Fonds de tiroir


Donc, le Conseil National, après le Conseil des Etats, a refusé de réhabiliter les sept personnes, dont Léon Nicole, condamnées par les Assises fédérales après le massacre du 9 novembre 1932. Les Chambres ont refusé de les réhabiliter au motif pour le moins étrange que les sept hommes ont été condamnés « dans le respect des principes de l'Etat de droit ». On croit rêver : le 9 novembre 1932, un meeting d'extrême-droite avait été organisé pour la « mise en accusation» des dirigeants du Parti socialiste genevois, Léon Nicole et Jacques Dicker. Le PS avait répliqué en convoquant une manifestation. Contre laquelle le Conseil d'Etat (de droite) avait appelé l'armée. Qui avait tiré dans le tas, tuant treize personnes et en blessant 65. Mais ce sont les dirigeants et des militants de gauche qui ont été condamnés -ni ceux d'extrême-droite, ni le Conseil d'Etat, ni les officiers ayant donné l'ordre de tirer sur les manifestants (à la mitrailleuse). Léon Nicole avait donc été condamné à plusieurs mois de prison. Il les avait purgés à Saint-Antoine, d'où il était quasiment sorti pour être élu au Conseil d'Etat avec trois autres socialistes, et prendre la présidence du Conseil d'Etat (le premier gouvernement cantonal à majorité de gauche en Suisse). Ouais, c'était une autre époque : on devenait président du Conseil d'Etat en sortant de prison. Aujourd'hui, on risque de finir en prison après avoir été sorti de la présidence du Conseil d'Etat.

Notre-Dame de Paris a brûlé, et ça a fait déploration mondiale. Mais c'est pas la première cathédrale qui brûle ou qui est partiellement détruite -le plus souvent sans qu'on puisse y voir un accident : celles de Strasbourg, Reims, Noyon, Verdun, Arras, Saint-Lô, Rouen, Caen l'ont été pendant la première ou la seconde guerre mondiale -et on ne cite là que les françaises. Parce que les allemandes en ont aussi pris plein la gueule pendant la Guerre Mondiale, comme celle de Coventry en Angleterre. Ou celle de Nagasaki. Mais on a souvent décidé soit de ne pas les reconstruire, et de les laisser en ruines exemplaires, soit de les reconstruire en laissant visibles les traces de leur destruction : comme l'écrit l'historien Stéphane Michonneau, « l'histoire de l'Europe est aussi celles de nos cicatrices ». Seulement voilà : on est dans l'époque de la chirurgie esthétique, du lifting et de la liposuccion, pas dans celle du témoignage signifiant. Il y a donc fort à parier qu'on recollera une flèche à Notre-Dame de Paris. Mais quelle flèche ? On sait pas. Toute la droite française se mobilise pour qu'on se contente de refaire la flèche de Viollet Le Duc à l'identique. Et dénonce par avance le sacrilège d'une flèche « contem-poraine ». Sur le même ton qu'on l'entendait hurler contre le projet de Peu (et de Mitterrand... soutenu par Chirac...) d'une pyramide dans la cour du Louvre...

« C'est une affaire extrêmement grave, car ce service est le centre névralgique de notre démocratie », avait soupiré le président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers. Mais c'était avant que l'« affaire extrêmement grave » ne semble se réduire en un fait divers de cornecul ne remettant pas en cause (selon le Conseil d'Etat) le scrutin du 19 mai, pour lequel le dépouillement sera « renforcé ». Le Conseil d'Etat a mis sur pied une « cellule de crise composée de plusieurs hauts fonctionnaires » et présidée par la Chancelière (puisque le service est rattaché à la Chancellerie). En fait, il s'agit plutôt de rassurer le bon peuple, de lui redonner confiance : «la confiance, on la perd par mètre, on la reconquiert par millimètre », philosophe Antonio Hodgers... Autant dire que les mètres de confiance perdue par les gouvernants de Piogre depuis des mois ne vont pas se reconquérir avant des années... D'ailleurs, le Procureur général Jornot n'avait pas plus tôt annoncé qu'il n'y avait aucun indice de fraude électorale qu'un coup de bise teigneux mettait à terre les panneaux d'affichage des mots d'ordre pour les votations de dimanche. Si le ciel s'en mêle, alors...

Mardi, le taux de participation, à cinq jours de la clôture du vote, plafonnait à 26,1 %. A ce rythme, on sera au final autour de 40 % de participation. Moins que lors de tous les scrutins de 2018 et 2019 (sauf celui de juin 2018) Pas terrible, vu les enjeux. La gauche appelle donc à la mobilisation : « le droit de vote, certains meurent pour l'obtenir », rappelle la députée (Ensemble àé Gauche) Jocelyne Haller). Et nous, on rappelle que si l'abstention était subversive, les abstentionnistes seraient en tôle. Donc : au vote !

On s'inquiétait, ou en se réjouissait, c'est selon qu'on soutient la Ville ou le canton dans la grande course à la Genferei de l'année : le scandale des fraudes électorales s'est dégonflé comme une baudruche, la Genferei , là, c'était qu'il n'y avait pas de Genferei... on pouvait se reposer ? Ben on s'est pas reposés longtemps... Hier, on a appris que le responsable de la sûreté de l'aéroport (un ancien magistrat municipal PLR) a été arrêté sur son lieu de travail et ses locaux perquisitionnés sur le soupçon de corruption dans l'attribution de marchés publics et de gestion déloyale des intérêts publics : il aurait été payé par le patron d'une société de sécurité privée (qui a aussi été arrêté) pour lui attribuer plusieurs marchés. Bon, le canton a repris la tête du match. Et la télé fait son « Infrarouge » avec comme sujet : « Genève a-t-elle un problème ? ». Ben non, c'est si elle produisait plus de Genferei (c'est quoi, le pluriel de ce néologisme tudesque ?) qu'elle aurait un problème et qu'on pourrait s'inquiéter.

Le patronat genevois panique : et si Genève refusait dimanche la réforme fiscale cantonale ? Et la Chambre de commerce soinne le tocsin. Et publie une recom-mandation de vote sous forme d'un bulletin de vote fictif. Décidément... D'ici à ce qu'on en retrouve dans les urnes, des bulletins de vote fictifs...

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