Quel meilleur faire-valoir pour Macron que Bolsonaro ?


L'Auguste et le Clown Blanc

Tout se passe comme si Emmanuel Macron avait toujours besoin d'un repoussoir pour se donner stature d'Homme d'Etat, se grandir politiquement. Et plus le repoussoir est repoussant, plus évidemment il repousse Macron vers le haut. Marine Le Pen avait à merveille joué ce rôle lors de l'élection présidentielle (et rien n'indique qu'elle cessera de le jouer lors de la suivante), et même les "Gilets Jaunes", à leur manière, l'année dernière. Et maintenant, c'est à Jair Bolsonaro de reprendre le flambeau. Et il est parfait dans cette fonction, Bolsonaro, même s'il ne s'en rend nullement compte. Pas plus d'ailleurs que Marine Le Pen ou les "Gilets Jaunes" ne s'en rendaient compte. Il faut un Auguste pour le Clown Blanc


"À force de sacrifier l'essentiel à l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel"

C'était déjà le résultat du duel Macron-Le Pen aux présidentielles, et ça le reste deux ans plus tard : même impopulaire, même affaibli par la crise de "gilets jaunes", même confronté à la détestation d'une partie de l'opinion publique et, pour le moins, à la méfiance des chefs d'Etat et de gouvernement européens, Macron est, pour l'instant, indéboulonnable. Il peut dérouler ses projets de réforme sans avoir à craindre une opposition dans le champ politique institutionnel. Il peut abandonner quelques promesses électorales (la réduction du nombre de fonctionnaires ou l'équilibre budgétaire par exemple) sans craindre d'en être sanctionné.  Et si une élection présidentielle devait avoir lieu aujourd'hui, tous les sondages l'y donneraient réélu. Face à Le Pen.

Après deux ans de présidence "jupitérienne", et au terme du "grand débat" répondant à la crise des "gilets jaunes", Macron a promis, juré, le 25 avril, que désormais son maître-mot sera la "concertation" entre le gouvernement et "les partenaires sociaux, les associations, les élus". Mais pas les "gilets jaunes". Il a aussi assuré que le rôle du Premier ministre sera renforcé, et avec celui du gouvernement, le rôle du président étant de "donner un cap, prendre des orientations", mais pas décider de tout tout seul". En attendant quoi, il se sera engagé fortement dans la campagne des élections européennes. Il est vrai qu'à la seule exception du Premier ministre, il n'a aucun "poids lourd" politique sur qui se reposer médiatiquement face à l'opinion publique, depuis le départ de Nicolas Hulot et de Gérard Collomb. Il peut donc faire mine de renoncer à la présidence "jupitérienne" pour passer à une présidence "arbitrale", c'est toujours lui, qui en dernier ressort, va décider. Quitte à faire au moins semblant d'un mea culpa, ou d'un "je vous ai compris" gaullien : j'ai entendu la colère de nombreux Français et mesuré l'incompréhension de nombreux autres. Mais je continuerai à réformer, quoiqu'en changeant de méthode : "il nous faut réussir à inclure davantage les Françaises et les Français", a-t-il convenu le 21 août. Un changement de méthode, pas un changement de projet : "le véritable esprit de résistance français, ça n'0est pas l'immobilisme". Et ce serait donc lui ? réfrénons nos ricanements, même si nous y peinons quand le même Macron ajoute que résister "en décidant de ne rien changer", c'est comme "le socialisme dans un seul pays , ça ne marche pas". Et le voilà trotskiste...

Aux élections européennes : Macron et Le Pen ont conforté un duopole qui leur convient fort bien, à l'une comme à l'autre puisque c'est ce que lui et elle cherchaient : apparaître chacun comme l'alternative à l'autre : en installant son duel avec Le Pen, Macron s'installe lui-même, sans alternative (Le Pen n'en est pas une). Les marcheurs de Macron et les rassemblés de Le Pen ne rassemblent pourtant, additionnés, qu'une minorité d'électeurs. Derrière, seuls les Verts surnagent. La droite traditionnelle (les "Républicains"), la gauche de la gauche (les "Insoumis"), et le PS plongent. Et tout ça arrange bien Macron autant, sinon plus encore que Le Pen : après avoir cassé la "gauche de gouvernement", il peut raboter la "droite de gouvernement", et n'avoir plus d'opposition qu'une gauche et une droite tribunitiennes -dès lors, il n'y a plus que lui et les siens qui peuvent gouverner...

Contrairement à la Suisse (sauf, évidemment, Genève), il y a en France un président dont on peut exiger la démission sur tous les tons (et on arrive même parfois à l'obtenir, comme celle de De Gaulle en 1969, ou, sous une autre forme, celle de Hollande en 2017). Mais une fois qu'on aurait obtenu la démission du président, on mettrait qui à sa place (sauf évidemment à vouloir se passer de président) ? Et avant même toute démission, ou toute élection, qui opposer à Macron ? Qui, ou quoi, quelle force politique ? Certainement pas la gauche :  le patron de ce qui reste du PS, Olivier Faure, a bien appelé à l'unité de la gauche pour "montrer qu'ensemble nous sommes à la fois un rempart à l'extrême-droite et une alternative au pouvoir libéral en France et en Europe", mais la gauche française, à la fois en décomposition et en recomposition, est hors d'état d'être un rempart à qui et à quoi que ce soit et dans cette situation,estime le Premier secrétaire du PS, "le risque n'est pas celui de ladisparition du PS, mais de voir la gauche et les écologistes marginalisés et réduits à jouer les seconds rôle". Comme si tel n'était pas déjà le cas...

"À force de sacrifier l'essentiel à l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel" (Edgar Morin)

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