Le PS français prépare son congrès. Comme si de rien n'était


Le PS français s'est pris, l'année, une succession de baffes dont on aurait pu espérer qu'elle le réveille : le renoncement du président issu de ses rangs à se présenter, tant il était impopulaire, puis une lourde défaite à l'élection présidentielle, puis une lourde défaite aux législatives. Le parti ne tient plus debout que grâce à son ancrage local, il a vendu son siège pour payer ses factures, il ne représente pour personne une alternative ni à Macron, ni à Mélenchon, il n'a plus de base cohérente, et pas de projet mobilisateur.Pourtant, comme si de rien n'était, les socialistes français préparent leur congrès, début avril prochain, et se préparent à choisir, entre quatre candidats (un ex-vallsiste repenti de son vallsisme, un ancien ministre de l'agriculture de François Hollande, le président du petit groupe socialiste à l'Assemblée nationale et un sénateur) leur nouveau Premier secrétaire. Comme si c'était de cela dont ils avaient besoin.

"Il faut vraisemblablement muter". Vraisemblablement, en effet...

Le Parti socialiste français date de 1905. Il est de 17 ans plus jeune que le Parti socialiste suisse, né en 1888. Sous sa forme défaite l'année dernière, il date de 1971, du congrès d'Epinay qui a permis à François Mitterrand d'en prendre la tête et d'en faire son instrument politique. "Il faut vraisemblablement muter", admet son dernier Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. Vraisemblablement, en effet... Mais muter vers quoi, pour en faire quoi ? Un groupe de "rénovateurs" (mais pas "frondeurs"...), en juin 2017, entre la lourde défaite du parti à l'élection présidentielle et sa presque aussi lourde défaite aux législatives, avait produit un texte intitulé "réinventer la gauche" : Najat Vallaud-Belkacem (qui a renoncé à se porter candidate au mandat de Première Secrétaire du parti), Matthias Fekl, Olivier Faure (qui, lui, est candidat au poste auquel Najat Vallaud-Belkacem a renoncé) et d'autres, proposaient de laisser tomber le "projet social-démocrate porté par le Parti socialiste depuis vingt ans" pour adopter celui d'une "social-écologie réformiste qui transforme la société en profondeur" en conciliant "la gauche créative et la gauche responsable", l'"utopie et le pragmatisme" -bref, les deux éthiques politiques contradictoires (mais sans doute complémentaires) identifiées par Max Weber, l'éthique de vérité et l'éthique de responsabilité, sur cinq chantiers prioritaires : la justice sociale et "l'égalité réelle", la transition écologique de l'économie, le rôle des territoires, la démocratie et l'Europe. Vaste programme, ambitieusement réformiste, mais que prônaient aussi des socialistes passés à la trappe des défaites successives du PS (et de leurs propres reniements), à commencer par François Hollande (qui en 2008 avait fait adopter une déclaration posant le PS comme porteur d'un "projet de transformation sociale radicale") et à continuer par Stéphane Le Foll, qui posait le réformisme comme une "mise en mouvement de la société toute entière". Pour d'autres, comme Emmanuel Maurel, à la gauche du parti, la social-démocratie "meurt de ne rien oser". De ne rien oser, ou de ne pas oser ce qu'elle même proclame comme étant son ambition ?

"Notre histoire n'est pas une marche vers le paradis, nous ne la considérons pas comme une "lutte finale", elle n'aboutit pas à une "fin de l'histoire". C'est une confrontation permanente, têtue, avec les mécanismes d'exclusion, de pauvreté, de privation de droits, de discriminations, de violence faites aux êtres humains, de destruction de l'environnement social et naturel", écrit Ruth Dreifuss en introduction au solide ouvrage édité pour les 125 ans du Parti socialiste suisse ("Une pensée unie -mais pas unique", redbooks, 2013). Ce qui ne gomme pas les divergences, mais les met en tension comme il convient à des contradictions pour qu'elles accouchent d'une synthèse. Mais pas d'une synthèse comme en accouchaient les congrès du PS français après celui d'Epiney : ces "synthèses" là n'étaient que des accords entre courant eux-mêmes réduits à des "écuries" présidentielles ou ministérielles.
Il serait amusant que le Parti socialiste suisse puisse enseigner quelque chose d'utile à son grand voisin français : quelque chose qui pourrait se dire par les mêmes mots (traduits en français) que ceux de Peter Vollmer, en 1982 lors d'un grand et très vigoureux débat sur le programme du parti, entre une majorité (dont Vollmer était) qui voulait le faire évoluer sans rupture, et une minorité (dont nous étions -et sommes toujours) qui voulait une rupture pour le changer. Vollmer écrivait : "Il s'avère clairement que la crédibilité du parti socialiste ne dépend pas uniquement de la connaissance des rapports sociaux.; en tant que parti politique, il ne saurait être crédible que s'il est en mesure de traduire ses conceptions dans la pratique politique". Ce que souvent le PS suisse peine à réussir, ce qu'on ne se prive pas de lui reprocher, mais que le PS français, aujourd'hui, est totalement incapable de même envisager...

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