Un spectre hante Genève



Petites peurs entre amis

On a vu, samedi soir, au Téléjournal,, une assemblée de l'Entente genevoise (le PDC et le PLR, donc) exorciser cette menace spectrale : "deux socialistes au Conseil d'Etat ?"... Et l'auditoire, bouleversé par cette évocation cataclysmique, de clamer un "noooon !" horrifié. Deux socialistes (et un Vert) dans un Conseil d'Etat de sept membres, c'est quoi, où, quand ? Le début de la révolution à Petrograd il y a un siècle ? Pas vraiment : c'est le deuxième tour de l'élection d'un gouvernement cantonal de la Confédération Helvétique en 2018. Et ils y présentent qui, à ce gouvernement, les socialistes ? Rosa Luxemburg et Ernesto "Che" Guevara ? Non : Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz... Alors bon, d'accord, entre le premier et le deuxième tour d'une élection, il convient de mobiliser l'électorat. Mais on dit bien : de le mobiliser, pas de lui faire prendre un glissement à gauche pour la chevauchée des cavaliers de l'Apocalypse...


Les Trois Mousquetaires étaient bien quatre...

Dans "Le Temps", l'ancien Conseiller d'Etat Vert David Hiler pose, comme enjeu de l'élection du gouvernement genevois, l'alternative entre "le compromis ou l'immobilisme". Mais le compromis entre qui et qui ? la gauche et la droite ? Et ce compromis (ou l'immobilisme) sur quoi ? sur l'essentiel ou l'accessoire, le fondamental ou le superfétatoire ? Nous sommes fondés à refuser un compromis sur la réforme de l'imposition des entreprises si ce compromis devait priver les collectivités publiques de centaines de millions de francs de ressources, et menacerait les prestations sociales et culturelles ? A contrario, l'immobilisme sur le traversée routière du Petit Lac nous siérait parfaitement : mieux vaut parfois ne rien faire que faire des conneries.

Pour pouvoir appliquer le programme sur lequel elle a été élue, une coalition politique (la gauche, la droite) a besoin de trois majorités : une majorité gouvernementale, une majorité parlementaire, une majorité populaire. Or si les majorités gouvernementale et parlementaire sont données au soir d'une élection pour la durée d'une législature, la majorité populaire est beaucoup plus incertaine, variable, contradictoire. Elle n'est donnée qu'au soir d'une votation, pour les seuls objets de cette votation. Et comme on vote chez nous tous les trois mois, tous les trois mois cette majorité populaire peut virer de bord. Typiquement, voter au printemps pour des dépenses sociales, et à l'automne contre les impôts les finançant. Ou voter une année pour le principe d'une traversée routière du lac, et une autre année contre le projet de cette traversée (ou le crédit d'étude de ce projet...).

Cela dit, nous obtenons régulièrement des majorités populaires en votations. Et aucune coalition n'est majoritaire au parlement. Obtenir une majorité gouvernementale n'est donc pas sans importance : cette majorité là, qui manque à la gauche, peut faire la différence, changer le rapport de force devant le peuple, dans l'incertitude quant aux autres majorités. Ce n'est certes pas suffisant pour faire "basculer Genève à gauche", mais ce l'est, et largement, pour que nous plaidions pour une majorité de gauche au Conseil d'Etat. Et donc pour un  vote en faveur des quatre candidates et candidats de gauche. On dit bien : "les quatre". Le PS et les Verts n'en présentent que trois ? "Ensemble à Gauche" en présente une. Les Trois Mousquetaires aussi étaient quatre...



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