Le PAV en votation populaire le 10 juin : Un bon gros "oui" s'impose


Le 10 juin, à Genève, en votation cantonale, on se prononcera sur une loi modifiant les limites de zone du quartier "Praille-Acacias-Vernets" (le fameux PAV), 130 hectares à cheval sur trois communes (Genève, Carouge, Lancy). Plus fondamentalement, il s'agit, en modifiant une loi de 2011, de savoir si on accepte ou non de doubler la part de nouveaux logements par rapport à celle de nouveaux emplois (1900 logements supplémentaires sont prévus, pour arriver à un total de 12'400 logements) et si on ouvre ou non la possibilité de réaliser des logements en propriété par étages, tout en maintenant la part de logements d'utilité publique et en augmentant le nombre de HBM (les logements sociaux aux loyers les plus bas). Toute la gauche (PS, Verts, Ensemble à Gauche, Egalité & Equité, PC, PRG, syndicats), plus le MCG, accepte le projet, toute la droite (PLR, PDC, UDC, Chambre de commerce, Syndicats patronaux, PBD, Verts libéraux -et même "AgriGenève, dont on se demande ce qu'elle vient foutre là-dedans) le refuse (quoique des personnalités de droite le soutiennent, comme Mark Muller, Claude Haegi, Pierre-François Unger, Michel Balestra), en proclamant que "62 % de logements sociaux, c'est trop" (alors que c'est 5 % de moins que dans la loi actuelle), qu'il n'y a "pas assez de PPE" et que celles qui sont possibles ne sont pas de "vraies PPE" (alors qu'il n'y en a pas du tout dans la loi actuelle)...

"62 % de logements sociaux, c'est trop" pour qui ?

En juin 2016, un accord était signé entre le canton, la Ville de Genève, les villes de Carouge et de Lancy, l'ASLOCA et le comité référendaire contre le "mirage" du PAV. De cet accord, qui modifie celui passé en 2010, et qui résout un conflit né en 2014 de la volonté du Conseil d'Etat de réduire le nombre de logements sociaux prévus dans le PAV, est né le projet de loi soumis au vote dans trois semaines après avoir été adopté par le Grand Conseil à une voix de majorité, gauche et MCG contre droite. C'est d'ailleurs le Grand Conseil qui a décidé de le soumettre au vote populaire sans attendre qu'un référendum soit lancé.

80 % des terrains concernés par le projet du PAV sont en zone de développement et en mains publiques. La loi soumise au peuple prévoit d'y réaliser 88 % de logements locatifs et 12 % de logement en propriété par étage, sur des terrains remis par l'Etat (qui en restera propriétaire) en droit de superficie. 62 % des logements créés doivent être des logement "sociaux" : une proportion "insensée" pour la Chambre immobilière, qui décolère d'autant moins que le nombre de HBM, catégorie destinée à la population la moins fortunée, serait accru.

"Le PAV ne doit pas être l'otage de conflits partisans", explique le comité de soutien au projet de loi modifiant l'accord de 2010. Mais tous les partis de droite combattent ce projet, et tous les partis de gauche le soutiennent. On est donc bien dans un enjeu politique, "partisan", malgré le soutien apporté au projet par des hommes de droite, qui regrettent, comme Claude Haegi, que la Chambre genevoise immobilière ait eu "une influence démesurée sur les députés de droite au risque de tout bloquer" -ou en tout cas, de tout retarder (de deux ans, selon Mark Muller).

Que reproche la droite politique et immobilière au projet de loi ? Une proportion trop élevée de logements sociaux (elle a pourtant été réduite) et pas de logement en pleine propriété (la propriété par étage a pourtant été rendue possible -mais en "droit de superficie", l'Etat restant propriétaire du terrain, contrôlant le prix d'une éventuelle revente, soumise à son autorisation : une "propriété sans but lucratif", s'étrangle la Chambre genevoise immobilière, pour qui on est en pleine hérésie). En somme, la droite reproche au projet de mieux correspondre aux besoins de la population en mal de logement, ou en mal de logement correspondant à ses moyens, qu'aux envies de ceux qui ont déjà les moyens de se payer leur logement. Le nombre et la proportion de logements sociaux ? "déraisonnable", "insensé"... Et le nombre de Genevois et de Genevois contraints de chercher un logement en France voisine faute de pouvoir en trouver un à Genève qu'ils puissent payer, il n'est pas "insensé", "déraisonnable" ? Non, il est normal, mécanique, fatal...

"62 % de logements sociaux, c'est trop", clament, en écho à la Chambre genevoise immobilière, les opposants (le PLR, le PDC, l'UDC, les Verts libéraux, le PBD) à la loi modifiant l'accord sur le projet d'aménagement du périmètre Praille-Acacias-Vernets (PAV). 62 % de logements sociaux, c'est trop pour qui ? Certainement pas pour celles et ceux qui ont besoin d'un logement social et ne l'obtienne pas parce qu'il en manque, et qui doivent se loger en France -ou, pire, dans le canton de Vaud... 62 % de logements sociaux, c'est trop pour qui, alors ? pour ceux qui ne soutiennent des programmes comme celui du PAV que s'ils peuvent eux en tirer profit, et qui bloquent déjà la construction de 4000 logements (en sus de celle des plus de 12'000 logements du PAV).

Depuis trois ans, on construit à Genève 2000 nouveaux logements par année, contre 1500 les années précédentes. 5000 sont en cours de construction, mais souvent issus de projets vieux de plus de dix ans. Cette relance ne permet pas de rattraper le retard pris, mais au moins ainsi n'aggrave-t-on pas un déficit qui pénalise d'abord celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété, fût-elle "par étages", ou au loyer "libre". Et qui peinent à trouver coopératives à leur portée. Pour Antonio Hodgers, aujourd'hui, à Genève, "on construit sans doute trop de PPE et pas assez de coopératives". Mais de quelles coopératives manque-t-on ? Parce qu'il y a, socialement, un monde entre les coopératives de logement traditionnelles, issues du mouvement ouvrier, et les coopératives "gentrifiées", issues de la classe moyenne supérieure, aux parts d'entrée inaccessibles aux milieux "populaires"...

Antonio Hodgers a en projet des modifications de zones et des plans de quartier pouvant accueillir 20'000 logements -mais dans quel délai, à quel terme ? vingt ans ? trente ans ? Le PAV, lui, tel que soumis au vote le 10 juin c'est 12'400 logements en dix ans. Et ce sont des logements accessibles à la population qui en a besoin -y compris cette fameuse "classe moyenne" dont la droite immobilière et ses commis politiques ont accoutumés de se gargariser, en oubliant fort opportunément de la définir -mais sans oublier d'invoquer la "mixité sociale", dont celles et ceux qui n'ont pas de logement se contrefoutent tant qu'ils n'en ont pas trouvé un.

Un bon gros vote "oui" le 10 juin s'impose. Ne serait-ce que pour que émanciper la droite genevoise de la Chambre genevoise immobilière. Une aide à l'autonomie politique, en somme.


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