Réformes fiscales : le PS face à un choix simple


Choisis ton camp, camarade...

Ce soir, l'assemblée générale du PS genevois choisira de soutenir ou de combattre le projet de réforme fiscale cantonale porté par la majorité du Grand Conseil. Et au fond, ce choix ne pourra pas être plus simple, plus brut de décoffrage politique, que tel qu'il se présente dès lors qu'aucune autre force de gauche ne soutient cette réforme, et qu'aucune force de droite ne la combat : le PS genevois préfère-t-il être avec toute la gauche ou avec toute la droite ? L'étrange n'est pas dans cette simplicité mais dans l'hésitation d'une partie des socialistes à l'assumer. Et à choisir entre deux destinataires de leur propre crédibilité : tient-elle aux compromis parlementaires qu'ils passent régulièrement avec la droite ou à leur capacité de tenir une ligne politique claire, celle de leur refus de la réforme fiscale fédérale et de leur soutien à l'initiative "zéro pertes" ?

Avec toute la gauche ou toute la droite ?

Une sécheresse de plusieurs mois avait provoqué la famine. Mais elle ne frappait pas tout le monde : les riches avaient fait des réserves. Khadidja interpella Nasreddine Hodja, son mari : "Toi que toute la Ville, à commencer par toi-même, tient pour un  homme dont la parole compte, ne reste pas les bras croisés, va sur la place, rassemble la population et convainc les riches de partager leurs réserves avec les pauvres". Nasreddine trouve que sa femme a raison et fait comme elle dit.
Deux heures plus tard, il revient, tout réjoui :
- Ma femme, rendons grâce à Dieu !
- On t'a entendu ? tu as réussi  ?
- A moitié...
- comment ça, à moitié ?
- ça n'a pas été facile, mais j'ai réussi à convaincre les pauvres...


On l'a déjà écrit ici : quelle que soit la position que le PS genevois prendra demain soir sur la réforme fiscale cantonale, elle sera contradictoire d'une position précédente : le mandat qu'il a donné à son groupe au Grand Conseil de soutenir un compromis passé avec la droite*, ou le mandat qu'il s'est donné lui-même de combattre une réforme fiscale fédérale qui est la matrice de la réforme cantonale et celui de soutenir une initiative cantonale ("zéro pertes") dont les propositions sont rigoureusement incompatibles avec celles de la réforme fiscale ?

Le PS a certes le choix de la contradiction qu'il devra assumer, mais il serait tout de même politiquement assez contestable qu'il choisisse d'être en contradiction avec toute la gauche genevoise (Verts et syndicats compris) pour ne pas fâcher le PLR... A ne pas soutenir la réforme fiscale proposée par la majorité du parlement (sept députés socialistes sur dix-sept compris) on fâcherait la droite (qui n'avait même pas besoin du vote de quelques députés socialistes pour faire passer sa réforme) ? Bah, on n'est pas dans le champ politique (même au parlement) pour être appréciés de nos adversaires. Et il faudra bien que la droite genevoise admette que les mots d'ordre du PS pour les votations populaires sont débattus et décidés en assemblée générale, pas en commission parlementaire. Et que ce n'est pas parce qu'un projet a été négocié au parlement qu'il doit forcément être défendu devant le peuple -et cela vaut pour la RFFA fédérale comme pour sa petite sœur cantonale, même si on essaie de faire croire que ses effets seront "compensés" par une augmentation des subsides d'assurance-maladie, qui n'a aucun lien ni juridique ni politique avec elle.

Il y a un point -mais sans doute un seul- sur lequel sur lequel nous pourrions tomber d'accord avec le député PLR Zweifel, qui croit "néanmoins au bon sens de la base socialiste" (pourquoi "néanmoins", d'ailleurs ?) : en faisant reprendre à son parti une ligne claire, en rejoignant sur cette ligne toute la gauche politique et syndicale genevoise, la base du PS retournerait la veste socialiste ? Ce ne serait que pour la remettre à l'endroit : c'est en soutenant (et encore : en ordre dispersé) le fameux "compromis" parlementaire que le PS l'avait retournée. En le refusant, les socialistes rappelleront au passage que le parlement n'est pas le lieu fondamental, décisif, du combat politique, que le rapport de force qui y règne n'est pas le cadre contraignant de l'action politique d'un parti socialiste, et que ce rapport de force parlementaire ne résume pas le rapport de force social.

En rejoignant toute la gauche dans l'opposition à la réforme fiscale cantonale, on tient donc notre ligne. Et cette ligne n'est pas une ligne Maginot, notre opposition n'est pas défensive mais offensive, elle s'appuie sur un texte que nous avons déjà adopté : l'initiative "Zéro Pertes". On ne dit pas seulement "non" à la réforme fiscale proposée par le parlement, on dit d'abord, et surtout "oui" à notre propre initiative. Et si la réforme fiscale cantonale genevoise devait être refusée avec l'appui du PS, ce serait une victoire de toute la gauche, majoritaire dans les urnes, contre toute la droite, majoritaire au parlement...

Choisis ton camp, camarade...



* onze députés socialistes expliquent pourquoi ils n'ont pas soutenu ce compromis au Grand Conseil : https://www.fichier-pdf.fr/2019/03/11/explication-de-deput-e-s-socialistes-contre-la-rffa/explication-de-deput-e-s-socialistes-contre-la-rffa.pdf

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