"Le Plaza ne doit pas être démoli et doit rester un cinéma" : D'une pétition à une initiative


On a failli oublier de vous le dire : le Conseil Municipal de la Ville de Genève a accepté samedi matin la pétition "LE PLAZA NE DOIT PAS ETRE DEMOLI ET DOIT RESTER UN CINEMA", lancée en avril 2015 et signée par 1700 personnes, qui demandent à l'exécutif de la Ville de tout faire pour empêcher la démolition du cinéma. Et donc, le Conseil municipal a décidé sans même en débattre (elle lui paraissait sans doute d'une telle évidence qu'un débat eût été superfétatoire) de la soutenir... Comme s'il ne s'agissait plus que d'une formalité... Le Plaza n'est pourtant pas encore sauvé -il s'en faut même de beaucoup, et la pétition tombait un peu comme la grêle après les vendanges, en demandant une intervention que la Ville ne peut plus faire (l'opposition à l'autorisation de démolition et à l'autorisation de construire), et en demandant d'entreprendre des démarches que l'aboutissement  de l'initiative populaire qui propose l'expropriation par l'Etat, pour la Ville, de la société propriétaire de l'immeuble semblait rendre inutiles. Pourtant, le soutien du Conseil municipal à la pétition a une utilité : celle d'exprimer l'avis du parlement de la Ville, celle de prendre une position d'opposition à la démolition de la plus belle salle de cinéma de Genève, celle de donner un signal de disponibilité à la réanimer, à en refaire un cinéma, cette position, publique, pesant tout de même dans le débat que la pétition voulait ouvrir, qui s'est ouvert sans elle, et qui va s'élargir autour de l'initiative populaire. En somme, le renvoi de la pétition au Conseil Administratif de la Ville la transforme en une résolution, disant simplement, et demandant simplement au Conseil administratif de dire ce que plus de 11'300 personnes ont dit en ayant signé l'initiative populaire cantonale, après la pétition municipale : "Le Plaza ne doit pas être démoli", la Ville doit prendre sa part de sa sauvegarde et de sa renaissance.

Une attente ni illusoire, ni excessive : sauver le Plaza en le reprenant

Il y a sans doute au refus de la démolition du Plaza que le Conseil municipal de la Ville a exprimé samedi trois raisons : une raison patrimoniale, une raison culturelle, une raison politique.
La raison patrimoniale, c'est la beauté de la salle, même dépouillée de tout ses aménagements mobiles.
La raison culturelle, c'est le maintien d'une grande salle de cinéma en Ville de Genève sur la rive-droite (il n'y a plus sur la rive-droite, en Ville, qu'une seule salle de cinéma, le Nord-Sud, si on compte pour autre chose qu'une salle de cinéma celle du Splendid), et la possibilité d'en faire le coeur d'un "quartier du cinéma", ce qui n'empêcherait d'ailleurs nullement l'aménagement de logements étudiants (puisque le propriétaire de la salle a trouvé judicieux d'en proposer pour justifier son irrépressible envie de détruire la salle), mais permettrait de les louer à des loyers supportables par d'autres que des enfants d'émirs du Golfe ou d'oligarques russes.
La raison politique, enfin, c'est le refus de faire du critère de rentabilité le motif d'un déclassement patrimonial (c'est ce qui a été fait avec la salle du Plaza, qui était classée comme tout l'ensemble dont elle fait partie, et qui en a été déclassée parce que son propriétaire n'arrivait pas à la rentabiliser selon ses souhaits). Si on accepte ce type de raisonnement, il n'y a plus aucune démarche de préservation patrimoniale qui puisse tenir.

Ce qu'on peut attendre désormais de la Municipalité à qui la pétition a été renvoyée, ce n'est pas tant qu'elle soutienne explicitement l'initiative populaire qui a abouti et l'expropriation qu'elle propose, c'est qu'elle fasse réentendre la voix de la ville, qu'elle réaffirme que les plans d'utilisation des sols ne sont pas solubles dans la recherche de la rentabilité, et qu'elle se tienne disponible pour élaborer un projet commun avec le canton et des privés.
Sauver le Plaza en le reprenant, cette attente, après tout, n'est ni illusoire, ni excessive : le Plaza est au coeur de la Ville, dans un quartier sans lieu culturel central, et qui, alors qu'il aurait tout pour être l'un des plus animés de Genève (à deux pas de la gare principale et à un pas du lac, proche d'une zone piétonne, idéalement desservi par les transports publics) tend à ne plus être qu'une sorte de zone intermédiaire, sans attrait et sans vie. Y faire renaître une salle de cinéma comme le Plaza, avec tout ce qu'elle peut susciter d'activités culturelles et commerciales autour d'elle, s'inscrit parfaitement dans la politique d'aménagement que la Ville entend promouvoir. Encore faut-il en avoir la volonté : plus de 11'000 personnes, en tout cas, l'attendent, du canton et de la commune.

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