Elections cantonales genevoises : ouverture des festivités


Fragments d'un champ politique


Passé les votations du 4 mars, il ne restera guère qu'un mois et demi aux partis politiques genevois pour remobiliser un électorat que happe pour encore un mois le débat sur "No Billag" (et les enjeux municipaux genevois) : Les Genevois et voises n'auront pas beaucoup de temps pour souffler : le 15 avril, ils éliront leur parlement cantonal, et procéderont au premier tour de l'élection de leur gouvernement. Les partis se sont mis en ordre ou en désordre de bataille et ont désigné leurs candidates et candidats au Conseil d'Etat (31 candidates et candidats pour 7 sièges) et au Grand Conseil (397 candidats et 224 candidates pour 100 sièges 145 candidatures de plus qu'il y a cinq ans). Record, aussi, de listes elles sont treize, dont six à gauche : les trois listes de l'Alternative (PS, Verts, Ensemble à Gauche), la liste "pour Genève" des radicaux de gauche et de La Gauche, une "Liste Femmes" et une liste anticapitaliste "Egalité et Equité". A la droite de la droite, la concurrence sera rude entre l'UDC, le MCG et le nouveau parti d'Eric Stauffer, "Genève en Marche" (qui compte bien marcher sur son ancien parti, le MCG), et les Verts libéraux et le PBD vont grignoter l'électorat de l'Entente PDC-PLR... Un champ politique fragmenté que vont labourer ces onze listes, dont seules quatre sont à l'abri du couperet d'un quorum maintenu au niveau excessivement haut de 7 % des suffrages... mais les apparentements vont manifester la persistance de trois blocs politiques : la gauche, avec les trois listes de l'Alternative (mais sans les trois autres listes), la droite, avec l'Entente PLR-PDC, les Verts libéraux et le PBD, et la droite de la droite qui n'aime pas qu'on la qualifie d'extrême-droite, avec l'UDC et le MCG (mais sans "Genève en Marche").

Il y a six listes de gauche ? c'est un fait, pas une faute.



Dans un peu plus de deux mois, un nouveau parlement genevois aura été élu, et un nouveau gouvernement un mois plus tard. Or il est parfaitement illusoire de prédire quoi que ce soit du résultat de ce scrutin. D'abord parce que le taux d'abstention, qui dépasse généralement les 50 % lors des élections cantonales, rend toute prévision fort incertaine, ensuite parce qu'aucune force, ni gouvernementale ni d'opposition ne paraît promise à une progression significative, enfin parce que les camps en présence sont encore plus fragmentés que d'habitude (et l'habitude, à Genève, se lit façon puzzle). Au moins deux forces représentées au parlement vont s'engager fragilisées dans la campagne : à senestre, La coalition Ensemble à Gauche, réduite à trois composantes (solidaritéS, le Parti du Travail et le DAL) après la rupture avec La Gauche et une partie du DAL et la création du Parti radical de gauche (le PRG et la Gauche formant la "liste pour Genève"), et à dextre (de la dextre) le MCG, confronté à la concurrence de son propre fondateur, Eric Stauffer, et de ses fidèles, qui ont créé "Genève en Marche" (en assurant ne s'être nullement inspirés de Macron). On notera en outre à gauche la présence d'une liste anticapitaliste et celle d'une liste Femmes, pour que "davantage de femmes siègent au Grand Conseil" -objectif qui ne pourrait être atteint par le moyen d'une liste Femmes que si cette liste passait l'obstacle du (haut) quorum de 7 % des suffrages exprimés -sans quoi, elle n'aurait pour effet que de fragiliser les listes et les organisations politiques les plus soucieuses de concrétiser le principe d'égalité entre femmes et hommes, face à celles qui s'en contrefoutent ou l'exècrent (on voit mal en effet une liste Femmes récolter beaucoup de suffrages à droite et à l'extrême-droite...).
Cela étant, aucune des listes "traditionnelles" de gauche (le PS, les Verts, Ensemble à Gauche) ne se trouve en droit de reprocher à toute liste nouvelle de lui nuire en existant : d'abord parce que présenter une liste aux élections est un droit politiques qui n'a pas à être calibré aux chances d'obtenir des sièges, ensuite parce que ni le PS, ni les Verts, ni la "gauche de la gauche" ne sont entrés au parlement sans s'être auparavant eux aussi heurtés au système électoral et être restés sur le pas de la porte avant que de pouvoir, une ou plusieurs élections plus tard, le franchir : le reproche qu'on entend adresser dans nos rangs à la liste "pour Genève", à la "Liste Femmes" et à la liste "Egalité et Equité" d'affaiblir la gauche, les radicaux de la fin du XIXe l'adressaient déjà aux socialistes, puis les socialistes aux communistes, puis le Parti du Travail à la Ligue Marxiste Révolutionnaire, puis les socialistes aux Verts. Après tout, chaque organisation concurrence et affaiblit (arithmétiquement) l'organisation qui est politiquement la plus proche d'elle... va-t-on en déduire qu'il faut une organisation unique de toute la gauche ?
L'électorat de gauche n'est la propriété d'aucune organisation de gauche : il y a six listes de gauche dont seules deux (celles du PS et des Verts) n'ont guère à craindre la guillotine du quorum ? c'est un fait, pas une faute. Ou alors, c'est la faute des "grandes listes" de n'avoir pas su occuper le terrain, pas celle des "petites listes" de prétendre y mettre le pied et d'y pousser son araire, comme naguère le tentèrent les socialistes, les Verts et les « gauchistes »...

Commentaires

Articles les plus consultés