Scandale (planétaire) des notes de frais des magistrats de la Ville de Genève


Haroun El Poussah et Iznogoud sont dans un bateau...

On a passé, entre postures de virginité politique et gesticulations d'exemplarité, dix heures de séances de Conseil Municipal genevois à prêcher, gloser, vitupérer, dénoncer à propos du rapport de la Cour des Comptes sur les notes de frais des magistrats de la Ville, avec au bout du compte quasiment rien de décisif au chapitre des réponses à ce scandale planétaire. De ces magistrats, il y en a un de droite et quatre de gauche. Ils sont de quatre partis (le PS, les Verts, Ensemble à Gsuche et le PDC). Il y a donc trois partis (l'UDC, le MCG, le PLR) et une des deux composantes d'"Ensemble à Gauche" (le Parti du Travail) qui ne sont pas représentés à l'Exécutif de la capitale mondiale du monde mondial. Et donc l'assaut est donné par ces trois partis et cette composante contre les quatre autres partis et l'autre composante. Les heures passent. Les discours aussi.  La morale à deux balles s'abat sur le parlement municipal comme la vérole sur le bas-clergé breton. Une petite manif bat le perron à l'appel d'un petit parti en mal d'existence. On regarde sa montre. On bouquine un peu (on avait pris les "Mille et une Nuits" avec soi). On attend la fin. Elle vient. On a décidé quoi ? Rien, ou presque : on a renvoyé toutes les propositions qui supposaient une décision à l'examen en commission des Finances. Mais on a été nourris et payés. Par la Ville. Et donc ses contribuables. Au nom de l'exemplarité et de la transparence.


Transparance...


A quoi a-t-on assisté (et marginalement participé) hier et avant-hier au Conseil Municipal, à propos du rapport de la Cour des Comptes genevoises sur les dépenses des membres de l'Exécutif municipal ? On ne sait pas trop. A un grand moment politique, certainement pas. A un long pensum, sans doute. A grand renforts d'appels à l'exemplarité (des appels qu'on donne, mais qu'on ne reçoit pas) et à la transparence.

L'exemplarité ? Coïncidemment, la "Tribune de Genève" faisait paraître hier une pleine page pour répondre à cette angoissante question : "Pourquoi le pouvoir fait perdre la tête aux élus ?" (à tous les "élus" ? Bon, admettons, à l'heure du "*tous pourris" on supportera le "tous fous"). Il faudrait d'ailleurs élargir le champ de la question : le pouvoir ne fait pas perdre la tête qu'à certains de ceux qui l'exercent, mais aussi à certains de ceux qui y aspirent. Pas seulement au calife, mais aussi au vizir. Pas seulement à Haroun el Poussah, mais aussi à Iznogoud. De grands et de petits vizirs qui veulent être califes à la place des califes proclament l'indignité des califes, d'autres règlent des comptes picrocholins, tout cela au nom d'une "transparence" qu'ils se gardent bien de s'appliquer à eux-mêmes (notre proposition de rendre publique le décompte des jetons de présence, des avantages, des subventions en nature que reçoivent les conseillers municipaux a été repoussée au fin fond de l'ordre du jour).

La transparence ? "La lame de fond dépasse Genève", observe le Maire, Sami Kanaan. Mais s'il ne s'agit que d'une lame, ne fait que passer. Un "vert libéral" proclame fièrement au milieu d'une centaine de manifestants que "le temps des profiteurs est fini" -il faudrait pour cela autre chose qu'une lame, fût-elle "de fond". La transparence est, plus qu'une vertu, un outil démocratique. Mais son usage suppose que les citoyennes et les citoyens se saisissent de ce qu'on leur montre. Et qu'on leur montre l'essentiel -ce qui produit l'opacité, l'inégalité, les privilèges. Et cela va tout de même un peu plus loin, et plus profond, que la démission d'une ou de cinq personnes de leur poste, pour être remplacées par une ou cinq autres personnes placées au même poste. Ou que la création d'une commission d gestion. Ou qu'une baisse de salaire des élus. Sinon, la "transparence", au lieu que d'être le moyen de la démocratie, n'est que le dialogue de l'exhibitionnisme et du voyeurisme. Non pas la transparence, mais la transparance.

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