L'Assurance-maladie la plus chère d'Europe ? c'est en Suisse...


Primes plombées et plombantes

Les primes de l’assurance-maladie de base vont augmenter en moyenne de 4 % en 2018. Elles avaient déjà augmenté de 4,8% en 2017. En vingt ans, elles auront augmenté de 150 %. Selon l’indice des primes d’assurance-maladie (IPAM) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui reflète l’évolution des primes d’assurance-maladie obligatoire et des primes d’assurance-maladie complémentaire et qui permet de chiffrer les répercussions de l’évolution des primes sur la croissance du revenu disponible, la hausse des primes enregistrée en 2017 a ralenti la croissance du revenu disponible moyen de 0,3 point. Si les primes étaient restées stables, les ménages auraient disposé de moyens supplémentaires pour des dépenses de consommation ou pour de l’épargne. Autrement dit : non seulement le système actuel d'assurance-maladie plombe les revenus des habitants de ce pays, mais il plombe aussi l'économie nationale, en réduisant la consommation et l'épargne, et donc l'investissement. Et ça ne va pas s'arranger en 2018...


Parer au plus pressé, et aux défauts les plus criants du système

Le calcul des primes d'assurance-maladie ne se base pas, on le sait, sur les revenus réels des assurés. Il ne se base même pas sur les coûts réels de la santé mais sur des prévisions de risques potentiels à venir, et les assureurs qui pratiquent des primes basses voient affluer des assurés en provenance des assureurs qui augmentent leurs primes, avec pour résultat que les premiers doivent gonfler leurs réserves pour couvrir les dépenses liées à leurs nouveaux assurés... ce qui les conduit à augmenter eux-mêmes leurs primes l'année suivante. Cercle vicieux. En Suisse, les assurés paient en moyenne 65 % des coûts de leur santé (part des ménages dans le financement des coûts de la santé). C'est plus du double de la moyenne européenne, et six fois plus qu'en Scandinavie, alors que les Suisses consultent moins leurs médecins que les autres européens. Et le système suisse offre à la fois les primes les plus lourdes pour les bas revenus et les primes les plus légères pour les plus riches. Et il en sera ainsi tant qu'on n'aura pas instauré une assurance-maladie qui ressemble à un système de sécurité sociale : avec des primes proportionnelles au revenu.

Et attendant, on va essayer de parer au plus pressé, et aux défauts les plus criants du système : Sitôt annoncée la nouvelle hausse des primes d'assurance-maladie, une initiative populaire fédérale était annoncée, lancée sous la houlette des conseillers d'Etat vaudois Pierre-Yves Maillard et genevois Mauro Poggia, de deux partis politiques opposés (le PS et le MCG) mais tous deux partisans d'une caisse maladie unique. L'initiative est soutenue par une assez large palette de politiciens et politiciennes, de médecins, d'associations et de personnalités diverses (dont un ancien assureur. L'initiative demande de laisser aux cantons la liberté de se doter (ou non) d'une caisse publique capable de contrôler les assureurs et les primes, sur le modèle des caisses de compensation existantes (chômage, AVS). La caisse proposerait une prime identique à tous les assurés participant du même modèle d'assurance et ayant choisi la même franchise, au lieu des 847 contrats différents proposés en 2016, avec des primes allant de 370 à 701 francs par mois pour une franchise de 300 francs (au total, le système des caisses privées propose aux assurés, entre toutes les caisses, toutes les franchises et tous les assurés, plus de 300'000 primes différentes, qui augmentent chaque année). La caisse encaisserait les primes, les assureurs effectueraient toujours les tâches qui sont les leur (paiement ou remboursement des factures, contrôle...). Les réserves seraient mutualisées au sein de la caisse de compensation, ce qui réduira les coûts (le système actuel génère chaque année en Suisse 350 millions de frais de courtage, de marketing et de changements de caisse..) en même temps que les réserves : actuellement, chaque caisse doit disposer de réserves suffisantes pour couvrir 20 % de ses dépenses annuelles, mais lorsqu'un assuré change de caisse, sa contribution à la constitution des réserves de sa caisse de départ ne le suit pas dans sa caisse d'arrivée.

4,8% d'augmentation des primes de l’assurance-maladie de base en 2017, 4 % en 2018, 150 % en vingt ans... le Centre social protestant rappelle que la plus grosse partie des dettes de la "classe moyenne inférieure" est constituée d'arriérés de primes... et le seul canton de Genève va verser 315 millions de subsides en 2018 pour permettre d'abaisser les primes à un niveau supportable, sans même y parveniur pour des milliers d'assurés, dont l'Etat devra prendre en charge la totalité des primes. L'assurance-maladie suisse est la plus chère d'Europe : quelqu'un doit bien y trouver un avantage. Et ce n'est certainement pas l'assuré de base.

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