Les socialistes genevois et le cumul des mandats : une Genferei hors-délai


Le Parti socialiste genevois a, comme d'autre (en fait, la plupart des partis politiques de la République) adopté comme règle celle du non-cumul des mandats politiques électifs : on ne peut, en principe, être à la fois député, conseiller ou magistrat municipal ou parlementaire fédéral. Une règle simple -qui a frappé mardi soir deux élues (le féminin n'est pas sans importance...) socialistes, et non des moindres : la présidente du parti et Conseillère administrative d'Onex Carole-Anne Kast et la Conseillère administrative de Genève Sandrine Salerno. La règle socialiste en effet contient en elle-même la possibilité d'y déroger, mais à une condition draconienne : qu'une assemblée générale du parti accepte cette dérogation à la majorité des deux tiers des membres présents. A trois voix près, les deux députées et magistrates, qui avaient lié leur sort, ont raté cette majorité qualifiée, tout en obtenant une large majorité simple (74 voix sur 115). Une catastrophe ? Non. Mais une connerie, certainement. Commise trop tard pour permettre au PS de concourir à la Genferei 2018, mais qui doit fort réjouir la droite parlementaire, débarrassée par les socialistes eux-mêmes de deux fortes têtes socialistes.

"Inexpiable irresponsabilité de l'ignorance"

Un principe, si beau soit-il (et celui du non-cumul des mandats est un beau principe) ne vaut que par son application. Au PS genevois, on l'applique avec une possibilité d'y déroger, à la condition que cette dérogation soit acceptée par les deux tiers des présents lors d'une Assemblée Générale. Et forcément, ça pose problème, quand les demandes de dérogation obtiennent une claire majorité absolue, mais, de justesse (trois voix) pas une majorité des deux tiers, comme lundi soir. Or il n'y a que deux manières d'éviter les affres des dérogations quand on est incapables de les affronter rationnellement : exclure toute dérogation au principe... ou ne pas poser le principe. La guillotine ou l'indifférence. Proscrire les double-mandats sans exception possible ou les autoriser sans limitation. Mais dès lors que le principe posé peut souffrir de dérogation, il faut bien que la dérogation soit plus difficile à obtenir que le respect du principe -c'est la raison pour laquelle le PS a imposé une majorité qualifiée des deux tiers pour pouvoir déroger à l'interdiction du cumul des mandats. Parce que si la dérogation pouvait être décidée à la majorité simple, elle deviendrait la règle. Cela dit, la règle statutaire socialiste cantonale actuelle est sans doute mal foutue (elle s'applique à la tête du client ou de la cliente). Il conviendrait donc de la modifier, d'en faire une règle "générale et abstraite", en précisant que l'incompatibilité des mandats ne s'applique pas aux derniers mandats autorisés, ceux que les personnes concernées vont terminer en même temps qu'elles en entament un autre.

De toute façon, à partir du moment où une demande de dérogation est possible, et où elle est faite, la question à laquelle il faut répondre n'est plus celle de sa légitimité (puisque les statuts du parti la prévoient) mais celle de son utilité. Ou si l'on veut, de son opportunité. Et c'est là que la réponse donnée par l'assemblée générale du PS a été, non pas scandaleuse, mais stupide : il eût été fort utile, à la fois au parti cantonal et aux deux partis municipaux concernés, que Carole-Anne Kast et Sandrine Salerno puissent terminer leur ultime mandat de conseillère administrative en même temps qu'elles entament leur mandat de députée. C'était affaire de mois de deux ans (jusqu'aux prochaines élections municipales) et cela ne remettait rien de fondamental en cause.
Rien de fondamental, mais apparemment beaucoup de non-dits, de vieilles rognes, de règlements de compte, saupoudrés d'une bonne rasade de théorie du complot. La routine, quoi. Ou l'"inexpiable irresponsabilité de l'ignorance" (Louis-René des Forêts), d'autant plus inexpiable quand elle est volontaire.




Commentaires

Articles les plus consultés