Renforcer l'AVS pour faire passer PF17 : Compromis ou marchandage ?


Les cartels syndicaux romands, Genevois et Vaudois en tête, ont plaidé devant l'Assemblée des délégués de l'Union Syndicale Suisse, vendredi dernier, pour un refus du "compromis" adopté par la commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats sur l'imposition du bénéfice des entreprises (PF17) -un compromis qui consiste, pour éviter deux référendums (contre la PF 17 et contre la réforme de l'AVS) à accorder à l'AVS un financement équivalent aux pertes fiscales engendrées par la PF17. Pourtant, l'USS a adopté une résolution proclamant sa volonté de défendre les services publics face aux "projets de baisses d'impôts dévastateurs", et de s'opposer, par l'instauration d'un taux d'imposition minimal, à la "concurrence fiscale" entre les cantons. Or le projet fédéral de PF17 aura précisément pour conséquence une lourde ponction dans les ressources publiques finançant les services publics que l'USS affirme vouloir défendre, et est construite, dans chaque canton, en fonction des taux des canton voisin (c'est patent dans l'argumentation de ses partisans genevois) -autrement dit, en fonction de la concurrence fiscale que l'USS affirme vouloir combattre. Défend-on  les services publics en acceptant une chute de 2,1 milliards de francs de leur financement, fût-elle compensée par un financement équivalent de l'AVS, comme si les deux enjeux étaient jumeaux ? L'Union Syndicale ayant refilé SchwarzPeter aux cartels et aux syndicats cantonaux, tout en prenant position avant eux, ce sont ceux-ci qui donneront la position réelle du mouvement syndical. Et en Romandie, il est clairement opposée au compromis de la commission du Conseil des Etats, comme en témoigne la prise de position de la Communauté genevoise d'Action Syndicale (CGAS), qui rassemble tous les syndicats du canton : ce qui est présenté comme un "compromis acceptable" par les directions politiques et syndicales (ce qui n'implique d'ailleurs nullement qu'il faille forcément l'accepter) est, pour la CGAS, un marchandage inacceptable.


"Liquidé", le report de l'âge de la retraite des femmes ? Non : gelé.

"Pour chaque franc de recettes fiscales perdu par la Confédération, les cantons et les communes en raison du Projet fiscal 17, un franc est affecté au financement de l'AVS", propose la commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats. Réponse de la Communauté genevoise d'action syndicale, pour qui ce compromis consistant à échanger le soutien politique de la gauche à la PF17 contre un soutien financier supplémentaire à l'AVS, est inacceptable" : "La consolidation de l'AVS ne peut pas faire l'objet d'un marchandage" car elle découle d'un mandat constitutionnel (celui de l'art. 112 de la Constitution fédérale) et "ne saurait dès lors être conditionnée ni représenter une contrepartie" à, par exemple, une réforme de l'imposition des entreprise.

En outre, même si le compromis sénatorial peut apparaître comme acceptable parce que rassurant sur l'avenir de l'AVS, du moins à court terme (dix ans), il ne fournit en réalité aucune garantie de pérennité, puisque la réforme du financement des entreprises doit passer au parlement avant celle de l'AVS. Compte tenu du rapport des forces au parlement, rien n'empêchera une droite largement majoritaire (à deux contre un) de revenir en décembre sur ce qui aurait été promis en septembre. Et là, c'est à nouveau le report de l'âge de retraite des femmes qui menace : on aura beau assurer que si le compromis est adopté il ne sera plus question de repousser d'un an l'âge donnant droit aux femmes à l'AVS on n'aura là qu'une promesse qui ne sera même pas intégrée dans la PF17, et ne reposera que sur des assurances rhétoriques. "La hausse de (l'âge de) la retraite des femmes à 65 ans, c'est liquidé", affirme le président du PSS, Christian Levrat ? Non, pas "Liquidé", seulement gelé. Mais pour combien de temps ? Ajoutez à cela que des deux mesures liées dans le compromis sénatorial (la PF17 et le financement de l'AVS), seule la première est pérenne (le financement de l'AVS est limité dans le temps), vous vous retrouvez en face d'un échange à la fois contestable sur le fond, et déséquilibré dans ses effets. Or son effet premier est celui de la PF17, telle qu'elle est proposée au niveau fédéral, est une perte massive de recettes fiscales pour la Confédération, les cantons et les communes (et d'entre elles, d'abord les villes), et donc de financement des prestations publiques.

La présidente de la JS, Tamara Funiciello, résume : "le lien fait entre le PF17 et l'AVS n'est ni significatif, ni compréhensible. Dans un pays riche comme la Suisse, les entreprises doivent payer des impôts décents et on doit assurer une bonne prévoyance vieillesse pour toutes et tous, indépendamment l'un de l'autre". Le front politique et syndical (cartels syndicaux romands, Jeunesse Socialiste, PS genevois...) qui avait largement contribué à la défaite de la précédente tentative de réforme (ou de contre-réforme de l'AVS est peut-être en train de se reformer, contre les mêmes directions politiques et syndicales nationales. Il dépend certes encore de PS cantonaux (égocentriques comme nous le sommes, on pense évidemment au PS genevois...) de le rejoindre, et quelque chose nous dit qu'on va encore se faire engueuler par la direction du PSS et de l'USS, mais on a l'habitude. On finirait même par aimer ça. C'est un peu adolescent, "se poser en s'opposant" ? Sans doute. Mais à nos âges, rester jeunes, ça ne se refuse pas.

Commentaires

Articles les plus consultés