Y'a pas à dire, Macron est à l'extrême-gauche...


Poutine, Erdogan, Salvini, Bolsonaro, Trump, Orban...  "National populisme" ?

Poutine, Erdogan, Salvini, Bolsonaro, Trump, Orban : cette énumération n'est pas une identification, elle renvoie à une addition de personnages, de forces et de discours politiques "nationaux", agissant et tenus dans des situations et à partir de traditions différentes. Il n'y a pas d'"Internationale nationale-populiste" (il serait d'ailleurs contradictoire qu'il y en eût, du fait même du nationalisme commun aux uns et aux autres), mais tout de même : le nationalisme, l'homophobie, la xénophobie, le machisme, la "militarophilie", l'usage de la violence et le culte du chef (de l'homme fort...) leur sont communs... la référence religieuse n'est jamais très loin, et tous ont été portés au pouvoir démocratiquement, par des élections qu'ils ont gagnées. Le populisme n'est pas étranger à la démocratie, il y est inhérent. Mais l'onction démocratique n'est pas un certificat de respect des droits démocratiques, de la séparation des pouvoirs, des libertés individuelles, du pluralisme politique, social et médiatique : pour les "nationaux-populistes", l'opposition est par définition illégitime, et les minorités nuisibles. Et si en démocratie, un vote doit pouvoir se corriger par un autre (sans quoi la Suisse ne connaîtrait ni l'AVS ni le suffrage féminin), le "national populisme" (dont il convient, au passage, de rappeler qu'il ne s'installe que dans l'espace politique que la gauche lui abandonne) fera tout pour réduire au maximum le risque d'une alternance.

Si le pouvoir et la raison étaient synonymes, cela se saurait, depuis le temps qu'on subit l'un et qu'on perd l'autre.

Un peu partout en Europe (mais pas seulement : le succès de Donald Trump aux USA y renvoie aussi) se constate une montée de ce que l'on peine à désigner autrement que par des euphémismes ou des périphrases, ou le recours à des catégories nous venant des années vingt (ou utilisées à tort et à travers, comme "populisme") : "droite de la droite", "droite ultra", "populisme de droite", "radicalisme de droite", "fascisme" ? Ce dernier terme a sans doute pour lui la commodité de son usage, et l'apparence d'une compréhension facile. L'apparence seulement : le "radicalisme de droite" (pour user de cette étiquette-là plutôt que d'autres encore moins convaincantes) de notre début de siècle est aussi différent du fascisme des années vingt et trente du siècle dernier que le "social-libéralisme" contemporain de la social-démocratie traditionnelle ou le "néo-libéralisme" financier du capitalisme patrimonial du XIXe siècle. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas des traits communs entre les miasmes d'aujourd'hui et ceux d'hier : un nationalisme xénophobe (Trump a placé la lutte contre les immigrants au coeur de la campagne électorale pour une élection parlementaire dans un pays construit par des immigrants), un conservatisme misogyne et homophobe, une mythologie "patriotique" réécrivant l'histoire, un culte de l'"identité" flirtant de plus en plus ouvertement avec le racisme, un éloge des "traditions populaires" dressées contre la part expérimentale et émergente de la culture, le mépris des "improductifs"... Pour autant, il ne s'agit pas avec le radicalisme de droite d'une simple remontée au jour du bon vieux fascisme d'antan, pas plus que celui-ci n'était la résurrection des contre-révolutions antérieures. On est bien, aujourd'hui, face à une extrême-droite nouvelle, réinventée, et implantée sur les ruines de la gauche ouvriériste, mais sans pour autant avoir perdu ses racine propres : fondé en 1972, le Front National français est toujours, de Jean-Marie à Marine, porteur d'une idéologie nationaliste, xénophobe, identitaire et sécuritaire. Qu'il la revête d'un discours "social" étatiste, autoritaire et exclusif n'y change rien.

Le prochain (ou l'actuel, déjà) pouvoir autoritaire et raciste n'aura pas l'apparence du nazisme ou du fascisme. Mais il ne s'installera que si, comme pour le nazisme et le fascisme, la soumission des uns à l'autorité, la passivité des autres, la recherche de boucs émissaires commodes (les pauvres, les immigrants, les juifs, les rroms), facilitent son installation. Ce sont les hommes et des femmes ordinaires, quelconques, normaux, qui permettent la victoire de régimes extraordinaires, funestes, délirants. Et rien ne sert de s'opposer trop tard, il faut s'opposer avant -avant que l'engrenage autoritaire, puis dictatorial, puis totalitaire, ait commencé à broyer droits et libertés. Aux Milles, près d'Aix-en-Provence, c'est la IIIe République française, et un gouvernement issu du Front Populaire, qui a ouvert en 1939 un camp de concentration pour ressortissants des "Etats ennemis". Dans lesquels furent internés des antinazis allemands, alors que la France était supposé combattre l'Allemagne nazie. L'Etat français de Vichy n'avait plus alors qu'à réutiliser ce camp pour y stocker des juifs et des tziganes destinés aux camps d'extermination.

On aura trop vite expédié les mouvements "national-populistes" actuels et leurs chefs (voire, parfois, leurs cheffes...) dans la vaste poubelle historique du fascisme. C'est trop vite fait, et trop vite dit : tout populisme n'est pas de droite, il y a bien un populisme de gauche. Il est même le premier des populisme de l'ère moderne, et il est russe : c'est celui des Narodniki du XIXe siècle. Le populisme n'est jamais qu'une réponse à l'incapacité de la "classe politique" dominante à un moment donné de répondre aux espoirs, aux préoccupations et aux besoins d'une part considérable de la population -pour ne rien dire des peurs de cette population, auxquelles on ne peut guère répondre que deux manières : en faisant semblant de les partager, ou en tentant de s'attaquer à leurs causes, pour autant qu'elles soient réelles et qu'on puisse y répondre rationnellement. La première attitude est celle de Trump (et de plusieurs gouvernements de l'Europe centrale et orientale), la seconde celle de Bernie Sanders. La première a pour seule et unique motivation celle d'arriver au pouvoir puis d'y rester, la seconde veut changer le pouvoir, ou à tout le moins préserver le respect des principes qui le légitiment- La première comme la seconde, après tout, sont compatibles avec la démocratie comme mode de décision et de désignation des législateurs et des gouvernants. Les populistes européens de droite ne sont pas antidémocrates. Il sont même d'efficaces démocrates : ils font campagne électorale et ils leur arrive de gagner les élections : jamais la démagogie et la démocratie n'ont été incompatibles. Ni d'ailleurs la démocratie et le mensonge ou le délire (Jair Bolsonaro promettant de "débarrasser le Brésil du communisme" qui est totalement marginal).
En démocratie, le peuple a le pouvoir. Mais avoir le pouvoir n'implique pas avoir raison : si le pouvoir et la raison étaient synonymes, cela se saurait, depuis le temps qu'on subit l'un et qu'on perd l'autre.




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