancement d'une initiative pour une caisse cantonale publique... et sans primes, mais financées par l'impôt.
Enfin, le Parti du Travail a déposé à la mi-juillet 14'400 signatures au bas de son initiative populaire cantonale pour une "caisse d'assurance maladie et accidents genevoise à but social". Le projet de l'initiative est celui d'une caisse garantissant à toute personne domiciliée dans le canton une complète couverture des soins.


On paie aujourd'hui des primes trois fois plus élevées qu'il y a vingt ans -est-on trois fois mieux payé et mieux soigné ?

"Notre politique de santé n'est pas si mauvaise", assure le Conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia. Pour autant, "la santé n'est pas un marché comme un autre" et si la politique de santé n'est pas "mauvaise", le cadre dans lequel elle est menée a besoin de sérieuses réformes, en particulier s'agissant de l'assurance-maladie. D'ailleurs, Mauro Poggia, MCG, et son collègue vaudois Pierre-Yves Maillard, PS, sont tous deux partisans d'une caisse maladie unique, et qui parrainent ensemble une initiative populaire fédérale à venir "pour une liberté d'organisation des cantons", afin de leur permettre de créer des caisses de compensation cantonales fixant une prime par franchise pour tous les assurés.

Le système actuel des caisses privées et concurrentes est une véritable jungle : on y propose aux assurés, entre toutes les caisses et tous les assurés, plus de 300'000 primes différentes. Payées par les assurés, mais aussi, en tout ou partie, par l'Etat (à la place de ceux qui ne peuvent s'en acquitter), elles ne cessent d'augmenter (et d'augmenter plus vite que les salaires et les revenus), du fait notamment d'une véritable explosion des coûts de la prise en charge par les caisses maladie des prestations ambulatoire, mais aussi des coûts de fonctionnement d'un système qui génère chaque année 350 millions de frais de courtage, de marketing et de changements de caisse, sans le moindre lien avec les coûts réels de la santé, et dans lequel interviennent une multitude d'acteurs aux intérêts contradictoires : la Confédération, les cantons, les prestataires de soins, les distributeurs de médicaments...  Résultat : alors que les Suisses consultent moins souvent un médecin que les Allemands, les Français ou les Italiens, que la densité de médecins ou de lits hospitaliers, ni la durée des séjours hospitaliers, ne sont plus élevées en Suisse que dans les pays voisins, les dépenses augmentent plus vite chez nous qu'ailleurs. Faute à qui, ou à quoi ? A un recours trop fréquent aux spécialistes, et pas assez aux généralistes ? à la médecine privée plutôt qu'à la publique ? aux tarifs médicaux, aux prix des médicaments ? Ou à cette contradiction entre les règles qui devraient être celles d'un "marché" et le fonctionnement de celui de la santé, pour autant qu'on admette qu'il s'agisse d'un marché (alors que c'est un droit, et qu'un droit n'est pas une marchandise), que dans le domaine de la santé, "c'est bien souvent le prestataire qui définit les besoins du "client" (c'est toujours Mauro Poggia qui fait ce constat. En conséquence de quoi, si on laisse faire les "lois du marché", non seulement les coûts de la santé explosent (ils ont doublé en vingt ans, et atteignent aujourd'hui 77 milliards de francs, quarante fois plus qu'il y a cinquante ans, et 12,5 % du produit intérieur brut de la Suisse), mais une partie importante de la population est, pour des raisons purement économiques, exclues de ce à quoi l'autre partie a accès : ainsi, selon l'enquête suisse sur la santé 2012, le recours aux consultations de médecins ou d’autres professionnels de la santé ainsi qu’au dépistage du cancer varie selon la position sociale, mesurée par le niveau de formation ou de revenu. Les personnes avec un bas revenu ou avec une formation correspondant à la scolarité obligatoire consultent moins souvent un médecin spécialiste ou un dentiste, en comparaison avec les personnes avec une formation supérieure ou un revenu élevé. Elles recourent également moins fréquemment au dépistage du cancer du col de l’utérus ou du mélanome de la peau
Là, ce n'est pas la "politique de la santé" qui est en cause, mais l'accès même aux prestations que cette politique est supposée garantir : le système "a perdu sa légitimité démocratique et les cantons doivent reprendre la main", conclut Poggia. A quoi tendent, précisément, les initiatives populaires lancées ces derniers temps. Signez-les : il y a urgence -non pas médicale, mais sociale : on paie aujourd'hui (quand on l peut) des primes trois fois plus élevées qu'il y a vingt ans -est-on trois fois mieux soigné ? Un couple avec deux enfants paie aujourd'hui chaque année 13'000 de plus de cotisations qu'il y a vingt ans -son revenu a-t-il augmenté de 13'000 francs ?

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