Elections européennes : le pire n'est jamais sûr



Orwell ou Houellebecq ?

Tirant les enseignements de son "enquête hongroise" dans les pays européens ayant instauré des régimes de "démocratie illibérale" ou d'Autoritarisme électif", le journaliste Bernard Guetta (par ailleurs candidat aux élections européennes sur la liste macronienne) ne fait pas preuve d'un grand optimisme : il se demande "si nous (ne sommes) pas à l'aube d'une ère de plusieurs siècles, qui ne sera pas forcément (...) une ère de régimes sanguinaires, mais quelque chose de tranquille, et de terne (...). Un monde étouffé, plus étroit, moins libre. Un monde sans passions, d'un ennui effroyable". Un monde qui, comme en Hongrie, en Pologne, en Autriche ou en Italie, où "les gens n'ont pas peur", où il n'y a "aucun des signes habituels des régimes policiers" mais qui est tout de même "un étouffoir". Pas un monde orwellien, mais peut-être un monde houellebecquien... Se dessinera-t-il lors des élections européennes (auxquelles les Britanniques participeront sans doute*, alors qu'ils sont toujours supposés quitter l'Union) ? Le pire n'est jamais sûr..


"tout sauf Macron, même Le Pen" ou "tout sauf Le Pen, même Macron"...
Enthousiasmante alternative, non ?


Une étude du Parlement européen prévoit pas loin d'un doublement de ses sièges occupés par les souverainistes et nationalistes (ils passeraient de 37 à 60 ou 70 sièges), qui resteraient cependant loin derrière les trois principales coalitions politiques du parlement, les conservateurs du PPE (qui auraient 183 sièges), les socialistes et sociaux-démocrates (135 sièges) et les libéraux (90 sièges), largement majoritaires ensemble, quoi qu'il en soit de leurs contradictions (les conservateurs et les socialistes intègrent en effet des partis eurosceptiques -sans être europhobes). Derrière, les Verts et la gauche de la gauche auraient entre 40 et 50 sièges chacun.

Les "populistes de droite", usurpateurs de la référence "populiste" (le populisme en effet exige que l'on suive le peuple, les souverainistes réactionnaires ne veulent que le conduire) sont une centaine, répartis en quatre groupes, au parlement européen sortant. Ils veulent devenir une force incontournable, briser la majorité que détiennent ensemble conservateurs du PPS et sociaux-démocrates. Pour cela, ils doivent conquérir au moins cinquante sièges supplémentaires -et former un seul groupe. Or s'ils convergent sur leur amour des frontières et leur détestation de l'immigration,  ils divergent sur bien d'autres points. Les sympathies de Marine Le Pen et Matteo Salvini pour Poutine indisposent le PIS polonais, l'AID allemande réprouve les acrobaties budgétaires de la Lega et des Cinq Etoiles italiennes, les tonalités "sociales" du discours de Le Pen ne sont pas du goût des autres populismes de droite...

En France, la campagne est désormais lancée, avec la désignation des dernières "têtes de listes" : Nathalie Loiseau, ministre (démissionnaire pour sa candidature) des Affaires européennes pour la liste de la "République en Marche", et plusieurs novices en politique : Jordan Bardella pour le Rassemblement (ex-Front) National, François-Xavier Bellamy (philosophe catho conservateur) pour Les Républicains, Manon Aubry, ancienne porte-parole d'Oxfam, pour la "France Insoumise". A gauche, les listes ont crû et multiplié : outre celle de la France Insoumise, on aura celle des Verts portée par Yannick Jadot, celle de "Generations" (le parti de Benoît Hamon), celle du Parti communiste, et celle de l'alliance PS-Place publique, portée par Raphaël Glucksmann.

On joue là le troisième tour des Présidentielles de 2017, avec les deux mêmes protagonistes, cachés derrière leurs "têtes de liste" mais avec des scores comparables à ceux de 2017 : Un sondage publié le 27 mars** met les listes de la "République en Marche" et du Rassemblement National à respectivement 23 et 21 % des suffrages ors de cette élection à la proportionnelle et à un tour (les autres sondages suggèrent le même classement, avec quelques différences dans les pourcentages). Macron devant Le Pen, comme au premier tour des présidentielles, Avec pour lui l'avantage de n'avoir pas changé de discours sur l'Europe, contrairement à Le Pen. Et aussi l'avantage acquis lors du "grand débat national", où il a été omniprésent -au point d'ailleurs de transformer ce débat en campagne électorale. La crise des "gilets jaunes" a d'ailleurs permis à Le Pen de se refaire une santé après son échec à la présidentielle, et de continuer à se présenter comme la porte-parole d'une "France d'en bas" dont elle n'est pas et dont elle se contrefout, pendant que Macron se présentera comme la seule alternative au "populisme" en général et à celui de Le Pen en particulier. ça lui a réussi aux présidentielles, il compte que ça lui réussisse aux européennes. Et c'est possible : les oppositions à Macron autres que celle du Rassemblement national sont réduites àla figuration, plus ou moins intelligente : ni les "insoumis" de Mélenchon, ni les "Républicains" de Wauquiez, ni les "socialistes" de Faure, et moins encore les bouffonneries de Dupont-Aignan ou les éthers politiques de Benoît Hamon ne rompent le face-à-face de Macron et de Le Pen, voulu et cultivé par l'un et l'autre puisque chacun des deux trouve en l'autre le meilleur argument pour lui-même : "tout sauf Macron, même Le Pen" ou "tout sauf Le Pen, même Macron"...
Enthousiasmante alternative, non ?

* Une bonne partie des députés qu'ils enverront au Parlement européen seront cependant sans doute élus sur des listes favorables, à un titre ou un autre, au maintien du Royaume-"Uni" dans l'Union -ou à défaut, dans le marché, c'est-à-dire l'union douanière et la libre circulation (comme la Norvège ou la Suisse, donc) : les indépendantistes écossais et gallois, les libéraux-démocrates, la majorité des travaillistes, une partie des conservateurs, les républicains irlandais sont certes pour une "exit", mais une "exit du Brexit" -un Brexitexit"...

** Lutte ouvrière (LO) : 0,5% ; Parti communiste (PCF) : 2% ; La France Insoumise (LFI) : 7,5% ; Génération.s : 5% ; Parti socialiste (PS) : 5,5% ; Europe Ecologie-Les Verts (EELV) : 9% ; La République en Marche (LREM) : 23% ; Union des démocrates indépendants (UDI) : 3,5% ; Les Républicains (LR) : 12,5% ; Debout la France (DLF) : 3,5% ; Les Patriotes : 1% ; Rassemblement national (RN) : 21% ; Union populaire républicaine (UPR) : 1% ; Gilets jaunes : 2,5% ; Autre liste : 2,5%s

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