Fonds de tiroir


 Y'a encore Pagani qui fait rien qu'à embêter la droite : élu député sans cesser d'être Conseiller admi-nistratif, il a été désigné, juste avant de passer le relais de la Mairie de Genève à Sami Kanaan, à la présidence de la commission de l'Aménagement du Grand Conseil, alors qu'il est en tant que magistrat responsable de l'Aménagement en Ville de Genève. Et à a droite, on râle : y'a conflit de loyauté entre le Pagani magistrat de la Ville et le Pagani président de la commission du parlement cantonal. Ah bon ? La loyauté d'un magistrat, qu'il soit municipal ou cantonal, ou les deux, ne va-t-elle pas à l'ensemble de la population, à la Cité au sens politique du terme, et pas soit à la Ville, soit au canton ? Et puis, les Genecand et Aellen (PLR) qui râlent contre Pagani, est-ce quelqu'un les a entendu râler contre les porte-serviettes des milieux immobiliers qui siègent dans les commissions qui traitent des questions d'aména-gement, d'urbanisme et de logement et défendant les intérêts de ces mêmes milieux ? Ils ont pas de conflit de loyauté, eux ?

Lors de la dernière séance du Conseil municipal de la Ville de Genève, consacrée au budget, une subvention à la Coordination inter-communautaire contre l'antisémi-tisme et la diffamation (CICAD) a fait chouïa débat. La « diffamation » contre laquelle la CICAD veut lutter n'étant en réalité qu'une péri-phrase pour qualifier toute critique de la politique du gouvernement israélien (de quelque couleur poli-tique qu'il soit), la confusion entre la lutte, nécessaire, contre l'anti-sémitisme (au sens de judéophobie) et la défense a-critique d'un Etat, pose évidemment problème. Elle a en particulier posé problème aux socia-listes, dont la moitié du groupe n'a pas pris part au vote, précisément du fait de cette confusion. Parce qu'on est évidemment partisans d'un soutien de la Ville à la lutte contre l'anti-sémitisme (et d'ailleurs, la subvention à la Ligue interna-tionale contre le racisme et l'antisémitisme, LICRA, n'était pas contestée), mais pas d'une subven-tion directe à une organisation qui n'en a pas besoin (elle a suffisam-ment de moyens pour se passer des 50'000 balles de la Ville), ou d'une subvention indirecte à l'ambassade d'Israël (ou de tout autre Etat). Bon, finalement, la subvention a été votée à une écrasante majorité. On n'a plus qu'à espérer qu'elle ne financera pas des attaques in-justifiées sur la base d'amalgames douteux contre des élus socialistes (voire le Comité international de la Croix-Rouge) qui ont eu le front de dénoncer par exemple le blocus de Gaza ou le massacre des mani-festants gazaouis s'approchant de trop près du mur édifié par Israël, et dont on ne sait plus s'il doit protéger Israël ou permettre au Hamas de régner sans partage à Gaza.

« Le canton de Genève doit renouveler son contrat social », a proclamé Pierre Maudet dans son «discours de Saint-Pierre», jeudi 31 mai. C'est bien gentil, mais faudrait pas oublier que le contrat social n'est pas défini par l'Etat, mais par les citoyens, et n'est même pas conclu entre eux et l'Etat, mais seulement entre eux : l'Etat n'est pas créateur du contrat social, mais créé par le contrat social. Ouala. C'était notre minute d'alphabétisation des gouvernants.

Paraît (comme on n'y a jamais mis les pieds, ni le reste, on croit la «Julie» sur parole) que la salle du Conseil d'Etat genevois est décorée d'une fresque où des juges aux mains coupées pour les rendre incapables de recevoir des cadeaux corrupteurs rappellent aux ministres et syndics (qui eux ont leurs mains intactes) leur devoir de les refuser. C'est bô. Mais peut-être que Maudet ne regarde pas assez les murs de la salle où il siège avec ces collègues. Ou alors, il ne comprend pas le message. En tout cas, il s'est fait offrir un voyage et un séjour coûteux par un nabab émirati. D'accord, c'est pas de la corruption. Mais c'est en tout cas un peu con. Surtout que le réglement interdit à un fonctionnaire de recevoir, dans le cadre de son service, un cadeau de valeur supérieure à 100 balles. Or le cadeau émirati valait quelques centaines de fois plus... Ben ouais, Genève est une ville chère. Et les Genevois sont impayables. Ou presque.

Evoquant l'ouverture de la Nouvelle Comédie et du nouveau Théâtre de Carouge, mais également le retour à Neuve du Grand Théâtre, le président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, a proclamé dans son « discours de Saint-Pierre » que « la cité doit s'enorgueillir d'avoir placé tant d'ambitions dans ses lieux de culture ». La « Cité », en effet, peut s'en enorgueillir. Sauf que dans ce domaine, « la Cité », c'est la Ville, la commune, pas le canton. Qui en matière de politique culturelle n'a pas beaucoup de raison de s'enorgueillir. Et le président du gouvernement cantonal de pour-suivre: « il appartiendra aux autorités municipales ou cantonales de leur (aux institutions culturelles) un cadre budgétaire et législatif adapté ». Après que le Grand Conseil ait refusé d'accorder une modeste subvention de trois millions de francs au Grand Théâtre (à comparer aux 45 millions que l'opéra coûte chaque année à la Ville, sans compter le coût des investissements dans le bâtiment et la machinerie), l'invocation de Pierre Maudet ne manque pas d'être ironique -mais l'est-elle à dessein ?

Le Conseil d'Etat (le sortant, pas le nouveau) a invalidé partiellement (et donc validé partiellement) l'initiative communale (en Ville de Genève) « Zéro Pub, libérons nos rues de la publicité commerciale ». Le gouvernement cantonal a considéré que l'article interdisant la publicité commerciale par voie d'affichage et interdisant les panneaux d'affichage dans les espaces piétonniers ne relevaient pas de la compétence communale. En revanche, la mise à disposition de panneaux vierges pour la libre expression citoyenne, artistique et associative est considérée comme de la compétence communale, ainsi que le principe de l'équilibre entre affichage commercial et non commercial. Les milieux de la publicité avaient fait pression pour que l'initiative soit totalement invalidée. Elle ne l'est qu'à moitié, mais ce que ces milieux craignaient le plus (l'interdiction de toute pub commerciale) a été sorti du texte. A défaut d'être contents, ils peuvent être soulagés. Reste la possibilité, pour les initiants, de déposer un recours contre l'invalidation partielle (qui en effet vide l'initiative de sa substance contraignante). Et pour les publicitaires d'un recours contre la validation partielle (qui ne leur pose pourtant pas de gros problème, puisqu'elle ne remet pas en cause l'affichage commercial). Et si recours il n'y a pas, ou qu'ils n'aboutissent pas, c'est le Conseil municipal qui sera saisi de l'initiative : soit il l'accepte et la concrétise directement, sans la soumettre au vote populaire, soit il la refuse et lui oppose éventuellement un contre-projet, et vote populaire il y a forcément. Comme il y a forcément vote populaire si le Conseil municipal ne fait pas son boulot dans le délai d'un an (sauf erreur) après que l'initiative lui ait été transmise. On s'interroge donc : est-ce qu'il ne serait pas plus intéressant de faire en sorte que vote populaire il y ait, et donc de ne pas trop se fatiguer à pousser le Conseil municipal à accoucher d'une décision tiédasse, ou d'un  contre-projet qui affaiblirait encore la portée de l'initiative après que le Conseil d'Etat l'âit déjà amputée ? On s'interroge, on vous dit.

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