Urgence climatique et calculs électoraux


Tous verts...

Beauté des campagnes électorales : les conversions les plus surprenantes (et les plus réjouissantes, quelque doute que l'on puisse nourir sur leur sincérité) à la défense de l'environnement et à l'urgence climatique se succèdent.
En décembre dernier, le PLR (avec l'UDC) refusait au Conseil national la proposition, soutenue par la gauche, le PDC, le PBD et les Verts libéraux) d'une taxe (modique : de 30 à 50 francs) sur les billets d'avion pour inciter les Suisses à user d'autres moyens de transports, moins nocifs à l'environnement et au climat. Et dans le même mouvement, la même majorité (PLR, UDC) a plafonné à huit centimes la hausse maximale du prix de l'essence à la pompe. La proposition de taxer les billets d'avion ne venaient pourtant pas d'écolos extrémistes : elle venait du Conseil fédéral... où le PLR et l'UDC sont majoritaires, mais elle a échoué du fait de défections au sein du PDC. Ce qui n'empêchera pas plus le PDC que le PLR de se peindre en vert pendant la campagne électorale. Le PLR, d'ailleurs a entamé cet exercice de ripolinage verdoyant : un document de travail soumis à l'assemblée des délégués du parti national tente de placer le parti dans le mouvement "climatique" du moment, mais avec grande pusillanimité. Certes, on propose au parti d'accepter une taxe CO2 sur les carburants qu'il a jusqu'à présent toujours refusé, mais on la veut "incitative" et reversée à la population, ce qui en annulerait les effets., et fixée en tenant compte des prélèvements existants sur l'essence et le diesel, ce qui la limiterait à 10 centimes par litre. Quant à la taxe sur les billets d'avion, il n'est pas proposé au parti de la soutenir alors que 73 % des membres la soutiendraient selon un sondage interne. De même, il n'est pas question d'interdire les pesticides, sinon comme ultime recours. Bref, on est encore loin d'une conversion du PLR à l'écologie, telle que celle de la gauche dans les années septante...


Adhésion à l'écologie et prise en marche du train vert...

A gauche, on a depuis les années septante intégré l'écologie aux programmes politiques et aux propositions parlementaires ou référendaires. Ce ne se fit pas sans résistance de l'aile social-démocrate et syndicale traditionnelle, héritière de l'industrialisme ouvriériste des débuts du mouvement ouvrier. Pour elle la double priorité donnée à la fois à la justice sociale et à la défense de l'environnement ne pouvait qu'affaiblir la première. On n'en est plus là : la gauche suisse est écolo depuis plus de trente ans, et n'a donc plus de virage idéologique à opérer -si elle a toujours à traduire en actes forts celui qu'elle a pris il y a une génération. C'est d'ailleurs parce qu'elle l'a pris que les parti écologistes ont pu avec elle constituer une alliance devenue majoritaire dans toutes les "grandes villes" du pays, et pouvant l'être dans plusieurs cantons.

La principale force de gauche du pays, le PS, propose aujourd'hui ce que son président qualifie de "Plan Marshall pour le climat" (au passage, on aurait préféré une autre référence que celle du plan d'après-guerre de reconstruction de l'Europe au prix de sa sujétion aux Etats Unis, mais on n'en fera pas une maladie...). Un plan de douze milliards pour la transition énergétique pour se "libérer du pétrole", développer l'énergie solaire, renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments, réduire massivement la consommation d'énergie fossile (source de 80 % des émissions de Co2), avec tout ce que cela implique par exemple dans la politique des transports.
Ce que ces propositions dessinent, et ce que ces choix, s'ils sont fait, promeuvent, c'est le "développement durable". Mais est-ce suffisant ? Est-ce l'amorce d'un changement plus profond, plus radical : celui de la décroissance, ou7 en est-ce le refus ?
L'alternative (car c’en est bien une) entre le "développement durable" et la "décroissance" ressemble fort à celle qui traverse le mouvement socialiste depuis ses premiers vagissements, entre la réforme et la révolution. La question posée n'est pas la même, mais la manière de la poser est fort semblable : "la croissance économique est-elle compatible avec la défense de l'environnement ?", "le respect des institutions est-il compatible avec le changement de société ?"...

La décroissance, comme la résume Paul Ariès, est un "appel au retour des partageux" : elle doit "forcément être équitable et sélective, afin de donner plus à ceux qui ont eu le moins". En cela, elle s'inscrit parfaitement, et fidèlement, dans un programme socialiste (quoique pas forcément, et même assez exceptionnellement, dans ceux des partis socialistes -tant pis pour eux !), d'autant qu'elle doit s'accompagner d'un surcroît de démocratie.
La question de la justice sociale est centrale pour la gauche : on peut exiger des riches de l'être moins, de consommer moins, de travailler moins et de voyager autrement -on ne peut rien demander de semblable aux plus pauvres. Et c'est bien ce lien entre urgence climatique et justice sociale qui va, au bout du compte, distinguer l'adhésion réelle de la gauche à l'écologie de la prise en marche par la droite du train vert.

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