Ouverture dominicale des magasins genevois : Une "victoire de la tactique du salami"


C'est à l'usure que le patronat du commerce genevois de détail a gagné dimanche, par 52,1 % de "oui" dans un vote noyé dans neuf autres,  le droit d'ouvrir ses magasins trois dimanche par année. Une "victoire de la tactique du salami", résume le Comité unitaire qui avait lancé le référendum contre cette proposition. Les Genevoises et vois ont ainsi annulé par leur vote leur propre décision, prise lors d'un vote précédent, de lier ce droit à l'obligation de conclure une convention collective. On notera tout de même que les arrondissements de gauche ont refusé cette proposition patronale, qui n'a été acceptée en Ville de Genève que du fait du différentiel de participation électorale entre les quartiers populaires et les parcs à bourges.

La religion des ouvertures dominicales est l'opium des commerçants genevois.

En novembre 2016, en vote populaire,les Genevois et voises avaient déjà accepté une proposition patronale d'ouverture des magasins trois dimanches par an -mais en y posant une condition : la conclusion d'une convention collective de travail étendue à tout le secteur cantonal. C'est cette condition qui a été levée dimanche. Pour le PLR, s'exprimant par la voix du député Jacques Béné (oui, oui), "l'existence d'une CCT n'est pas cruciale". Pour les députés PLR et les patrons du commerce, on se doutait bien qu'une CCT n'était pas cruciale. Et même gênante, si elle étendue, c'est-à-dire rendue obligatoire pour tous les employeurs, même ceux dont les représentants ne l'ont pas signée.  Pour les travailleuses et les travailleurs, en revanche, une CCT est un instrument irremplaçable (sauf par une loi) de protection -une vraie CCT, pas le brouillon signé par les patrons avec un syndicat croupion, pour un salaire minimum inférieur à celui prévu par le contrat-type élaboré par la Chambre des relations collectives de travail, et cela dans un secteur où les salaires sont parmi les plus bas.

Bref, les commerces genevois pourront ouvrir trois dimanches par an, plus le 31 décembre. Pendant deux ans (c'est une période-test, sans doute du genre "provisoire qui dure"). Mais quels commerces ouvriront ? quels dimanches ? On n'en sait rien. On sait juste que le Conseil d'Etat devra rendre un rappoort et consulter les partenaires sociaux.

"Il faut penser aux commerçants qui subissent de plein fouet la concurrence de la France et aux étudiants qui ont besoin d'0horaires flexibles", suggère le député PDC Forni. On y pense, on y pense... quoique le besoin particulier d'horaires flexibles pour les étudiants ne nous ait pas particulièrement frappé. Et on pense surtout que le patronat genevois du commerce de détail se berce doucement d'illusions s'il croit qu'ouvrir ses magasins le dimanche va freiner le commerce sur internet et les achats en France.

On n'avait d'ailleurs pas de problèmes pour faire des courses le dimanche, quand on en avait besoin : les supérettes de la gare et de l'aéroport, les dizaines de dépanneurs ouverts tous les jours, certains 24 heures sur 24, y pourvoyaient. Et si ça ne suffit pas, le Léman Express permettra d'aller plus facilement faire à Annemasse les achats qu'on peut y faire à moindre prix qu'à Genève.

Et on entendra toujours les plaintes du patronat du commerce genevois. Et on aura toujours à combattre ses projets d'ouvertures toujours plus élargies des commerces, comme ceux qui sont en attente au parlement cantonal et au parlement fédéral : "l'ouverture trois dimanches par an ne sera pas suffisante", a déclaré l'auteur du projet de loi accepté dimanche, le PLR  Jacques Béné, qui regrette que la loi fédérale empêche d'ouvrir davantage. Qu'à cela ne tienne : la droite tentera de modifier la loi fédérale.... Parce qu'on n'est pas dans un débat empirique et rationnel, on est dans l'invocation propitiatoire : ouvrir les commerces le dimanche, les jours fériés et la nuit, ça fait fait venir une clientèle supplémentaire, détourner les consommateurs des achats par internet, les convaincre d'acheter à Genève des produits plus chers que les mêmes produits proposés de l'autre côté de la frontière. Et augmenter le revenu disponible des consommateurs, pour qu'ils consomment plus ici.

La religion des ouvertures dominicales est l'opium des commerçants genevois.

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